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Envoi d’une force de stabilisation en Guinée-Bissau : Les soldats de la paix attendus sur un terrain miné

 

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) s’apprête à envoyer une force de stabilisation en Guinée-Bissau pour aider le gouvernement du président Malam Bacaï Sanha à mettre de l’ordre dans le pays. Ce déploiement est toutefois très mal perçu par l’armée, les partis politiques d’opposition et la majorité de la population.

La perspective de l’envoi d’une force sous régionale de stabilisation en Guinée-Bissau se précise de jour en jour. Les chefs d’Etat des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) réunis en fin de semaine dernière, à Abuja, au Nigeria, ont donné leur accord de principe pour le déploiement de quelques centaines de soldats à Bissau. Ils répondent ainsi à une demande expresse formulée, il y a quelques mois, par les organes de souveraineté bissau-guinéens notamment la présidence de la République, le Conseil national de défense, et plus récemment, la Commission permanente de l’Assemblée nationale populaire (Anp).

Les dirigeants ouest-africains justifient cette décision par la nécessité d’appliquer la politique de réforme de l’armée et des forces de sécurité initiée par le gouvernement bissau-guinéen. ‘La Commission insiste sur l’application de cette réforme qui est cruciale pour la stabilité socio politique de la Guinée-Bissau’, avait déclaré le président de la Commission de la Cedeao, Victor Ghebo, lors de la lecture de la déclaration ayant sanctionné le mini sommet des chefs d’Etat à Abuja, selon une source diplomatique. Une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de la communauté se tiendra aussi dans les prochaines semaines sur la situation en Guinée-Bissau.

Les participants vont réfléchir sur les mesures à prendre pour la restauration de la paix et la stabilité dans cette ancienne colonie portugaise en proie à une instabilité politique chronique depuis son accession à l’indépendance en 1974. Pour rappel, les chefs d’état-major de la Cedeao s’étaient également réunis les 11 et 12 août derniers à Bissau pour plancher sur la question. La Cedeao préconise l’envoi de sous officiers et experts militaires à Bissau pour assurer la formation de l’armée et de la police dans le cadre de l’application de la politique de réforme de ces secteurs.

Ce projet, qui était soutenu à bras le corps par la communauté internationale, est en passe de capoter après la décision de la communauté européenne et des Etats-unis de suspendre leur aide financière pour protester contre la confirmation du nouveau chef d’état-major général des forces armées, le Colonel Antonio Indiai, à ce poste. L’administration d’Obama n’a pas, non plus, apprécié le maintien dans l’armée de certains officiers soupçonnés d’implication dans le trafic de drogue.

Il convient, par ailleurs, de souligner qu’en dépit de leur bonne intention d’aider le pays d’Amilcar Cabral à retrouver la stabilité, les soldats de la paix ne sont pas les bienvenus en Guinée-Bissau. Certes, l’armée a accepté du bout des lèvres ce déploiement pour éviter d’aggraver la crise avec les autorités politiques. Mais, en réalité, elle ne veut pas du tout entendre parler de la présence des soldats étrangers sur son sol. ‘Rien ne justifie aujourd’hui l’envoi d’une force de stabilisation en Guinée-Bissau parce qu’il n’y a pas de crise politique interne. Nous ne sommes pas en guerre entre nous les militaires, comme c’était le cas en juin 1998. Donc, nous ne voyons pas pour quelle raison on envoie des troupes dans notre pays’, déclare cet officier en retraite de l’armée, joint jeudi à Bissau.

Pour lui, la Guinée-Bissau n’est pas plus malade que les autres pays de la sous région. ‘Si vous regardez bien, la plupart des pays de la Cedeao, et de l’Afrique en général, sont aujourd’hui en proie à des convulsions politiques plus ou moins graves selon les pays. Et la Guinée-Bissau n’a pas plus de problème que ces pays-là’, explique notre interlocuteur. Il demande aux dirigeants ouest - africains d’envoyer plutôt des experts militaires pour aider à la formation des soldats bissau-guinéens s’ils veulent réellement aider la Guinée-Bissau. ‘Par contre, nous sommes preneurs s’ils nous envoient des officiers militaires pour aider à la formation de nos soldats qui en ont réellement besoin. Pour que cette formation réussisse, il faudrait aussi penser à la reconstruction de nos casernes qui sont, pour la plupart, dans un état de délabrement avancé’, dit-il.

STABILITÉ DU PAYS, CRAINTES DE RÉACTIONS HOSTILES, ETC. : Pourquoi les politiques ne veulent pas des troupes étrangères

En plus des réticences de l’armée, les partis politiques d’opposition sont également farouchement opposés à l’envoi des troupes dans leur pays. C’est le cas notamment du Parti pour la rénovation sociale (Prs) de l’ancien président Kumba Yala. Un responsable de ce parti, deuxième force politique du pays avec 28 députés à l’Assemblée nationale populaire, après le Paigc (Parti africain de l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, au pouvoir avec 67 sièges) a exprimé récemment ses craintes de voir cette force promise par la Cedeao créer plus de problème qu’elle n’en résout. ‘La Guinée-Bissau n’est pas en guerre. Donc, il n’y a pas de raison d’y déployer une force étrangère’, avait-il ainsi déclaré après la décision des dirigeants africains d’envoyer un contingent militaire à Bissau.

La majorité des Bissau-guinéens seraient également hostiles à la présence des troupes étrangères dans le pays. Il existe, toutefois, une infime partie de la population qui pense le contraire. ‘J’approuve cette décision que je considère comme salutaire pour la paix et la stabilité nationale. Nous avons beaucoup souffert à cause de l’armée qui est le principal facteur d’instabilité de la Guinée-Bissau’, déclare pour sa part Ibrahima Cissé, enseignant et habitant à Bairo militar, un quartier périphérique de Bissau. Il se dit quelque peu sceptique sur la capacité dissuasive de cette force qui serait composée seulement de quelques centaines d’hommes. ‘La présence de cette force n’empêche pas les militaires à faire un coup s’ils le veulent. Ils avaient renversé l’ancien président Joao Bernardo Nino Vieira en mai 1999 alors que plus d’un millier de soldats de l’Ecomog étaient déployés à Bissau’, explique-t-il.

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