23 Novembre 2010
Le Premier ministre de transition en Guinée,
Jean-Marie Doré, s'en est pris verbalement au correspondant de l'AFP et de RFI à Conakry, Mouctar Bah, l'accusant
publiquement, dans une allocution à la télévision nationale diffusée lundi soir, d'avoir "violé la loi" guinéenne.
"M. Mouctar Bah a dit ce matin
sur RFI que les manifestations de loubards ont été réprimées dans le sang. Je regrette profondément que M. Bah, que je croyais un journaliste professionnel qui a le contrôle de son langage et
de
ses émotions puisse se laisser
aller par le virus du parti pris exacerbé pour violer la loi", a déclaré M. Doré à la RTG (Radio-télévision guinéenne).
"Ce qu'il a dit est une
violation de la loi, parce qu'il ne peut pas montrer dans un quartier de Conakry la mare de sang", a-t-il ajouté.
Dans une intervention sur RFI
lundi, au sujet de la procédure devant conduire à la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle, M. Bah avait rappelé que les manifestations ayant suivi l'annonce des résultats
provisoires de la présidentielle avaient été "réprimées dans le sang".
Ces résultats avaient donné vainqueur Alpha Condé (52,5%) face à Cellou
Dalein Diallo (47,5%).
Les violences post-électorales
ont fait au moins sept morts, dont cinq auraient été victimes de tirs des forces de l'ordre, selon un bilan de l'AFP, des ONG ayant évoqué 10 à 12 morts.
Une source médicale dans le
principal hôpital de Conakry a fait état d'au moins 326 blessés et quatre morts rien que dans la capitale.
L'état d'urgence avait été
instauré le 17 novembre pour rétablir le calme.
Le Premier ministre a réitéré ses accusations contre le journaliste, mardi, au cours d'un entretien accordé, à leur demande,
aux envoyés spéciaux de l'AFP et RFI, qui entendaient protester contre ses propos et signaler qu'ils
pouvaient avoir des conséquences graves pour l'intégrité physique de M. Bah.
M. Doré a de nouveau accusé M.
Bah d'avoir parlé "d'un bain de sang" et d'avoir un comportement "anti-national", en lui demandant de "réfréner son esprit partisan", sous peine de poursuites "devant les
tribunaux".
Dans son intervention sur RFI,
Mouctar Bah avait dit: "La proclamation lundi dernier des résultats provisoires par la Céni (Commission électorale nationale indépendante) a déclenché une vague de violences à Conakry et quelques
villes de l'intérieur du pays, fiefs de Cellou Dalein Diallo, réprimées dans le sang".
Interrogé sur les garanties de
sécurité qu'il envisageait de donner à M. Bah, Jean-Marie doré a répondu: "Ce n'est pas à moi de garantir sa sécurité".
Mouctar Bah est le
correspondant de l'AFP et de RFI en Guinée depuis 1996.
Le 28 septembre 2009, il était
présent dans le stade de Conakry au moment du massacre de plus de 150 opposants par des militaires qui l'avaient menacé de mort. Il avait dû fuir la Guinée avec sa famille pendant quatre
mois.