14 Septembre 2010
Que penser de la Guinée ? La visite le 26 août 2010 du président intérimaire, Sékouba Konaté, à Ouagadougou, suivie dans la foulée, le 3
septembre, de la signature du protocole de bonne conduite par les deux challengers, avait fait penser que ce pays reprendrait une vie politique normale.
“L’affaire semblait calée au palais de Kosyam, malgré l’atmosphère délétère qui régnait entre les deux adversaires. Mais voilà qu’à peine le facilitateur Blaise Compaoré a eu le dos tourné qu’on
s’est méticuleusement attelé à froisser la feuille de route. L’article 3, alinéa 1 du protocole, stipule que “les présidents de l’UFDG et du RPG mettront tout en œuvre pour assurer la discipline
et l’ordre dans les rangs de leurs militants et sympathisants tout au long du processus électoral et pour éviter tout débordement susceptible de compromettre les opérations électorales”.
Oubliés, ces vœux pieux, car depuis le 10 septembre dernier, un macchabée sépare désormais les deux candidats. Que ce soit les ouailles
de Dalein, qui sont allés au QG de Condé et où il y eut mort d’homme, ou vice versa, ce qui est certain, c’est que c’est déjà un mort de trop. En circonscrivant rapidement ces affrontements
meurtriers, le pouvoir transitoire a bien pris le taureau par les cornes.
Les deux candidats vont-ils fumer le calumet de la paix et laisser les populations voter librement ? Sera-ce une élection sans tension ? La Force de sécurisation du processus électoral (FOSSEPEL)
sera-t-elle à la hauteur de la tâche à elle confiée ? Ou vont-ils carrément se transporter dans la capitale burkinabè pour colmater les brèches ? Car le tout n’est pas de se rencontrer. Seul le
comportement sur le terrain importe.
Finalement, une grande question demeure : la date du 19 septembre est-elle tenable ? Si oui, le risque qu’on sorte l’artillerie lourde pour proclamer les résultats est très élevé. Au-delà de tous
ces questionnements, il est à craindre une chose : si le processus électoral guinéen capote, ce pays pourrait mettre des décennies à retrouver la voie de la normalisation.
Les Guinéens auraient alors manqué de saisir l’une des rares chances que de nombreux pays de la sous-région souhaitent avoir : hériter d’un président militaire qui souhaite rapidement retourner
dans les casernes. Dans une Afrique atteinte d’épidémie de coups d’Etat, les putschistes qui ont emboîté le pas à ATT, le président malien, sont rarissimes, pour ne pas dire inexistants.
Or Sékouba Konaté est (trop) pressé de se débarrasser de ce qui ressemble à une camisole de force, c’est-à-dire le petit palais de Boulbinet, où vraisemblablement il se sent à l’étroit. Il ne
reste plus aux Guinéens qu’à confier de façon souveraine leur destin à l’un de leurs compatriotes. Hélas ! jusqu’à preuve du contraire, ils s’en sont montrés incapables, préférant demeurer dans
l’Etat d’exception. C’est désespérant pour un peuple martyr !