La Guinée nouvelle
15 Février 2010
On peut tout reprocher à Antoine Soromou, sauf de ne pas être un homme de terrain. Son parcours politique montre en tout cas qu’il n’est pas un profane de la chose : “J’ai tout essayé, les marches, les actions d’éclat, ça n’a pas marché... en 1995, j’ai été élu député mais on a invalidé mon mandat, Alpha Condé a été arrêté chez moi, et nous avons été incarcéré 3 ans. J’ai estimé que lorsqu’on pratique une technique qui ne marche pas, il faut la changer, c’est pourquoi je privilégie à présent le dialogue”.
L’homme a connu l’exil pendant 8 ans durant lesquels il a roulé sa bosse au Niger, au Burkina, au Ghana, au Nigeria et en Europe. Il ne rentrera en Guinée qu’après la mort de Conté. En faisant un
peu la genèse des péripéties politico-militaires de la Guinée ces derniers mois, le patron de l’AND est arrivé à la conclusion qu’il existe à présent 23 blocs politiques en Guinée, ce qu’il
appelle les “réalités du terrain :
le premier bloc est formé des pionniers de
la lutte politique qui ont créé des partis dans les années 90 : Alpha Condé (RPG), Ba Mamadou (UFDG), Siradiou Diallo (UPR) et Soromou Antoine (AND). En rappel, Ba Mamadou et Siradiou Diallo
sont décédés, et Alpha Condé et Jean-Marie Doré sont frappés par la limite d’âge au regard de la constitution en gestation ;
le second lot est constitué par les
ex-Premiers ministres du président Lansana Conté : Sydia Touré de l’UFR, Laousséni Fall du FUDEC, Cellou Dallein Diallo de l’UFDG et Lansana Kouyaté.
Selon le président de l’AND, si les élections avaient eu lieu, je me serais trouvé seul en face de ces ex-Premiers ministres, dont la gestion a contribué à mettre mon pays à genoux... Avec leurs moyens colossaux mal acquis, l’un d’entre eux aurait pris le pouvoir par les urnes sans difficulté. Par l’achat des voix”.
Aujourd’hui, l’AND, créée le 15 septembre 1992 est favorable à toute initiative qui ramènera la paix en Guinée. D’où ses remerciements au président Blaise Compaoré, facilitateur dans cette crise, et au peuple burkinabè pour avoir accueilli le président Dadis Camara pour sa convalescence, a laissé entendre en substance le conférencier. De nos jours, où se situe l’AND et, par ricochet, l’ANR par rapport à l’Accord politique de Ouaga ?
“Nous étions tous dans le Forum des Forces vives de Guinée (FFVG), les textes, nous les avons écrits ensemble, nos divergences avec les autres sont venues du mode de résolution de la crise... Le FFVG a voulu acculer les militaires, les forcer, nous avons dit non, ils viennent de prendre le pouvoir... il faut dialoguer avec eux, sinon ils vont se braquer. Je vous ai dit que vu ce que j’ai vécu, rien ne vaut le dialogue... mais par la suite, le FFVG a été pris en otage par les 5 ex-Premiers ministres de Conté”, a répondu Antoine Soromou.
Les rapports AND/organes de Transition ? “Nous sommes d’accord avec ce qui s’est décidé à Ouaga, nous estimons que la classe politique a remporté une victoire, il faut maintenant qu’elle puisse en être digne et bien gérer les choses...”. L’AND va-t-elle entrer au gouvernement de Jean-Marie Doré ? “On nous a proposé 6 portefeuilles, que nous avons acceptés... on a envoyé les noms de nos cadres en moins de 48 heures... mais des FFVG ont envoyé 112 noms pour 10 postes ; en plus, il y a les militaires, qui veulent aussi des postes”, paroles d’Antoine Soromou.
Quelle appréciation fait-il du choix de Rabiatou Serah Diallo comme présidente du Conseil national de Transition, l’équivalent de l’Assemblée nationale ? “C’est une grande militante syndicale, tout est parti de 2007 ; cette année-là, les partis politiques interdits d’activités ont poussé les syndicats, ces derniers ont réussi, des organismes ont commencé à inviter ces syndicalistes à Paris, à Bruxelles, à Washington, donc des gens qui discutaient de salaires de travailleurs se sont retrouvés tout à coup à un autre niveau de gestion des hommes Rabiatou Diallo est une grande syndicaliste, mais ce n’est qu’une secrétaire de direction, son profil ne correspond pas à la présidence d’un organe de transition comme le CNT, vous savez qu’on avait dit que ce poste reviendrait à un religieux, on a même pensé à Mgr Gomez, un homme d’une grande écoute”, a répondu le leader de l’AND .
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana