7 Novembre 2011
La scène politique américaine a rarement été aussi bouleversée. Pour conserverson poste, Barack Obama, dont la cote de popularité est au plus bas, doitreconquérir un électorat déçu par le manque de réformes et une économie toujours morose. En face, les républicains doivent choisir leur champion parmi huit candidats qui ne cessent de surenchérir pour séduire les électeurs ultraconservateurs, mais ne parviennent pas vraiment à convaincre l'opinion. Le futur duel pour la Maison Blanche s'annonce donc serré, d'autant plus que les revendications du Tea Party et du tout jeune mouvement Occupy Wall Street deviennent de véritables enjeux électoraux. Analyse des forces en présence dans chaque camp, à douze mois d'une élection cruciale.
CONSENSUS DIFFICILE AUTOUR D'UN CANDIDAT RÉPUBLICAIN
Ils sont huit à s'affronter pour l'investiture républicaine, et à faire le spectacle à chacune de leurs interventions publiques. Pour la presse américaine et les politologues américains, seul l'ancien gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney, est capable de rivaliser avec Barack Obama. Mais la course à l'investiture n'est pas terminée pour autant et, à deux mois du début de l'élection primaire, le candidat mormon peut encore trébucher.
Ses deux principaux rivaux, le Texan Rick Perry et l'ultra-conservateur Herman Cain semblent cependant s'essouffler. "Il ne sont pas assez préparés pour êtreinvestis : quand Herman Cain est toujours dans la pure improvisation populiste, Rick Perry fonde lui son programme sur des chiffres qui ne reposent sur aucune justification", estime ainsi le spécialiste Denis Lacorne, directeur de recherches CNRS au CERI. Herman Cain, connu pour sa chanson "Imagine there's no pizza"autant que pour sa proposition d'électrifier la frontière avec le Mexique, s'est d'ailleurs montré incapable de répliquer aux accusations de harcèlement sexuelenvers plusieurs femmes dans les années 1990. Même constat pour la candidate du Tea Party, Michele Bachmann,"trop extrême dans sa remise en cause de la séparation de l'Eglise et de l'Etat pour être en accord avec la ligne républicaine modérée", selon Denis Lacorne.
S'il semble donc être le mieux placé pour briguer le poste de candidat, Mitt Romney ne fait pas l'unanimité pour autant, et subit même une "désaffection" de la part des citoyens américains. Impopulaire, l'ancien gouverneur "incarne la caste des super-riches qui ont profité des déréglementations, sans avoir créé des emplois pour autant". De plus, sa religion est un handicap, qui risque de démobiliser le vote évangélique. Selon les sondages, 18 % des républicains disent qu'ils ne voteraient pas pour un mormon. Enfin, le poids du Tea Party, la mouvance conservatrice et libérale du parti, oblige aussi les républicains à mener une campagne axée à droite pendant la primaire, quitte à inquiéter les indépendants et les centristes, primordiaux pour l'élection générale.
OBAMA DOIT AFFRONTER LES DÉÇUS
En 2010, au lendemain de l'élection de mi-mandat, les républicains semblaient pourtant avoir le champ libre. Le 44e président avait alors été lourdement sanctionné et la majorité à la Chambre des représentants avait basculé du côté du Grand Old Party. Une déroute électorale dont les conséquences ont été lourdes, puisqu'elle a fortement réduit la marge de manœuvre de Barack Obama. "Il n'a pas eu la possibilité politique de mettre en œuvre ses projets de réforme", résume ainsi Nicholas Dungan, conseiller spécial à l'IRIS qui rappelle en effet qu'"à la différence de la France, les Etats-Unis sont un Etat bicéphale, surtout en matière de politique intérieure".
Si Barack Obama a échoué à faire passer ses réformes, la sanction des citoyens américains s'est ressentie sur sa cote de popularité, qui est tombée bien en dessous de la barre symbolique des 50 % d'opinion favorable. Et pour cause, le président américain se trouve impuissant face à la crise économique que subissent de plein fouet les Etats-Unis. A un an de l'élection, "les chiffres économiques sont très mauvais, et jusqu'à présent tous les présidents qui ont connu ce genre de difficultés, comme Jimmy Carter ou George Bush, n'ont pas réussi à être réélu", note ainsi Denis Lacorne, évoquant notamment un taux de chômage de plus de 9 %. Selon le New York Times, aucun président n'a été réélu depuis Roosevelt quand le chômage a dépassé 7,2 %. Le 18 octobre, M. Obama a prédit que l'élection serait "serrée, parce que l'économie n'est pas encore dans l'état que nous souhaiterions".
Le bilan d'Obama est en effet assez décevant par rapport à l'ampleur du mouvement d'espoir qu'il avait suscité au moment de son élection. Pour espérerséduire les déçus, le président Obama cherche donc à relancer la dynamique qui avait conduit à sa victoire et mise tout sur le souvenir de 2008 pour mobiliser ses troupes. C'est d'ailleurs sur cette stratégie que repose son tout premier clip de campagne, lancé dimanche 6 novembre.
Pour le chercheur à l'Atlantic Council de Washington, Nicholas Dungan, "ce n'est peut-être pas une mauvaise tactique politiquement, mais cette stratégie remet sur le devant de la scène des solutions qui n'ont pas marché la première fois", et constitue donc une "cible facile" pour le camp républicain. Une stratégie d'autant plus complexe à mener que le président Obama doit reconquérir à la fois l'électorat modéré qui s'était tourné vers lui, mais aussi celui des manifestants d'Occupy Wall Street.
UNE CAMPAGNE QUI "NE VA PAS ÊTRE AUSSI SEXY"
A un an du scrutin, les deux camps s'engagent dans une course qui s'annonce difficile. La campagne de 2012 "ne va pas être aussi sexy. Elle n'aura pas autant le goût de la nouveauté. J'ai les cheveux plus gris, je suis cabossé de partout", a récemment affirmé Barack Obama en visite en Californie.
Mais au-delà de l'enjeu présidentiel, c'est finalement l'élection du Congrès qui sera analysée. Si Barack Obama est réélu mais que les démocrates ne remportent pas la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants, "on aura alors un risque de paralysie des institutions très dangereux", estime le chercheur Nicholas Dungan. Ce cas de figure reviendrait en effet à "institutionnaliser un immobilisme politique, qui risquerait de se répandre au secteur privé et d'aggraver la situation économique des Etats-Unis".