22 Avril 2010
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La mort a tragiquement fauché à la Guinée son enfant terrible Dr Ibrahima Fofana. Les circonstances de l’accident de la circulation qui lui a été fatal sur la route de Fria continuent cependant de susciter des vagues. Notamment en ce qui concerne le choix du chauffeur qui conduisait le véhicule 4x4. Une enquête rondement menée sur ce sujet devrait permettre de prévenir d’autres évènements similaires. Vivement donc cette enquête. Les routes sinueuses et cabossées de la Guinée ont longtemps endeuillé des familles et le peuple guinéens. Mais, l’accident de la circulation qui a emporté, entre autres, le Secrétaire général de l’USTG (Union Syndicale des Travailleurs de Guinée) Dr Ibrahima Fofana ressemble à s’y méprendre à un « crime de trop ». Ce drame s’est produit le 16 avril dernier dans le village de Wulunkobi à Tormélin, situé à près de 30 Km de la préfecture de Fria. Trois autres personnes sont passées de vie à trépas suite à cet accident. Il s’agit de la syndicaliste et membre du Bureau Exécutif du Conseil National de la Transition Magbé Bangoura, Aboubacar Lansana Camara et Lamba Mansaré, tous deux journalistes à la RTG. Un autre vendredi noir (la Guinée en a tellement connu) vient donc d’être mis sur les bras du peuple de Guinée, qui a rendu un hommage unanime suivi de funérailles nationales à nos illustres disparus le lundi 19 avril dernier. On le sait, ces quatre victimes qui occupaient le même véhicule qui s’est encastré dans un manguier au terme d’une course débridée sur près de 100 mètres, se rendaient au chevet de la grève qui secoue l’usine d’alumine de Fria depuis près de trois semaines. La présence du Dr Ibrahima Fofana, puisque c’est le plus illustre de tous, y avait été exigée par les travailleurs grévistes qui tenaient à ce que la sortie de crise en vue ait la caution morale de ce syndicaliste rompu aux négociations houleuses. C’est donc sur le chemin du combat pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs guinéens que le soldat Ibrahima Fofana a passé l’arme à gauche. Le destin en a décidé ainsi, s’écrient la plupart des Guinéens qui s’expriment la gorge serrée sur cette mort qui est vécue comme une tragédie nationale. Tant la Guinée avait encore besoin du sens de la solidarité, de la témérité et du courage de cet homme qui a risqué sa vie (rappelez-vous la grève générale de janvier-février 2007) pour le changement en Guinée. C’est alors qu’il était sur le front, écartelé entre plusieurs grèves dont celle des banques primaires, que la mort l’a fauché. Rendant ainsi orphelin le monde déjà très déshérité des travailleurs de Guinée. Une Guinée qui n’en finira pas de pleurer la perte de cet homme qui aurait pu encore déplacer des montagnes sur le chemin à hauts risques que parcourt ce pays dans la lutte de la majorité de ses populations pour l’avènement d’une démocratie véritable et porteuse de bien-être collectif. Cueillis à froid par la disparition brutale d’un de ses redoutables foudres de guerre, la plupart des Guinéens concluent donc à un coup du sort, à la fatalité. Toutefois, d’autres Guinéens également éplorés se perdent déjà en conjectures. Tout en s’interrogeant sur comment cela a-t-il pu se passer. Ils se demandent si l’on n’aurait pas pu sinon éviter cette tragédie du moins en diminuer l’ampleur. Cette posture de questionnement s’explique surtout par les informations qui filtrent sur les circonstances de ce voyage (le dernier donc) du Dr Ibrahima Fofana sur Fria. Le cas de ce fameux chauffeur comme tiré au hasard d’un jeu de cartes alimente tous les débats. L’on en dit que c’est un policier qui, lui, s’en est sorti avec les membres inférieurs cassés. Selon des témoignages concordants, l’homme qui conduisait le puissant 4x4 n’était pas un homme très opérationnel. Il était plutôt en rade depuis quelques temps en attendant une embauche à la Primature en qualité de chauffeur, raconte-t-on. Les longs voyages et autres missions express ne lui seraient donc pas familiers. Pire, le « chauffeur de fortune » ne connaissait pas la route de Fria, dont le virage fatal à Dr Fofana et compagnie, est des plus redoutés des habitués de ce tronçon. Pour en rajouter à la stigmatisation des qualités douteuses du chauffeur, des témoins affirment qu’il a étalé ses insuffisances dès qu’il s’est emparé du volant du 4x4. Alors que le Dr Fofana passait prendre les journalistes à la RTG Koloma, l’homme visiblement excité emprunte la voie de sortie de la cour d’enceinte, ignorant parfaitement la voie normale, officielle et connue d’accès. Les gendarmes en faction au portail en auraient d’ailleurs été ébouriffés devant le spectacle offert par le chauffeur. Après ces exploits, le chauffeur avait également tapé dans l’œil d’autres citoyens au passage de son bolide. C’est le cas d’A.D. Camara qui confie: « Le véhicule dans lequel se trouvait le Dr Fofana m’a dépassé à 18 heures au niveau du carrefour de Enco 5. Fofana était habillé d’un boubou bazin de couleur verte. Le chauffeur qui avait mis les quatre côtés slalomait entre les autres véhicules pour se frayer un passage ». Nous a expliqué ce jeune cadre. Autant de signes qui prouvent que l’homme qui a été mis au volant du véhicule qui a tué le Dr Ibrahima Fofana ne devait pas remplir toutes les qualités devant présider au choix d’un chauffeur chargé d’une telle mission. D’autant que le Dr Ibrahima Fofana avait souhaité se rendre à Fria à bord de sa voiture. Le syndicaliste ne se sentait généralement à l’aise que quand son traditionnel chauffeur était au volant. Ce n’est donc pas de gaîté de cœur qu’il aurait accepté de monter à bord d’une autre voiture pilotée de surcroît par un autre chauffeur qu’il ne connaissait d’ailleurs pas. Fofana et compagnie ont-ils été sacrifiés à l’autel de l’improvisation face à l’urgence de la crise à Fria ? Ou a-t-il été victime de l’incurie ambiante qui prévaut dans l’administration guinéenne ? Rien n’est moins sûr. Aujourd’hui que ce voyage lui a été fatal, ainsi qu’à la syndicaliste Magbé Bangoura et à nos deux confrères journalistes, il serait de bon aloi d’ouvrir une enquête minutieuse sur les circonstances de cet accident depuis les préparatifs du voyage jusqu’à l’accident proprement dit. Les conclusions de cette enquête ne permettront certes pas ramener à la vie nos illustres défunts, mais elles auront le mérite de prévenir d’autres accidents similaires. Car aujourd’hui, ce sont le Dr Ibrahilma Fofana et compagnie. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, demain d’autres illustres fils de ce pays pourraient passer à la trappe de ce gendre d’erreurs et de fautes. Puisse Dieu nous en préserver !
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