3 Août 2010
Certes la visite qu’effectue Blaise Compaoré aujourd’hui 3 août 2010 à Conakry
est moins stressante que celle qu’il y avait faite le 5 octobre 2009, soit à peine une semaine après le massacre à huis clos au stade du 28-Septembre. A l’époque il s’était agit de dépêtrer ce
pays d’une éventuelle guerre civile qui se profilait à l’horizon. Tâche ardue pour le premier magistrat burkinabè dans une Guinée longtemps malade de ses présidents et qui héritait encore d’un
autre chef d’Etat, Moussa Dadis Camara, qui, si au début il inspirait confiance par son volontarisme et son franc-parler, s’est révélé être au fil des mois un pis-aller.
Apparemment, ce séjour au pas de charge du docteur es crises avait été salutaire grâce à la potion administrée au comateux. Mieux, Blaise Compaoré a suivi pas à pas la convalescence du malade par
son arbitrage lors de la longue palabre guinéo-guinéenne qui s’est soldée à Ouagadougou par l’Accord du 15 janvier 2010.
C’est vrai que le travail du facilitateur a été allégé par le régicide manqué du 3 décembre 2009 (cynisme politique, quand tu nous tiens !) et par le poids du président intérimaire, qui a mis son
honneur d’officier et son ascendance sur l’Armée ou plutôt ce qui en tient lieu dans la balance. L’image du « Tigre » martial, présent dans la capitale burkinabè le 13 janvier 2010, tançant les
proDadis et menaçant de rendre le tablier est encore frais dans les mémoires.
Il y a aussi, et on l’oublie souvent, son désintérêt pour la présidence, car le processus guinéen aurait connu une autre tournure si le général Sékouba Konaté s’était mis en tête de solliciter le
suffrage de ses compatriotes pour demeurer au pouvoir. On aurait hérité probablement d’un Dadis bis.
La présence, aujourd’hui 3 août 2010, du président du Faso à Conakry s’inscrit dans une logique de service après vente (SAV) politique : à l’évidence deux points s’imposent à lui comme des
impératifs catégoriques, presque kantiens :
1) Obtenir de tous les protagonistes une sorte de charte morale, un engagement de chacun des candidats, en particulier le trio gagnant, Cellou Dallein Diallo de l’Union des forces démocratiques
de Guinée (UFDG), Alpha Condé du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), et Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR), à être fair-play pour la suite de la course.
Précaution utile quand on sait que le premier tour du scrutin et la période d’après ont été émaillés de violences, de contestations électorales et même de crise ouverte entre les premiers
responsables d’institutions républicaines tels le premier ministère et le Conseil national de transition (CNT) sur la date du deuxième tour. Ce qui a contribué à renvoyer aux calendes grecques ce
second tour.
2) Le deuxième round ! Blaise Compaoré ne saurait revenir de ce voyage sans avoir eu, de concert avec les acteurs politiques, à trancher ce nœud gordien qui, à lui tout seul, justifie ce
déplacement en Guinée. Serait-ce le 12 août ? Le 14 août ? Le 22 août ou carrément en septembre 2010 ? Pour des raisons objectives, on ne saurait laisser la Guinée voguer dans un timing aléatoire
relatif à ce second tour, un état de fait qui ouvrirait un boulevard à tous les travers électoraux avec des conséquences imprévisibles, surtout dans un pays où le vote ethnique demeure une donnée
rédhibitoire.
De façon subjective, le facilitateur a lui-même ses chats à fouetter en cette année 2010 finissante, en particulier il veut demeurer au palais de Kosyam pour le prochain quinquennat. D’ailleurs,
le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti majoritaire, s’apprête, les 7 et 8 août prochains, à le désigner comme son candidat au scrutin du 21 novembre.
Une présidentielle qui, même si elle est une formalité pour un président sortant, laissera peu de temps pour les affaires extérieures. Il l’a signifié aux Ivoiriens. Ce qui vaut pour la Côte
d’Ivoire vaut également pour la Guinée.
Du reste, pour le pays d’Houphouët-Boigny, Blaise Compaoré retrouvera, le 7 août 2010, son homologue, Laurent Gbagbo, fêtant avec une jubilation légitime de diablotin le cinquantenaire de
l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Il y tenait tant, Gbagbo, en attendant le 22 octobre pour la célébration de ses 10 ans à la tête du pays.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana