9 Avril 2014
A Conakry, le comité chargé de remettre à plat le secteur minier propose le «retrait» des concessions accordées à BSGR, le groupe minier lié à Beny Steinmetz, milliardaire installé à Genève. En cause, les soupçons de corruption entachant leur obtention, il y a six ans. La décision des autorités serait «imminente». BSGR parle d’un «plan orchestré par le président Alpha Condé» afin de l’exproprier
Retrait des concessions minières pour cause de «pratiques de corruption», démontrées par un «ensemble d’indices précis et concordants établissant [les faits] avec une certitude suffisante». Le verdict de l’instance guinéenne chargée de renforcer la transparence dans le secteur minier au sujet du cas BSGR est tombé mercredi. C’est sur la base desrecommandations de ce «comité technique de revue des titres et conventions miniers» que Conakry prendra sa décision – imminente, celle-ci serait retardée par la crise liée au virus Ebola – quant à l’avenir dans le pays du groupe Steinmetz. Et entérinera le retrait de titres qui autorisaient le conglomérat minier dépendant de la fondation de Beny Steinmetz, un milliardaire franco-israélien vivant à Genève, à creuser une partie du massif de Simandou. Située aux confins du pays, la zone recèle l’un des plus fabuleux gisements de fer de la planète.
Les conditions dans lesquelles ont été obtenues ces concessions minières en 2008 mobilisent depuis plus d’un an les enquêteurs du Département américain de la justice. Ceux-ci ont été rejoints par leurs homologues genevois qui, en septembre dernier, ont perquisitionné le domicile de Beny Steinmetz. Ainsi que son jet parqué sur le tarmac de Cointrin. A l’origine de l’affaire, l’arrestation aux Etats-Unis d’un intermédiaire français payé par le groupe. Celui-ci est soupçonné d’avoir acheté, à partir de 2006, l’influence de la quatrième épouse du maître du pays à l’époque, Lansana Conté. «Beny Steinmetz et les représentants successifs de BSGR en Guinée ont demandé à plusieurs reprises [à l’épouse] d’intervenir auprès du chef de l’Etat», écrit le rapport. Avant de détailler les avantages reçus par la jeune femme. De la part de BSGR – une commission de 2 millions de dollars est notamment évoquée – mais aussi de celle de son «fixeur» en Guinée. Des accusations fondées sur des documents – contrats de commissions, virements bancaires – que l’intermédiaire français a cherché à faire disparaître. BSGR «s’est borné à contester l’authenticité de [ces] pièces, ainsi que la compétence du comité technique, sans pour autant étayer autrement ses dénégations», écrit le rapport guinéen.
Evoquant une nouvelle fois des «preuves fabriquées», les communicants londoniens du groupe BSGR se sont lancés mercredi dans une diatribe politique dont les milieux d’affaires de la City sont peu coutumiers. Le conglomérat serait victime d’un «plan orchestré par le président Alpha Condé afin de récompenser les alliés politiques qui l’ont aidé à remporter son élection truquée» en 2010. Une «manipulation» présidentielle rendue possible grâce «au soutien technique et financier total d’activistes comme George Soros». Un communiqué, envoyé dès la publication du rapport, évoque des preuves «écrasantes» sur la «corruption», les «détournements» et les «opérations d’intimidation» menées par l’administration Condé. Le groupe minier lié au milliardaire promet à Conakry une guerre judiciaire sans merci. Pas devant les juges américains ou helvétiques, mais par le biais des cours privées d’arbitrage international; «la prochaine étape», selon ses porte-parole.
Cette menace semble motivée par quelques lignes sibyllines au détour du rapport d’enquête guinéen. Les titres miniers de BSGR «n’ont pu, en raison de l’irrégularité entachant leur octroi, créer de droits au profit de la société qui les a obtenus», écrit le comité technique. Une remarque qui semble faire référence à la façon dont BSGR a revendu une partie de ses droits sur Simandou en 2010. Moins de deux ans après l’obtention de sa concession, le groupe réussit à attirer le géant brésilien Vale dans ce projet bien trop grand pour être développé en solo. Montant obtenu? 2,5 milliards de dollars – dont 500 millions tout de suite –, pour 51% des parts.
Des versements dont Conakry voudrait la restitution? Interrogé, un conseiller du gouvernement relève que «la question d’éventuels dédommagements reste à définir». Plusieurs voies s’ouvriraient, selon ce dernier. De possibles pénalités liées aux procédures pénales. Des poursuites au civil. Ou l’appel à une procédure d’arbitrage.
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