Affaire DSK: Incrédulité en Guinée

Vu d'Afrique, l'itinéraire de la jeune veuve méritante s'arrachant à la misère de laGuinée Conakry pour trimer dans un palace new-yorkais avait déjà des allures de symbole. Le viol de la femme de chambre immigrée, venue d'un des pays les plus pauvres du monde, par le patron du Fonds monétaire internationale (FMI), ne pouvait qu'apparaître comme une terrible et emblématique parabole.

Si l'icône de Nafissatou Diallo venait à être définitivement brisée par les révélations du New York Times, le retour de flamme risque d'être brutal. "Je ne peux pas le croire. Quand vous voyez d'où vient cette fille, franchement ce n'est pas possible", a réagi Mokhtar Bah, journaliste guinéen et coauteur de la première enquête africaine sur les origines de la jeune femme, à qui nous avons appris le coup de théâtre, vendredi 1^er juillet au matin. "L'éducation qu'elle a reçue ne lui permet pas de faire cela. Elle est naïve. Ce sont des montages pour la salir." Son collègue et coauteur Abou Bakr, de l'hebdomadaire satirique Le Lynx, se montre plus circonspect : "On va enquêter d'abord", annonce-t-il prudemment.

Selon leurs investigations, Nafissatou Diallo est originaire de Tchakulè, un minuscule village montagneux perdu au nord de la Guinée. Selon le récit deBoubacar Siddy Diallo, qui s'est présenté à eux comme un frère de la femme de chambre new-yorkaise, cette dernière a grandi "dans une stricte culture musulmane". Elle "ne parle pas beaucoup et aime travailler", avait-il confié. De son mariage, à 15 ans avec un cousin, était née une fille. Devenue veuve deux ans après son mariage, Nafissatou Diallo avait quitté son village pour Conakry, la capitale guinéenne, jusqu'à ce que sa sœur, déjà émigrée aux Etats-Unis, obtienne un visa pour elle. La jeune femme "est revenue très contente au village pour dire adieu. Tout le monde a béni son voyage", avait précisé Boubacar Siddy Diallo.

Ce récit avait été confirmé par l'enquête à laquelle sept journalistes du New York Times ont contribué et qui a été publiée dans le quotidien américain le 15 juin. Mamoudou, une autre personne se présentant comme le frère de Nafissatou Diallo, la décrivait comme particulièrement timide et pieuse. "Avant son départ [du village], témoignait-il, personne ne savait qu'elle était capable de réclamer quelque chose pour elle-même. Elle ne s'est jamais disputée avec quiconque. Même si elle avait eu faim, elle ne vous l'aurait pas dit."