27 Mars 2011
Alors que la situation est en passe d'échapper au contrôle d'un camp comme de l'autre, le président ivoirien sortant, Laurent Gbagbo, a rassemblé plusieurs milliers de ses partisans près du palais présidentiel à Abidjan, samedi 26 mars. Sous la houlette de Charles Blé Goudé, chef des "patriotes" pro-Gbagbo, les manifestants ont chanté à la gloire de leur chef sur la place de la République, où M. Gbagbo s'est barricadé. "Avant d'attaquer Laurent Gbagbo, vous allez [devoir] égorger tout ce monde-là", a lancé Charles Blé Goudé, affirmant qu'"il n'y aura pas de guerre civile"en Côte d'Ivoire.
Le président français Nicolas Sarkozy a été vilipendé par la foule, tout comme Barack Obama, l'ONU et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Charles Blé Goudé, en écho à Laurent Gbagbo, a renouvelé son appel au "dialogue" pour "trouver une solution à la crise post-électorale".
Pendant que M. Gbagbo se livrait à une démonstration de force, Alassane Ouattara, reconnu comme le vainqueur légitime de l'élection présidentielle par la communauté internationale, refusait la médiation de l'ex-ministre des affaires étrangères cap-verdien José Brito, nommé par l'Union africaine (UA). José Brito a été chargé d'ouvrir des négociations entre les deux camps pour appliquer les décisions prises par l'UA, notamment trouver une "sortie honorable" pour Laurent Gbagbo. M. Ouattara a aussitôt récusé M. Brito pour "ses relations personnelles et ses accointances politiques" avec le président sortant.
"COMMANDO INVISIBLE"
L'impasse politique et diplomatique fait craindre tous les jours un peu plus une guerre civile en Côte d'Ivoire. Les combats à l'arme lourde font déjà rage dans le quartier d'Abobo, au nord d'Abidjan, entre les Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales à M. Gbagbo et un "commando invisible" défendant M. Ouattara. L'envoyé spécial du Monde, Jean-Philippe Rémy, décrit "une mauvaise petite guerre urbaine sans images de télévision, où les blessés meurent faute de soins, ou de peur qu'on les achève dans certains hôpitaux". Selon l'ONU, plus de 460 personnes ont été tuées depuis la fin 2010, et un million d'habitants ont été déplacés.
Dans le nord du pays, sous contrôle du camp pro-Ouattara, la population était depuis mercredi soir privée d'eau et d'électricité, selon des habitants. La Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE) en a rejeté la responsabilité sur le gouvernement Gbagbo, qui contrôle le système depuis mi-janvier. Avec le Nigeria, la France a soumis aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution interdisant l'utilisation d'armes lourdes contre les civils en Côte d'Ivoire et imposant de nouvelles sanctions à Gbagbo et ses proches. Le projet de résolution devrait être débattu dans le courant de la semaine.