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Face aux braquages, les commerçants d’or de Siguiri se disent "abandonnés" par les autorités

Les commerçants de Siguiri, ville aurifère du nord-est de la Guinée-Conakry, subissent régulièrement les attaques de bandits de grand chemin. L’un de nos Observateurs dans cette ville, un vendeur de détecteurs d’or, nous raconte comment son magasin vient d’être pillé sans que les forces de l’ordre ne lèvent le petit doigt pour l’aider.
 
Dans la nuit de lundi à mardi, des brigands se sont attaqués à des magasins de détecteurs d’or, nombreux dans cette ville où l’exploitation de mines d’or est la principale activité. Réveillés par des coups de feu, des habitants ont bien essayé de défendre leurs commerces, à l’aide de pierres et avec quelques barricades, mais ils se sont vite retrouvés impuissants face à des individus armés de fusils automatiques. Ils ont alerté les militaires des deux bases de l’armée présentes à Siguiri, ainsi que le préfet de police et la gendarmerie, mais ont attendu, en vain, leur intervention.
 
La passivité des autorités a suscité la colère de la population. Tôt mardi matin, les commerçants, accompagnés de jeunes, ont manifesté dans les rues de la ville. Ils ont brûlé des pneus et se sont attaqués à la résidence du préfet ainsi qu’à un camp militaire avec des pierres et des bâtons enflammés. L’armée a riposté en tirant sur le cortège, tuant un jeune manifestant de 12 ans et blessant deux personnes.
 
Mercredi, le calme est revenu à Siguiri, même si plusieurs commerces ont gardé porte close. Une enquête a été ouverte à la demande du gouvernement pour élucider les circonstances de la mort du jeune manifestant. Selon un officier de police de la ville interrogé par l’AFP, le gouverneur de la région a promis "des sanctions contre le laxisme de certains éléments des forces armées".

"Nous pensons qu’il y a des complicités entre certains militaires et ces bandits à la recherche d’or"
Ibrahima Doumbaya est commerçant. Son magasin a été braqué dans la nuit de lundi à mardi.
  
Lorsque nous nous sommes rendus au premier camp militaire de la ville pour demander de l’aide, les soldats nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas intervenir tant qu’ils n’en avaient pas reçu l’ordre. Alors j’ai appelé moi-même le colonel de la base. Il m’a répondu qu’il était à Conakry et qu’il ne pouvait rien décider à distance. Les militaires nous ont ensuite expliqué qu’ils n’avaient pas de munitions et que la porte de leur stock d’armes était verrouillée pour la nuit.
 
Nous nous sommes alors rendus à la gendarmerie. Les gendarmes nous ont dit qu’ils étaient prêts à intervenir. Ils sont montés à bord de leur pick-up et nous ont suivi jusqu’au centre-ville. Mais au premier coup de feu tiré par les bandits, ils ont rebroussé chemin et nous ne les avons pas vus revenir. Nous avons tenté notre dernière chance en nous rendant à la deuxième base militaire de Siguiri, celle des commandos rangers. Là aussi, les militaires nous ont dit de partir devant, nous assurant qu’ils allaient arriver. Mais ils ne sont jamais venus.
 
"J’ai vu de mes yeux les bandits habillés en tenue de militaire"
 
Pendant ce temps, beaucoup de jeunes étaient descendus nous prêter main forte pour dresser des barricades afin de protéger le plus de boutiques. Toute la population de la ville était réveillée, beaucoup d’habitants étaient mobilisés, mais pas un seul militaire n’est intervenu. Les bandits ont pillé pendant deux heures. Dans mon commerce, ils ont dérobé trois détecteurs d’or à 60 millions de francs guinéens chacun [plus de 6 000 euros, ndlr].
 
Aujourd’hui, nous sommes très en colère contre les autorités car elles nous ont complètement abandonnés. D’ailleurs, nous sommes convaincus qu’il y a des complicités entre certains militaires et ces bandits. L’armée avait instauré un système de patrouille de nuit dans la ville, mais ça n’a pas freiné les braqueurs. Lors du pillage de lundi soir, j’ai vu de mes yeux les bandits habillés en tenue de militaire [d’autres témoignages concordent sur ce point, ndlr]. Voilà pourquoi nous demandons le départ sans condition du préfet de police et des chefs militaires des deux bases de la ville.
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