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La Guinée nouvelle

Disparition de Sekouba Fatako: l'hommage de Justion Morel Junior

 

 

Il nous est venu de cette préfecture du Fouta-Djallon, blottie entre Labé, Koubia, Mamou, Dalaba, Dinguiraye et la République du Mali; cette ville de 6.400 km2 qui s'étale sur 60 km, du nord-ouest au sud-est, et 140 km du nord-est au sud-ouest. Sékouba Fatako Kouyaté est descendu de Tougué pour conquérir, par la musique, les coeurs de nombreux Guinéens. Mais avant, grâce aux ''hirdè djama", ces veillées populaires au clair de lune, l'artiste qu'il était, avait su à coup de compositions mêlant humour, amour et ''provoc'', séduire jeunes et vieux, mais surtout les jeunes filles et les femmes, qui se querellaient même pour ses photos ! Quand il jouait dans un village, les hommes devenaient subitement plus vigilants, pour ne point dire totalement jaloux ! Il était en effet, un chanteur-séducteur, un vrai voleur de cœur, malgré lui. Ayant consciemment décidé de favoriser, ce que j'appelais alors " l'explosion de la musique halpular", avec la sortie en 1997 de l'album "Mahin" de Yéli Sayon Kouyaté, j'ai contacté en 1998, le technicien de son de la Radio Rurale de Labé, Ousmane Télimélé Bah, afin que nous puissions identifier ensemble, d'autres voix de cette musique que je voulais promouvoir.

 

Encouragé en cela par l'énorme succès de ma production de 'l'homme-ambiance" en la personne de Yéli Sayon, nous avions pris contact avec Sékouba Fatako, qui viendra à Conakry avec sa maquette et ses idées. 

Après auditions et discussions, un contrat sera signé en bonne et due forme, avec comme témoins, son ami M. Tounkara et Ousmane Télimélé de mon côté. Je vais rapidement, fort de ce document, engager l'arrangeur Rakesh Touré, et les répétitions vont commencer jours et nuits, chez moi à Kipé, pour finaliser un opus de grande qualité, enregistré - je vous le révèle aujourd'hui - dans une de mes chambres à coucher ! Et pour chanter "Sia yata, yéto'' qui deviendra le titre éponyme de l'album, j'avais fait isoler Sékouba Fatako dans la salle de bain, pour éviter certaines interférences sonores ! Incroyable, mais vrai !

De lui, je garderai toujours l'image d'un artiste timide, que le succès n'a jamais pu griser. Après son premier album avec moi, il continuera avec d'autres producteurs guinéens et africains, avec ma fraternelle bénédiction. Il volera aussi de succès en succès, tout en gardant pour moi, la reconnaissance de la star vers le producteur qui lui ouvrit, avec ses petits moyens, les portes de la consécration.

Il laisse un vide dans la musique guinéenne que seul le temps comblera par la force du souvenir qu'il éveillera toujours, avec ses paroles osées, ses rythmes chauds et l'exceptionnel timbre de sa voix mâle.

Que son âme repose en paix et que la terre lui soit légère.

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