2 Mars 2011
Des Africains ont été pris pour cible par des opposants libyens qui les soupçonnent d’être à la solde du régime
Une cinquantaine de baraques s’alignent près de l’université de Gar Younes de Benghazi, non loin du
littoral. Dans une allée boueuse – il a plu trois jours de suite –, un groupe de jeunes hommes africains observe avec attention qui entre et sort du camp où étaient logés à l’origine les ouvriers
d’une société de construction turque travaillant en Libye.
Ils sont maintenant près de 2 000 à occuper les lieux, africains pour la plupart : des Ghanéens, Camerounais, Maliens, Guinéens…
« Nous amenons désormais là tous les Africains qui n’ont nulle part où aller. Il en arrive tous les jours. » Youssef Ojli, un étudiant de 23 ans, a décidé avec quelques autres opposants de s’en
occuper. « Certains sont pris pour cible dans la rue, à cause des mercenaires noirs utilisés par Kadhafi. Nous essayons d’assurer leur sécurité. »
Une prime pour chaque personne tuée
Trois jours après le déclenchement de la révolte à Benghazi, les Libyens ont vu arriver des Africains qu’ils soupçonnent être à la solde du régime pour attaquer les manifestants. Les rumeurs, difficilement vérifiables, ont commencé à circuler : ces soldats toucheraient une prime pour chaque personne tuée, ils entreraient dans les maisons pour violer les femmes…Tout homme noir est devenu suspect
Après les atrocités des semaines passées, tout homme noir de peau est en effet devenu suspect. Dans le camp de Gar Younes, beaucoup racontent avoir été expulsés par le propriétaire de leur logement, effrayé d’être lui-même accusé d’héberger des mercenaires.Convoi gratuit pour quitter le pays
Les insurgés ont décidé d’emmener gratuitement tous ceux qui veulent quitter le pays jusqu’à la frontière égyptienne. Un premier convoi de 400 personnes est parti lundi 28 février au soir. « Les chauffeurs sont armés. Les migrants africains ont en effet très peur d’être attaqués par la population », explique Youssef Ojli.« Beaucoup d’entre eux étaient dans l’intention d’émigrer vers l’Italie »
Certains Africains présents dans le camp refusent de partir. « Beaucoup d’entre eux étaient en fait en Libye dans l’intention d’émigrer vers l’Italie », assure un médecin égyptien, Ahmed Hamed, venu osculter les occupants du camp deux jours plus tôt. « Nous avons déjà recensé plusieurs cas d’infection de l’appareil respiratoire, peut-être des tuberculoses », ajoute-t-il.