20 Avril 2014
Il tire son nom d'une rivière du Congo qui coule à proximité du village où on l'identifia pour la première fois, en 1976. Depuis, le virus sème épisodiquement la terreur dans certains pays d'Afrique centrale et depuis peu de l'Ouest. De la famille des Filoviridae (virus de structure filamentaire), il constitue l'un des agents infectieux les plus redoutables que l'on connaisse, même si le nombre relativement bas de ses victimes (comparé par exemple à celui des victimes du sida) empêche de le considérer comme un fléau majeur de santé publique, et donc de lui consacrer des moyens suffisants.
"Avant qu'on le connaisse, le virus sévissait sans doute depuis la nuit des temps", dit Delphine Pannetier, de l'Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (Inserm). En 1976, lors de la première épidémie documentée qui avait permis son identification, ce satané filovirus manifesta d'emblée sa capacité de nuisance. Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), il devait contaminer 318 personnes et en tuer 280. Une effarante proportion : pas loin de 90% de mortalité, ce qui est très supérieur aux ravages statistiques des pestes noires médiévales.
Avec au moins 111 victimes comptabilisées, la dernière épidémie - qui sévit en Guinée- Conakry, au Liberia et en Sierra Leone - vient d'être classée par l'OMS "parmi les plus effrayantes jamais enregistrées depuis l'apparition de la maladie", et elle confirme la terrible statistique mortelle signée Ebola. Paradoxe : c'est justement cette létalité record qui nous en protège, en l'absence de tout traitement disponible.
En effet, dit Sylvain Blaize, responsable à l'Institut Pasteur du Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales,
C'est pourquoi les épidémies restent courtes et localisées, avec des morts qui se comptent à chaque fois par dizaines, voire par centaines, jamais par milliers ou millions.
Delphine Pannetier, qui travaille au laboratoire Inserm de haut confinement "P4 Jean-Mérieux" à Lyon - le seul en Europe à pouvoir manipuler les agents pathogènes les plus terrifiants -, confirme la présence d'Ebola dans les échantillons biologiques reçus de Guinée. Cette spécialiste souligne le caractère hautement contagieux du virus, qui se transmet par contact avec les fluides corporels, "le sang, les larmes, et sans doute la sueur". Mais elle précise : "Il ne s'agit pas d'un virus respiratoire, contrairement à celui de la grippe par exemple." Qu'on se le dise : Ebola ne se propage pas par voie aérienne et n'entre pas dans les poumons - du moins si l'on ne se trouve pas à portée de postillons infectés.
Sa durée d'incubation est courte (moins de quinze jours), et les tout premiers symptômes (fièvre, toux, fatigue intense) peuvent être confondus avec ceux de nombreuses autres maladies éventuellement anodines, ce qui amène à négliger certaines mesures de protection : on a vu des agents hospitaliers mortellement contaminés par de simples changements de draps.
Quant à l'origine du virus, on commence à la connaître : Ebola contamine de façon asymptomatique certaines espèces de chauves-souris africaines, qui en sont le réservoir et le vecteur. Les victimes suivantes sont les singes, puis les humains consommateurs de "viande de brousse" - les épidémies naissent toujours en bordure de forêts tropicales. Enfin, dernière certitude : la contamination interhumaine fonctionne hélas trop bien.
Les spécialistes jugent "peu probable" que - hormis le cas d'un voyageur isolé - cette terrible maladie puisse s'exporter hors d'Afrique, encore moins s'y installer. Ils jugent aussi peu vraisemblable qu'un géant de la pharmacie s'intéresse à la mise au point d'un vaccin à destination d'un marché non solvable - même si des candidats-vaccins crédibles ont été testés sur les singes. En effet, comment financer des vaccins alors que, en Guinée, l'ONG Action contre la Faim, qui s'efforce de lutter contre Ebola, se désole de manquer d'un désinfectant aussi peu coûteux que l'eau de Javel ?
http://tempsreel.nouvelobs.com/sante/20140418.OBS4443/ebola-comment-ce-virus-foudroyant-s-est-propage.html