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La Guinée nouvelle

Affrontements en Guinée: au-delà du prétexte religieux

La prière hebdomadaire du vendredi ne s’est pas déroulée normalement le 5 février dernier dans la ville de N’zérékoré en Guinée forestrière. Ce jour-là - et c’est le lieu de le dire - Satan s’est invité à la prière. Et comme il fallait s’y attendre, il y a eu de graves débordements et perturbations. Mais en fait de Satan, il s’agit d’échauffourées consécutives à la farouche volonté d’une commerçante de cette ville de se frayer un passage avec son chargement de charrette au milieu de fidèles qui ont occupé momentanément la voie publique pour cette grande prière hebdomadaire du vendredi.

Ce qui ne devrait être qu’un incident vite clos, s’est mué en des affrontements religieux qui se sont étalés sur au moins 3 jours. Résultats, des coups échangés notamment entre jeunes musulmans et chrétiens entre eux et avec les forces de l’ordre : 1 à 2 morts selon les sources, 55 blessés, de nombreuses interpellations ainsi qu’un couvre-feu de 19h à 7 h du matin. Hormis le bilan, on se croirait au Nigeria avec notamment les derniers affrontements de ce genre en date dans la ville de Jos. Ce qui s’est passé à N’zérékoré est tout simplement étonnant dans une Guinée où ont toujours cohabité la majorité musulmane et d’autres minorités religieuses, chrétiennes notamment. Dans les pays où ont lieu ces genres de conflits, c’est généralement l’interdiction faite à des minorités religieuses d’exercer librement leur culte, qui met le feu aux poudres. Ce qui est loin d’être le cas en Guinée Conakry en général et dans la capitale de la Guinée forestière en particulier. Alors, qu’est-ce qui a bien pu allumer la mèche à N’zérékore à partir d’un banal incident ? La raison est à chercher ailleurs car l’explosion subite de cette violence sur le terrain religieux plonge ses racines dans d’autres domaines.

La recherche d’éventuelles causes à cette situation ne doit pas occulter l’aspect politique. En effet, il ne faut pas perdre de vue que N’zérékoré est considéré comme le fief, le bastion du chef de la junte Moussa Dadis Camara. Et la mise à l’écart de ce dernier de la direction du pays pour des raisons de santé, peut être diversement appréciée dans une Guinée où la donne ethnique et régionale est prégnante. Cette retraite forcée du pouvoir peut bien susciter des peurs, des ressentiments dans cette ville N’zérékoré dont les ressortissants, pour des raisons de stabilité, se garderont de les manifester publiquement. Dans ce contexte, le moindre incident peut être une occasion de laisser échapper ce qui est refoulé dans le subconscient, à savoir le mécontentement. En Afrique, quand une région compte un de ses fils à la tête du pays, elle est en droit d’attendre des faveurs notamment dans le domaine des investissements et autres. S’il arrive que ce privilège vienne à prendre fin alors que l’on s’y attendait le moins, c’est tout à fait humain d’avoir des ressentiments.

On devient alors allergique à tout, de mauvaise humeur et prêt à en découdre avec n’importe qui et n’importe quoi. Ces mauvais sentiments diffus sont souvent exploités à l’échelle des populations par des politiciens à la petite semaine, prêts à pêcher en eaux troubles. Le bas peuple, qui ne fait pas tout le temps preuve de hauteur de vue, peut se laisser embarquer. Et c’est parti pour des actes dont on se pose souvent des questions sur le bien-fondé. Dans le cas de la Guinée, ce sont des faits qui pourraient fragiliser davantage pays qui cherche à se stabiliser, à refermer la parenthèse de la prise du pouvoir par la junte en décembre 2008. Cette mini-crise doit être rapidement circonscrite afin d’éviter qu’elle soit la crise de trop, surtout que le pays ne s’est toujours pas doté d’institutions fortes pour prendre à bras-le-corps les problèmes de la Nation. Il urge donc que le gouvernement de transition, fiévreusement attendu, soit mis en place par le Premier ministre Jean-Marie Doré, cet autre fils de la Guinée forestière.
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