16 Avril 2011
Les commerçants burkinabè sont en colère. Depuis le mois dernier, les garnisons de soldats entrent réglièrement en mutinerie. Les soldats pillent alors les magasins et sèment le trouble, notamment dans la capitale. Après une nouvelle nuit de tirs et de vols, les marchands du principal marché de Ouagadougou se sont révoltés à leur tour samedi. Des dizaines d'entre eux ont attaqué et incendié le siège du parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le développement (CDP), situé dans le quartier des affaires de la capitale. Ils ont ensuite brûlé des véhicules stationnés devant le ministère du Commerce et l'Assemblée nationale, avant que le feu ne gagne ces bâtiments du centre-ville. Auparavant, les manifestants s'étaient attaqués à la mairie de Ouagadougou, détruisant le poste de contrôle à l'entrée du bâtiment. Devant ces événements violents, les autorités ont déclaré un couvre-feu nocturne de 19h à 6h du matin.
«C'est le président (Blaise Compaoré) seul qui est responsable de nos déboires. Il a formé ses gardes (les militaires) et ils nous pillent. Si vraiment il sait qu'il ne peut pas (les payer), il n'a qu'à laisser le pouvoir à ceux qui peuvent gérer le pays. Nous voulons la paix maintenant», a déclaré un vendeur de téléphone portable, Oumarou Bélem. «Nous ne voulons plus de Blaise (Compaoré). S'il n'arrive plus à contrôler ses militaires, qu'il parte», a renchéri Mamadi Zoundi, un jeune commerçant.
Depuis février, le président burkinabè, au pouvoir depuis un coup d'État en 1987, est confronté à différents mouvements populaires. Après la mort à Koudougou d'un étudiant de 23 ans lors d'une marche de la jeunesse, d'autres manifestations, souvent violentes, ont été organisées à travers tout le pays. Elles ont fait six morts à Koudougou et dans ses environs. Début avril, des dizaines de milliers de personnes sont sorties dans la rue à Ouagadougou et dans plusieurs villes de l'intérieur du pays pour protester contre le régime en place.
Jeudi, au moins trois garnisons, dont la garde présidentielle, sont entrées en rébellion et ont demandé le paiement immédiat de leur solde. Les militaires ont commencé à tirer en l'air dans la ville et à piller certains commerces. Pour calmer la situation, le président a dissous vendredi le gouvernement dirigé par le premier ministre Tertius Zongo et limogé le chef d'état-major des armées, le général Dominique Djindjéré (remplacé par le colonel-major Honoré Nabéré Traoré). Àl'issue de ce remaniement, de l'argent a été débloqué pour répondre aux attentes des mutins, a précisé une source militaire. Vraisemblablement, cela n'a pas suffi et les pillages ont repris à la nuit tombée.
«Ce ne sont pas des mesures hâtives qu'il faut pour cette crise qui est très profonde et structurelle. On ne soigne pas le cancer avec une pommade», a déclaré samedi le principal opposant burkinabè, Me Bénéwendé Stanislas Sankara. «Le chef de l'Etat doit avoir le courage de s'adresser à son peuple pour lui dire de façon solennelle qu'il en est à son dernier mandat (dont le terme est prévu en 2015). Il doit aussi s'engager dans de véritables réformes politiques et institutionnelles», a-t-il ajouté.