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La Guinée nouvelle

Comment ça va ?

                                                                           


Conakry, lorsque je demande à mon ami Bangaly comment il se porte, il me répond invariablement : "Ça va un peu." Il ne faut pas se méprendre : "un peu" guinéen ne vaut pas "un peu" français. Notre interprétation se justifierait pourtant au regard du quotidien de la majorité des Guinéens. Entre les coupures de courant et l'eau non courante, la course aux taxis collectifs brinquebalants et surchargés, l'augmentation du prix du riz, les coups d'Etat et les massacres des militaires ou de militaires... Mais non, "un peu" veut plutôt dire "bien". Bangaly va bien.

 

Partant de là, lorsque les cousins de "Dadis", confortablement installés au gouvernement, répètent que le chef de la junte "va bien et qu'il se remet", il faudrait comprendre qu'il pète la forme. Et là, on a du mal à y croire. Moussa Dadis Camara a été victime d'une tentative d'attentat le 3 décembre 2009 menée, pistolet au poing, par son aide de camp Aboubacar "Toumba" Diakite. Depuis, le tireur est en cavale. Il "va un peu", à en croire l'interview qu'il a donnée depuis l'une de ses planques à RFI. Quant à Dadis, évacué d'urgence vers un hôpital militaire de Rabat au Maroc, son état de santé est un secret jalousement gardé. Et manipulé.

"Moi, personnellement, j'ai vu une image de Dadis sur son lit d'hôpital, avec son béret sur la tête, commente un internaute sur le site aminata.com. Je ne crois pas du tout à ça car c'est à la tête que le chef de la junte a reçu les balles de Toumba. Comment peut-il recevoir du plomb dans la tête et continuer à porter son béret comme si de rien n'était ?" La question vaut d'être posée. Que se passe-t-il sous le béret de Dadis ?

Son silence n'est pas bon signe. Cet homme ne ratait jamais l'occasion de lancer d'interminables diatribes durant ses onze mois à la tête de la junte. Depuis le 3 décembre, son silence est étourdissant.

Dadis aurait-il soudainement pris conscience que son hyperprésence médiatique durant ses "Dadis show" télévisés avait fini par le ridiculiser ? A moins qu'il ne pense que son mutisme lui permettra de se faire oublier des juges alors qu'un rapport de l'ONU vient de recommander à la Cour pénale internationale de l'inculper de crimes contre l'humanité pour son rôle dans le massacre d'au moins 156 opposants le 28 septembre 2009. "Tu sais, lui a rappelé l'impertinent journaliste ivoirien Venance Konan dans l'une de ses chroniques, la justice des Blancs est parfois lente, mais jamais amnésique."

Beaucoup parient plutôt sur une lourde incapacité du président autoproclamé. "On ne peut rien en tirer", aurait confié, à des proches, le président intérimaire Sékouba Konaté après une visite au malade de Rabat. La source est anonyme, la déclaration invérifiable au royaume de la rumeur. Une chose est sûre. Dadis ne gouverne plus la Guinée, même depuis son lit d'hôpital, un béret vissé sur la tête. On se demande d'ailleurs qui gouverne, à Conakry.

Christophe Châtelot

www.lemonde.fr

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