GUINEEWEB.ORG

La Guinée nouvelle

Guinée : 100 jours et (un peu de) démocratie

 

Le gouvernement fraîchement nommé de Guinée a besoin de montrer à son impatiente population qu’il est à ses côtés. Il a également besoin d’apprendre à communiquer de manière efficace, d’autant plus que le climat politique actuel devient de plus en plus toxique.

Bram Posthumus, à Conakry

La petite salle de conférence de la Maison de la Presse située à Conakry, la capitale guinéenne, était bondée. Cellou Dalein Diallo, le candidat malheureux à la présidentielle de novembre 2010 contre Alpha Condé, donnait une conférence de presse. Le sujet : une violente confrontation qui a eu lieu récemment entre les sympathisants de son parti et les forces de sécurité.

Retours au bercail grandiloquents
En principe, quand les hommes politiques guinéens reviennent au pays, le petit aéroport de la capitale est dans une ambiance de chants et de musique, les rues aux alentours sont noires de monde et une jolie cavalcade accompagne jusqu’à sa résidence l’homme politique qui vient de poser le pied sur le sol de son pays. C’est le spectacle que l’on a pu voir lorsque le professeur Alpha Condé est revenu pour devenir le premier président guinéen de l’histoire à être élu de façon démocratique. Cellou Dalein Diallo s’attendait à ce genre de réception quand il revint de Dakar le dimanche 4 avril dernier.
Mais il avait passablement tort.

Combats violents
L’aéroport de Conakry était entouré des forces de sécurité. Qui ont arrêté et frappé certains membres du comité d’accueil de M. Diallo. Peu après, de violents combats ont éclaté à Bambeto, une banlieue fragile de Conakry. Un jeune homme y a trouvé la mort, on dénombra de nombreux blessés. Un retour au bercail plutôt explosif, en effet.

Lors de sa conférence de presse, Diallo était à la recherche d’un capital politique maximum et il l’a obtenu. Son point principal ? Le voici : "J’ai accepté les résultats des élections, bien qu’ils fussent entachés de fraude. Je veux rester dans les limites de la loi. Toutefois, je trouve ce signe de rejet vis-à-vis du leader du plus grand parti du pays difficile à accepter."

L’opposition dans la peau du parti mécontent : cela lui va bien. Il est aidé en cela par un gouvernement qui n’a pas appris à communiquer de manière efficace. Le président Alpha Condé a quelques médias de prédilection, la plupart sont français. Les médias guinéens sont très engagés. Ces dernières semaines, les journaux locaux relataient des interviews du président par les journalistes du Figaro et de Radio France International, faites lors de sa visite d’Etat en France.

Groupe ethnique
Après les violences, le gouvernement n’a pas donné sa version de l’histoire. Ce qui alimente la spéculation de manière dangereuse. Les partisans de Diallo sont pour la plupart des membres du plus grand groupe ethnique de Guinée, les Peul. Leurs journaux font de plus en plus souvent référence à la ‘haine’ perçue de la part du président Condé contre les Peul, qui représentent environ 40% de la population de Guinée.

Tout cela est de près ou de loin en rapport avec les mesures gouvernementales prises contre les traders et les agents de change, qui sont pour la plupart des Peul. Jouer à la victime est un atout politique et on peut reconnaître au crédit de Diallo le fait qu’il ne soit pas parti. Tout du moins pas encore. Mais le danger de voir quelqu’un venir et faire un coup à la Milosevich est bien réel. Vues sous cet angle, les violences d’avril représentent un désastre en termes de relations publiques qui pourrait dégénérer encore plus loin.

Danger
Le leader de la société civile Aziz Diop, récemment décédé, affirmait que tout cela devait cesser. "Tout ce débat sur l’ethnicité n’a aucun sens. Il masque les véritables questions : comment établir un Etat qui fonctionne, comment garder la relation entre l’argent et la politique. En résumé : comment s’attaquer à la corruption."

Juste après son inauguration, le président Condé a affirmé à un journal sénégalais qu’il avait hérité d’un pays, pas d’un Etat. Aziz Diop était d’accord : "Vous ne pouvez pas effacer 52 ans de mauvaise gouvernance en quelques mois", disait Diop. "Ce gouvernement doit tout faire en même temps : combattre la corruption, construire de nouvelles infrastructures, apporter les services de base. La démocratie reste très fragile ici. Et, n’oubliez pas l’autre danger : si les choses tournent vraiment mal, l’armée interviendra à nouveau."

Une violence alimentée par une rhétorique toxique est un parfait prétexte à un tel mouvement. C’était la grande crainte d’Aziz Diop :"Nous avons fait tout pour faire partir les soldats, nous devrions être prudents et ne plus les faire revenir…"

C’est pourquoi une communication efficace de la part du gouvernement est si importante, affirmait Aziz Diop. "Le président Condé doit engager un dialogue national sur les problèmes de tous, afin que nous, Guinéens, puissions comprendre que nous avons à vivre ensemble dans ce pays."

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article