C'est la veillée d'armes électorale pour le peuple guinéen! A l'avant-veille de ce scrutin de tous les espoirs, prévu pour le dimanche 27 juin 2010, la Guinée, mais aussi l'Afrique et
la communauté internationale retiennent leur souffle. Au-delà des opérations électorales de dimanche prochain, la classe politique aura-t-elle à coeur, au sortir des urnes, de gérer avec élégance
la délicate période postélectorale?
La question mérite d'être posée. Et même d'être tranchée, au regard du long chemin de croix subi par les vaillantes populations de la Guinée. Des populations qui auront vécu le martyre, depuis
l'indépendance arrachée en 1958, et qui n'auront eu de cesse d'appeler à un nouvel ordre politique et social, à une démocratisation agissante dans leur pays. C'est donc, sans doute, dans une
sorte de pacte républicain, qui tire les leçons du passé pour bâtir demain, au mieux des aspirations du plus grand nombre, que les Guinéens devraient aller chercher, au lendemain de ce scrutin
majeur, réconfort et espoir.
Un espoir qui est pourtant déjà là, manifeste. Le simple fait de la tenue de cette élection présidentielle, après les mille et une péripéties qui ont jalonné le parcours, notamment des deux
dernières années, constitue une belle victoire sur la fatalité. Cette cruelle fatalité de 52 ans, où la longue marche vers le Golgotha guinéen n'a été qu'une succession infinie de rendez-vous
manqués avec l'histoire, d'espérances vite éteintes, de sursauts mort-nés. Tour à tour, Ahmed Sékou Touré et Lansana Conté ont, malheureusement, trucidé l'espoir et conduit la Guinée dans un
abîme incommensurable, dans un désastre moral, politique et social indescriptible. Et la transition militaire qui s'est enclenchée après, allumant dans les coeurs, la flamme d'une renaissance
retrouvée, s'est, elle aussi, fourvoyée, au point de se discréditer, le 28 septembre 2009, dans une tuerie innommable, qui restera encore longtemps dans les esprits.
Dimanche prochain, c'est toute la Guinée qui, après avoir longtemps pleuré, se mettra résolument debout, comme le «vaillant homme» de Aimé Césaire, pour dire dans les urnes: «Trop, c'est trop!
Ça suffit!» Quelle émotion pour ce peuple, privé pendant tout ce temps d'élections véritables, d'accomplir, cette fois-ci, son devoir civique sans connaître a priori, le nom de son futur
président! Pour la première fois en 52 ans, en effet, les électeurs guinéens comptent participer à un scrutin libre et transparent, où des candidats multiples ont fait valoir leurs atouts au
cours de la campagne et attendent, eux aussi, peut-être un peu fébrilement, le verdict des urnes. Oui, dira même Rabiatou Serah Diallo, présidente du Conseil national de transition, «le peuple
attend cette élection»!
Et il faut bien croire qu'il n'est pas le seul, le peuple guinéen! L'Afrique, la communauté internationale attendent, avec un espoir évident, que cette élection finisse de solder les comptes avec
le passé si traumatisant, au plan politique, de la Guinée. Cependant, il faut savoir garder les pieds sur terre et la tête bien accrochée sur les épaules, pour se rende bien vite à l'évidence que
passée l'étape des urnes, et dans la mesure où la période postélectorale sera bien gérée, sans heurts majeurs, ni retournements regrettables, le plus dur restera toujours à faire. Il faut espérer
que tous, acteurs politiques et populations, investisseurs et leaders de la société civile... accompagneront efficacement ce pays tant meurtri, pour l'arracher définitivement des griffes de
l'aventurisme politique. De la fatalité.