29 Octobre 2011
La Guinée
équatoriale va nommer le fils de son président Teodoro Obiang diplomate à l'Unesco, un homme visé par une plainte dans l'enquête pour «détournement de fonds publics» visant des richesses détenues en France par plusieurs dignitaires africains.
Cette nomination est annoncée sur le site officiel du gouvernement, qui précise que Teodoro Nguema Obiang Mangue conservera ses fonctions actuelles de ministre de l'Agriculture et des Forêts
quand il deviendra délégué permanent adjoint à l'Unesco, agence de l'Onu chargée de l'éducation, de la science et de la culture.
L'Unesco n'a pas encore eu de notification officielle, dit une porte-parole à Paris. Cette décision, matérialisée dans un décret équato-guinéen du 13 octobre, est intervenue une semaine après le
dépôt par l'ONG anti-corruption Transparency d'une nouvelle plainte dans l'affaire dite des «biens mal acquis»
Transparency vise des faits apparus dans une note des Douanes de mars 2011 selon laquelle le fils du président équato-guinéen a affrété en 2009 un avion ayant fait escale en France avec à son
bord 26 voitures de luxe (dont sept Ferrari et cinq Bentley).
Certaines de ces voitures ont été saisies par la justice à Paris fin septembre. Tracfin, la cellule anti-blanchiment du ministère de l'Economie, a par ailleurs informé la justice que Teodoro
Obiang fils a dépensé 18 millions d'euros lors de la vente aux enchères de la collection d'Yves Saint-Laurent et de Pierre
Bergé en mars 2009.
Transparency contourne par cette plainte l'opposition du parquet de Paris, lié statutairement à l'exécutif, à des poursuites sur ces faits. Après quelques semaines de procédure, le juge
d'instruction Roger Le Loire aura la possibilité de se déclarer compétent et d'enquêter contre l'avis du procureur.
La question juridique d'un possible interrogatoire de Teodoro Obiang fils se posera même s'il dispose d'un passeport de l'Unesco. En effet, si ce passeport lui confère une immunité diplomatique,
elle ne vaut que pour les faits postérieurs à la délivrance du document, selon la jurisprudence française.
Dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, le passeport diplomatique de l'Unesco fourni au vendeur d'armes Pierre Falcone en 2003 n'a ainsi pas empêché la justice
française de le condamner et de l'envoyer en prison plus de deux ans.
Sans précédent en Europe, la procédure conduite par le juge Le Loire vise les biens détenus en France par les familles des chefs d'Etats Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou N'Guesso
(Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang (Guinée équatoriale), suspectés d'avoir dérobé l'argent public.
Contre l'avis du parquet, la Cour de cassation, plus haute juridiction française a jugé en 2009 la plainte de Transparency recevable, ce qui suscite des incidents diplomatiques avec les régimes
de pays producteurs de pétrole, stratégiques pour Total et la diplomatie française en Afrique.
Une première enquête en 2007 avait recensé 39 propriétés immobilières de luxe et 70 comptes bancaires détenus par la famille Bongo et ses proches, 24 propriétés et 112 comptes bancaires pour la
famille Sassou N'Guesso, ainsi que des limousines de luxe achetées par la famille Obiang. Le juge Le Loire a fait depuis d'autres découvertes.