23 Juin 2010
Les enfants de Patrice Lumumba, père de l'indépendance de l'ancien Congo belge, vont porter plainte à Bruxelles, en octobre, pour «crime de guerre». Douze hommes, anciens policiers, soldats et fonctionnaires belges, seront accusés au pénal d'avoir trempé dans le meurtre de Patrice Lumumba, fusillé à l'âge de 36 ans, le 17 janvier 1961.
Grande figure africaine du XXe siècle, Lumumba a dirigé le Congo pendant trois mois, entre l'Indépendance aquise en juin 1960 et le putsch perpétré par Joseph-Désiré Mobutu, alors chef de l'armée, en septembre 1960. Assigné à résidence, Lumumba s'est enfui et a été arrêté, avec deux de ses ministres, pour être ensuite illégalement transféré de Léopoldville (l'ancien nom de Kinshasa) à Elisabethville (l'ancien nom de Lubumbashi), dans la province minière du Katanga, à l'époque sécessionniste, où des troupes belges entraînaient des forces rebelles.
Le peloton d'exécution qui a mis fin à ses jours était commandé par un capitaine belge. Cet officier, aujourd'hui mort, avait été couvert par son armée. Une autre identité lui avait été donnée et il avait été envoyé en Allemagne de l'Ouest. Lumumba, qui a donné son nom à d'innombrables avenues, squares et stades dans les grandes villes africaines, figure au panthéon des nationalistes africains les plus intransigeants, aux côtés de Sékou Touré (Guinée), Modibo Keita (Mali) et Kwame Nkrumah (Ghana). Il était perçu comme un dangereux radical, à cause de ses relations avec l'URSS, mais aussi de son franc-parler et de son projet de nationaliser les nombreuses mines du pays.
L'identité des douze Belges incriminés n'a pas été révélée par Christophe Marchand, l'avocat de la famille Lumumba. Une enquête parlementaire belge a déjà conclu en 2002 à la «responsabilité morale» de la Belgique dans la mort de Patrice Lumumba, et le royaume avait alors présenté des excuses officielles, outre la promesse (jamais respectée) d'apporter sa contribution à la Fondation Patrice Lumumba.
Dans une interview donnée en janvier dernier au journal camerounais Le Messager, Roland Lumumba, l'un des trois fils de Lumumba, évoquait le projet de plainte en ces termes : «Quand les Européens sont affectés, ils font tout pour que le préjudice soit réparé. L’Allemagne paie toujours la facture de la guerre mondiale. Il y a même l’exemple de la Libye avec l’attentat de Lockerbie. (…) Ce n’est pas normal que nous les Africains soyons réduits au simple statut de spectateurs. Je ne le dis pas parce que je suis un fils Lumumba. A travers le monde, il y a des millions de fils spirituels de Lumumba, et ce combat pour que justice soit faite n’est pas seulement celui des fils biologiques de Lumumba.»
Les Belges n'étaient pas les seuls à vouloir se débarrasser du leader africain, dont les quatre enfants (trois fils et une fille) avaient ensuite été accueillis par Nasser, en Egypte, où ils ont étudié. Un comité du Sénat américain avait révélé en 1975 l'existence d'un plan de la Central Intelligence Agency (CIA) pour éliminer ce «Fidel Catro africain», à l'aide d'un tube de dentifrice empoisonné qui aurait été placé dans sa salle de bain. L'équipe légale qui va défendre la plainte des fils Lumumba comprend le doyen de l'école de droit de l'Université de Bruxelles et Luddo de Witte, un historien dont le travail avait déclenché l'enquête parlementaire. Cette plainte fait plutôt désordre, alors que le roi belge Albert II va se rendre au Congo, le 30 juin, pour fêter le cinquantenaire de l'indépendance de l'ancienne colonie belge.