Près de 6 200 Ivoiriens ont déjà quitté la Côte d’Ivoire pour se réfugier au Liberia et en Guinée. Notre Observateur a quitté le village de Yéalé, dans l'ouest du pays, et a trouvé refuge dans le
camp de Bossou, dans le sud de la Guinée.
Des milliers d’Ivoiriens ont quitté la Côte d’Ivoire après le 28 novembre, date du second tour de l’élection présidentielle. Selon le
Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR), il y aurait
aujourd’hui près de 6000 demandeurs d’asile au Liberia et 200 autres en Guinée, deux pays d’Afrique de l’Ouest qui partagent leurs frontières avec la Côte d’Ivoire. Aucune arrivée d’Ivoiriens n’a
été observée au Burkina Faso, au Ghana ou au Mali, les trois autres pays limitrophes de la Côte d’Ivoire.
Ces Ivoiriens ont décidé de fuir le climat de
violences et d’insécurité qui régnait dans leur
village. Les premiers demandeurs d’asile sont arrivés au Liberia le 29 novembre, après avoir traversé à pied le comté de Nimba, dans le nord-est du pays. Les autres sont arrivés en Guinée à
partir du 10 décembre, après plusieurs jours de marche dans les montagnes. Ces deux pays ont d’ores et déjà reconnu le statut de réfugiés politiques à ces Ivoiriens, victimes d'exactions de la
part des pro-Ouattara et des pro-Gbagbo.
Dispersés dans les villages frontaliers isolés, ces Ivoiriens ont d’abord été accueillis par les communautés locales. Les équipes du HCR ont procédé à l’enregistrement des nouveaux arrivants et à
la distribution de couvertures, de jerrycans, de lampes de kérosène, de savons et de bâches en plastique. En accord avec les autorités, les réfugiés sont ensuite transférés dans des centres de
transit, comme à
Bossou qui
accueille aujourd’hui 200 Ivoiriens. Depuis le début de la semaine, du matériel de secours supplémentaire est acheminé depuis Copenhague, la base logistique du HCR, qui déclare pouvoir aider
jusqu’à 30 000 réfugiés.
"La nuit, des hommes venaient piller nos jardins, ils détruisaient tout et volaient nos bêtes"
Antonin, instituteur ivoirien, a fui le village de Yéalé, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, aux abords de la réserve de Nimba (une zone montagneuse bordée par la Guinée et le
Liberia). Yéalé est situé dans une région contrôlée par les ex-Forces nouvelles (FN), les anciens rebelles qui soutiennent Alassane Ouattara.
Certaines personnes du village ont été frappées par des rebelles, qui étaient parfois habillés en civil. Ils n’ont jamais tiré mais ils nous terrorisaient. La nuit, des hommes venaient piller
nos jardins, ils détruisaient tout et volaient nos bêtes. Avec d’autres pères de familles du village, on a décidé de se sauver.
"Nous avons marché deux jours entiers dans la brousse"
Nous sommes partis en fin d’après-midi mercredi 8 décembre, par petits groupes. Comme il fallait aller vite, je n’ai pris avec moi que ma carte d’identité et mon acte de naissance. Nous avons
marché deux jours entiers dans la brousse. Certains allaient en direction de Nzoo-Guela, d’autres allaient vers Nyon [deux villages guinéens frontaliers de la Côte d'Ivoire, ndrl]. Parfois,
nous nous croisions sur notre route.
Je suis parti avec ma femme et mes deux enfants, mais l’un d’eux n’est pas arrivé à Bossou avec nous. Il est resté à Nzoo-Guela pour se faire soigner, je sais qu’il y est en sécurité. J’espère
que les équipes du HCR vont le ramener bientôt.
Depuis que nous sommes au camp de Bossou, nous mangeons à notre faim. Les enfants jouent dans la cour toute l’après-midi. Je remercie vraiment le HCR d’avoir mis en place ce dispositif. Je ne
compte pas retourner en Côte d’Ivoire tant que la situation ne sera pas apaisée. Pour le moment, je projette d’organiser des classes pour les enfants ivoiriens de Bossou. Il faut continuer de
vivre."
"Ces réfugiés, majoritairement des femmes et des enfants, sont arrivés à pied et sans bagages, fatigués, assoiffés mais en bonne santé"
Astrid Castelei est responsable des opérations du HCR dans le sud de la Guinée. Avec son équipe, elle est chargée de l'assistance aux réfugiés ivoiriens dans le centre de transit de Bossou, un
village guinéen de la région de Nzérékoré.
Les autorités locales guinéennes nous ont informés de l’arrivée d’Ivoiriens dans deux villages, à Nzoo-Guela et à Nyon. Ils nous ont dit qu’ils avaient quitté leur village car ils se
sentaient menacés par des hommes.
Il y a beaucoup de femmes et d’enfants. Ils sont arrivés à pied et sans bagages, fatigués, assoiffés mais en bonne santé. La plupart vient du village de Yéalé qui a voté majoritairement pour
Laurent Gbagbo dans une région contrôlée par les Forces nouvelles.
"Ces réfugiés sont agriculteurs et s’inquiètent beaucoup de ce qu’il restera de leur terre après la crise politique"
Beaucoup ont décidé de traverser la frontière car ils ont de la famille en Guinée. D’autres ont pensé qu’en ne s’éloignant pas trop de leur village, ils pourront y revenir le temps d’une
journée pour s’assurer que leurs récoltes n’ont pas été pillées. Ces réfugiés sont agriculteurs et s’inquiètent beaucoup de ce qu’il restera de leur terre après la crise politique.
Il a été décidé de rassembler tous les réfugiés arrivés à Nyon et à Nzoo-Guela dans un même centre de transit. Les autorités guinéennes ont mis à disposition une ancienne école maternelle dans
le village de Bossou.
"Ce sont des réfugiés 'prima facie', c'est-à-dire que la raison de leur fuite est évidente"
Depuis, nous travaillons de concert avec les ONG locales et les coordinateurs de la Croix-Rouge pour que ces personnes reçoivent trois repas chauds par jour. Ce sont des réfugiés 'prima facie',
c'est-à-dire que la raison de leur fuite est évidente. Pour le moment, nous travaillons avec une mission gouvernementale de Conakry pour gérer l’urgence de la situation. Si ces Ivoiriens
venaient à s’installer en Guinée, nous entamerions un processus d’assistance durable, vers l’autosuffisance."