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GENERAL ALI TRAORE, REPRESENTANT SPECIAL DU MEDIATEUR EN GUINEE: « Ma mission se poursuivra après le 19 septembre »

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Le représentant spécial du médiateur burkinabè en Guinée, le général de division Ali Traoré, se fait discret comparativement à son homologue en Côte d’Ivoire, Boureima Badini. Depuis sa nomination le 20 janvier 2010, on ne sait rien, en tout cas vu du Burkina, de ce que fait l’ancien chef d’état-major général des armées burkinabè dans le cadre de sa mission, à telle enseigne que certaines personnes en sont arrivées à la conclusion qu’il se tourne les pouces à Conakry, qu’il y coule des jours paisibles. Mais pour ceux qui le connaissent bien, il n’y a rien d’étonnant à cela car l’homme est discret, peu bavard de nature.

Profitant de son récent séjour au Burkina, nous l’avons rencontré, le 28 août 2010 au lendemain de la visite de Sékouba Konaté dans notre pays, pour évoquer avec lui sa fonction de représentant spécial du médiateur de la crise guinéenne. Pour la première fois, il lève un coin de voile sur ses nouvelles occupations qui sont loin d’être une sinécure. Entretien exclusif.


"Le Pays" : En quoi consiste votre mission ?

Général Ali Traoré : Comme c’est écrit dans le décret de nomination, ma mission consiste essentiellement à suivre l’application de la Déclaration conjointe de Ouagadougou (NDLR : une déclaration signée le 15 janvier 2010). C’est dans ce cadre donc que le président du Faso a bien voulu me nommer comme son représentant spécial à Conakry. Pour rappel, la Déclaration de Ouagadougou comporte 12 points dont les plus importants portent sur la réforme du secteur de la défense et de la sécurité, la formation d’un gouvernement d’union nationale, la mise en place de structures républicaines, etc.

Quand avez-vous pris effectivement fonction après votre nomination ?

Il y a eu deux phases dans ma mission. Dans la première phase, je devais travailler avec la Commission conjointe Union africaine-CEDEAO-Nations unies mise en place pour la réforme du secteur de la sécurité. J’ai été nommé le 20 janvier 2010 et dès le 1er février, le président du Faso m’a instruit d’aller suivre sur le terrain la situation des forces de défense et de sécurité. Je me suis donc rendu à Conakry pour suivre, avec la mission conjointe, la réforme du secteur de la défense et de la sécurité. Je peux dire que j’ai commencé ma mission en février. Et la première phase, qui a duré environ 3 mois, a consisté à travailler avec la commission conjointe pour évaluer le secteur de la sécurité en Guinée. Pendant cette phase, je faisais des va-et-vient parce que ma présence sur place en Guinée n’était pas forcément nécessaire. Le général Cissé (NDLR : Lamine, un Sénégalais) qui pilotait la commission en faisait de même. Il y avait une équipe d’experts qui était sur place et faisait le travail et le général Cissé et moi venions de temps en temps recadrer ce qui est fait. Quand nous avons fini d’évaluer le secteur sécuritaire guinéen, nous avons remis le document final, le 4 mai 2010, au président par intérim, le général Sékouba Konaté. La deuxième phase qui reste est le suivi de la mise en place des institutions républicaines.

En gros, quel est le bilan que vous pouvez faire de votre travail en Guinée jusque-là ?

Le bilan est positif dans la mesure où, par exemple, concernant la réforme du secteur de la sécurité, nous avons fini notre travail et remis le document final aux autorités guinéennes. Il reste maintenant à ces dernières d’appliquer la réforme préconisée. Après la remise du document final, je suis revenu au Burkina et j’ai constitué une équipe de travail pour m’accompagner en Guinée. Celle-ci est composée d’un conseiller politique, d’un conseiller juridique, d’un conseiller militaire et d’un aide de camp (voir encadré). Nous sommes 5 au total. Et nous sommes repartis en Guinée pour suivre l’élection présidentielle parce que la campagne a commencé quand j’étais au Burkina en train de constituer mon équipe. Le 31 mai, nous sommes donc repartis à Conakry pour surveiller la campagne du premier tour de l’élection présidentielle. C’est la deuxième phase de ma mission pour laquelle je suis en Guinée avec mon équipe depuis fin mai. Nous avons suivi toute la campagne électorale et l’élection présidentielle du 27 juin et avons régulièrement rendu compte au président du Faso en sa qualité de médiateur.

Quel est généralement votre quotidien à Conakry ?

On suit l’application des Accords de Ouagadougou. Nous suivons toutes les activités qui se passent en Guinée. Nous sommes tout le temps en contact avec les autorités de la transition que ce soit le président par intérim, le Premier ministre, la présidente du CNT (NDLR : Conseil national de la transition), la CENI, les acteurs politiques. Chaque fois qu’il y a un problème qui se pose, nous essayons d’entrer en contact avec la structure concernée pour mieux comprendre afin de rendre fidèlement compte au président du Faso. Par exemple, quand il y a eu des problèmes pendant la campagne présidentielle, je suis allé voir Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo. Je me suis rendu aussi à la CENI pour mieux comprendre les problèmes. Je suis régulièrement tout ce qui se passe sur le terrain et je rends aussi régulièrement compte au président du Faso. C’est cela notre activité au quotidien.

Avez-vous des locaux de travail à Conakry ou bien vous faites la navette entre Ouagadougou et cette capitale ?

Quand nous sommes repartis le 31 mai, les autorités guinéennes nous ont trouvé 2 villas. Il y a une villa qui nous sert de logement et une autre de bureau. Sur ce plan, nous sommes pris en charge par les autorités guinéennes.

Mais avant, comment travailliez-vous ?

Avant la constitution de l’équipe, je travaillais pratiquement seul. Comme je le disais tantôt, il y avait des experts dans la première phase qui a porté sur la réforme du secteur de la sécurité. C’est pour la deuxième phase, qui porte sur le suivi de la mise en place des institutions républicaines, que j’ai constitué une équipe qui travaille actuellement avec moi en Guinée.

On se rend compte finalement que vous ne coulez pas des jours paisibles à Conakry comme certains le disent comparativement à votre homologue en Côte d’Ivoire !

Mes activités ne sont pas médiatisées. Cela peut se comprendre parce que ce ne sont pas les mêmes problèmes en Guinée et en Côte d’Ivoire. Et puis la Guinée est à la fois proche et loin du Burkina. Il n’y a pas de relation à proprement parler entre notre pays et la Guinée. Par exemple, entre Abidjan et Ouaga, il y a un vol tous les jours ; ce qui n’est pas le cas entre Ouaga et Conakry. Il y a aussi le fait que je n’ai pas de chargé de communication qui aurait pu donner une visibilité à mes activités. C’est une erreur de ma part de n’avoir pas pris en compte cet aspect. Mais il y a aussi que le budget de fonctionnement mis en place par l’ONU est limité et ne permet pas de prendre tout le monde en charge.

Allez-vous corriger cela ou bien allez-vous continuer à travailler dans l’ombre ?

Ce n’est pas mon désir de travailler dans l’ombre. On essaie de corriger cela. Actuellement, nous avons pris contact avec une structure de communication à Conakry et sommes en train de travailler avec elle pour la médiatisation de nos activités ne serait-ce qu’au niveau de la Guinée. Pour le reste, je suis à la disposition des autres organes de presse du Burkina ou d’ailleurs pour leur donner toutes les informations dont ils auraient besoin.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face dans votre mission ?

Sincèrement, il n’y a pas de problème particulier. On a été bien accueilli, nous sommes bien intégrés. Les choses se passent assez bien. Les portes de toutes les autorités nous sont ouvertes et nous les rencontrons sans problème.

Concernant le premier tour de l’élection présidentielle, avez-vous par exemple fait le tour des 24 candidats ?

Non. Quand j’arrivais à Conakry, tous les 24 candidats étaient déjà partis en campagne. Il m’a été impossible d’entrer en contact avec chacun d’eux. Mais vers la fin de la campagne, quand il y a eu des échauffourées entre les militants de Sidya Touré et ceux de Cellou Dalein Diallo, j’ai appelé les directeurs de campagne des 2 candidats pour savoir ce qui s’est passé et aussi demandé à chacun de mettre de l’eau dans son vin.

Avez-vous joué un rôle particulier pour apaiser les esprits au moment des critiques acerbes contre la CENI et contre même Sékouba Konaté accusé par exemple par Sidya Touré d’avoir un parti pris ?

J’ai joué mon rôle de représentant spécial du médiateur. Lorsque le problème s’est posé, je me suis rendu au domicile de Sidya Touré pour comprendre la raison des manifestations de ses militants. Il s’est expliqué, m’a dit qu’il a appelé le médiateur qui lui a donné des conseils. Je lui ai demandé de faire en sorte qu’il n’y ait pas de problème. Je me suis rendu aussi à la CENI pour savoir ce qui s’est passé dans la proclamation des résultats pour qu’il y ait des contestations. Par la suite, j’ai rendu compte fidèlement au président du Faso.

Avez-vous également joué un rôle quand Sékouba Konaté a menacé de démissionner ?

Une fois de plus, mon rôle a été de rendre compte au médiateur lorsqu’il y a eu cet événement. La première médiation pour convaincre le général Sékouba Konaté de ne pas démissionner a été l’œuvre des acteurs politiques de la Guinée, de la population, des sages, des autorités religieuses et coutumières, etc. C’est tout à fait normal parce que quand il y a un problème, c’est d’abord de manière interne qu’il faut essayer de le résoudre. Et effectivement lorsque le chef de l’Etat par intérim a menacé de démissionner, tout le monde est allé le voir pour lui demander de rester et continuer sa mission. Chose qu’il a acceptée. C’est après qu’il y a eu la médiation extérieure à savoir celle du président ATT (NDLR : Amadou Toumani Touré, chef de l’Etat du Mali), du président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping. Le président du Faso à qui j’ai rendu compte avait déjà eu un contact avec le président Sékouba.

Que pensez-vous de l’organisation du premier tour de l’élection présidentielle ?

Je pense que le premier tour a été bien organisé même s’il y a eu des défaillances. La CENI n’a pas eu le temps nécessaire pour préparer les élections. La CENI a arrêté un chronogramme qui a permis de fixer le premier tour au 27 juin. Mais lorsqu’il s’est agi de prendre en compte les Guinéens de l’extérieur dans le vote, je pense que cela a joué sur le chronogramme. Comme la structure n’a pas voulu changer la date, elle a essayé de compresser ses activités. Au finish, il s’est trouvé qu’elle n’était pas tout à fait prête à la date du 27 juin. Dans mon rapport au président du Faso dans ce cadre, j’ai relevé qu’il fallait un peu plus de temps à la CENI pour organiser le premier tour. Mais comme tout était engagé pour le 27 juin, les Guinéens sont allés à l’élection avec quelques défaillances. Malgré tout, la mobilisation était totale au niveau des électeurs qui sont sortis en masse. Je pense que c’est la remontée des résultats qui n’a pas pu se faire dans de meilleures conditions puisqu’il fallait que l’administration territoriale soit impliquée forcément ; ce qui n’a pas entièrement été le cas. Il y a donc eu des défaillances à son niveau et la proclamation des résultats a été entachée d’irrégularités. Je pense qu’on ne peut pas trop jeter la pierre à la CENI qui a fait ce qu’elle pouvait. C’était la première fois que la CENI organise des élections en Guinée et c’était également la première fois que des élections libres et transparentes sont organisées en Guinée. Ce n’était pas facile et il faut les comprendre. Certes, il y a eu des défaillances, des erreurs mais on ne peut pas totalement dire que la CENI a failli à sa mission.

Par rapport à l’implication de l’administration dans l’organisation des élections, vous semblez être sur la même longueur d’onde que le Premier ministre Jean-Marie Doré dont on se rappelle que la proposition de révision de la Constitution pour faire jouer un plus grand rôle au MATAP (ministère de l’administration du territoire et des affaires politiques) a soulevé un tollé. Quel est d’ailleurs votre point de vue sur la question ?

Le MATAP et la CENI sont impliqués dans l’organisation des élections. C’est écrit de façon claire dans le Code électoral que c’est la CENI qui organise les élections et qu’elle est aidée techniquement par les autres ministères et principalement le MATAP (lire l’intégralité de l’article en encadré). Le MATAP a été associé aux actions menées sur le terrain au premier tour. Aujourd’hui, avec les problèmes qui se sont posés, on jette la pierre à la CENI. Cela est dû au fait que les textes ne sont pas clairs concernant le rôle du MATAP. Ce que demande le Premier ministre, c’est justement de préciser ce rôle. Contrairement à ce qu’on lui prête, il n’a pas demandé une révision de la Constitution, de la loi électorale mais plutôt un décret d’application. Effectivement, la loi prévoit que le MATAP soit impliqué mais il faut un décret d’application pour clarifier le rôle des uns et des autres. Une commission ad hoc avait même été mise en place pour rédiger le décret d’application. Mais le candidat Cellou Dalein Diallo n’était pas favorable à cela et a demandé qu’il y ait un protocole d’accord parce que, dit-il, on ne peut pas changer les règles du jeu entre deux tours. Il faut bien le comprendre. Si on devait effectivement prendre un décret d’application, cela devait se faire avant le premier tour. Mais je crois que les uns et les autres ont trouvé un terrain d’entente à travers un mémorandum sur le rôle du MATAP.

Pensez-vous que le second tour sera organisé à bonne date et dans de bonnes conditions ?

La date du 19 septembre sera maintenue ; le président Sékouba l’a réaffirmé lors de sa visite ici (NDLR : au Burkina les 26 et 27 août 2010). Toutes les dispositions sont prises pour que la CENI soit prête à cette date même si elle ne peut pas l’être à 100%. L’essentiel est que si les principales demandes des candidats à savoir la formation des agents des bureaux de vote, la présence des représentants des candidats dans tous les bureaux au moment du vote et du dépouillement sont prises en compte, il n’y a pas de raison que les choses ne se passent pas dans de meilleures conditions.

Votre mission s’achève-t-elle le 19 septembre avec le second tour ou se poursuivra-t-elle après cette date ?

Ma mission se poursuivra après le 19 septembre parce que je suis là-bas pour suivre l’application de la Déclaration de Ouagadougou mais aussi pour suivre la mise en place de l’Assemblée nationale. Après l’élection présidentielle, il est prévu des élections législatives. Nous sommes tenus de rester pour suivre ce scrutin qui devra se tenir, en principe, d’ici la fin de l’année. Après, on verra ce qu’il faut faire. Mais a priori, il faudra suivre pendant un certain temps la consolidation de la paix, des institutions avant de rentrer.

Avez-vous déjà rencontré l’ancien chef d’Etat Moussa Dadis Camara lors d’un de vos séjours à Ouagadougou ?

Non. Cela ne fait pas partie de ma mission. Je suis représentant spécial du médiateur à Conakry. Ma mission principale se déroule à Conakry. Quand je viens à Ouagadougou, je rends compte au président du Faso et je n’ai pas de contact avec le président Dadis.

Vous ne lui avez donc pas présenté vos condoléances après le décès de son fils aîné, Moriba Dadis Junior Camara, le 16 août au Canada et dont le corps a transité à Ouagadougou le 24 août ?

Si, puisque j’étais là quand le corps transitait par Ouagadougou. J’ai assisté à la veillée funéraire au domicile du président Dadis. Cela est tout à fait normal parce qu’en tant qu’Africain, lorsque quelqu’un est en deuil, il faut lui présenter ses condoléances.

L’équipe du général Ali Traoré
Conseiller politique : Dominique Kaboré
Conseiller militaire : Colonel Hamidou Zongo
Conseiller juridique : Marc Zongo
Aide de camp : Sous-lieutenant Roger Sawadogo

Qui fait quoi en matière électorale ?

« La Commission électorale nationale indépendante (CENI) est l’institution chargée de l’organisation de toutes les élections politiques et du référendum en République de Guinée. Elle est techniquement aidée par les départements ministériels concernés par le processus électoral notamment le ministère en charge de l’administration du territoire. Les cours et tribunaux veillent à la régularité des élections, règlent le contentieux électoral et prescrivent toutes mesures qu’ils jugent utiles au bon déroulement des élections. » Source : article 2 du Code électoral guinéen

Lu dans la nouvelle Constitution guinéenne

Article 27 : Le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de cinq ans renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non.
Article 29 : Tout candidat à la présidence de la République doit être de nationalité guinéenne, jouir de ses droits civils et politiques, d’un état de bonne santé certifié par un collège de médecins assermentés désignés par la Cour constitutionnelle et être âgé de trente-cinq ans au moins. (…) Aucune candidature n’est recevable si elle n’est présentée par un parti politique légalement constitué. Chaque parti ne peut présenter qu’une seule candidature.
Article 154 : La forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’Etat, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision.


Propos recueillis par Séni DABO

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