12 Avril 2011
Des armes, des coups de feu, des pillages: au premier jour de l`ère d`Alassane Ouattara, le nouveau président ivoirien, le chaos a régné mardi à
travers Abidjan, où nombre d`habitants étaient plongés dans la peur, au lendemain de la chute de Laurent Gbagbo.
Massifs ces derniers jours, les pillages se sont encore intensifiés dans
l`immense métropole de plus de 4 millions d`habitants, à la faveur du
flottement lié au basculement dans une nouvelle époque, et au vide sécuritaire
persistant.
Théoriquement, le maintien de l`ordre incombe pour l`heure aux Forces
républicaines (FRCI), qui ont permis à M. Ouattara de s`installer enfin dans
le fauteuil présidentiel, après une offensive depuis le nord du pays. Police
et gendarmerie, officiellement à la disposition du nouveau régime, n`ont pas
pour l`essentiel repris leur service.
Mais des responsables FRCI s`avouaient sans fard débordés face à l`ampleur
de la tâche, et submergés d`appels au secours.
Dans le quartier de Cocody-Riviera (nord), une jeune femme arrive dans sa
rue en voiture et stoppe net devant ce spectacle: "un homme armé d`un
lance-roquettes surveille la rue, tandis que d`autres sortent d`une maison
avec des appareils électro-ménagers qu`ils entassent dans un véhicule 4x4",
raconte-t-elle à l`AFP, épouvantée surtout de voir les malfaiteurs agir avec
des armes de guerre, à visage découvert et en plein jour.
D`autres habitants sont aussi sous le choc de la violence avec laquelle des
hommes lourdement armés ont fait irruption dans leur résidence, emportant dans
"trois 4x4, télévisions, ordinateurs, cuisinières, chaînes hi-fi,
ventilateurs, argent et effets personnels".
"Ils étaient armés jusqu`aux dents, comme si on n`était pas assez
traumatisé par les tirs de mortiers et les détonations sauvages depuis
plusieurs jours", dit Annick, un sanglot dans la voix.
Au cours des dernières semaines, les armes ont circulé comme jamais dans
les quartiers, faisant craindre à beaucoup que l`insécurité ne s`installe
dans
la durée. "Ici, tout le monde est armé, pro-Gbagbo comme
pro-Ouattara",
s`alarme Hervé, informaticien.
Dans le quartier chic de Cocody, nombreux sont ceux qui attribuent vols et
pillages à des éléments FRCI.
"Au carrefour de la Riviera 3, à Cocody, des FRCI nous ont fait descendre
de notre voiture et ont tenté de partir avec, mais elle n`a pas démarré. Ils
l`ont laissée là, mais ont exigé qu`on leur donne de l`argent", témoigne
Chantal.
Installé à l`Hôtel du Golf, QG du camp Ouattara, un haut responsable des
Forces républicaines confie son désarroi face à une situation hors de
contrôle. Subitement, "tout le monde est devenu FRCI", lâche-t-il, façon de
souligner la difficulté de distinguer leurs éléments de la foule d`hommes en
armes et de pillards sévissant dans la ville.
"Il faut vite reprendre les fusils à ceux qui n`ont pas le droit d`en avoir
avant qu`ils n`y prennent goût", prévient Zoumanan Fofana, la cinquantaine,
vivant dans le quartier populaire d`Abobo (nord), fief de M. Ouattara.
Mais dans le sud d`Abidjan, où la mission onusienne Onuci et la force
française Licorne avaient au début des combats dû se déployer pour stopper les
pillages, la vie reprenait timidement son cours.
"Des voitures circulent, il y a des +worô-worô+ (transports en commun), des
taxis. Il y a même des magasins de vivres qui ont ouvert", décrit un habitant
de Treichville (sud).
A Adjamé (nord), il y avait "une affluence presque habituelle au marché",
selon une résidente. "On trouve presque tout, il y a la viande, le poisson,
mais c`est cher". L`inflation liée à la pénurie des derniers jours est un
autre fléau.