8 Juin 2010
Alors que les élections sont prévues dans le pays le 27 juin, de nombreux Guinéens ont du mal à panser leurs plaies ouvertes lors du massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, la capitale, espérant un transfert du dossier à la Cour pénale internationale (CPI).
La plupart des victimes estiment que la procédure devant permettre la traduction de leurs bourreaux devant la CPI, traîne et risque de prendre encore du temps.
En mai dernier, une mission de la CPI a jugé «encourageants» les progrès accomplis dans une nouvelle enquête nationale sur le massacre qui avait fait au moins 150 morts et une centaine de femmes violées, après un appel de l'opposition à manifester contre la candidature à la présidentielle du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara.
Deux mois plus tard, Dadis Camara a été victime d'un attentat en décembre 2009 et l'intérimaire, le général Sékouba Konaté semble décidé à remettre le pouvoir aux civils afin que les poursuites judiciaires dans le dossier du massacre du 28 septembre puissent aboutir.
Le 1er juin, l'OGDH s'est même constituée partie civile en mobilisant un collège d'avocats internationaux pour défendre les victimes des atrocités du 28 septembre devant les tribunaux guinéens.
Mais Bah est sceptique et craint un fiasco. «La justice n'a jamais été crédible dans ce pays. Je crains que, comme par le passé, elle ne se range du côté des autorités. Mon unique espoir réside dans le transfert du dossier à la CPI», soutient-il.
Certains spécialistes estiment que la réforme de la CPI est nécessaire pour soulager plus rapidement les victimes de crimes relevant de sa compétence.
«La CPI est une sorte de résumé de toutes les justices pénales des Etats. Si son existence pour la justice internationale est reconnue, elle a du mal à bien fonctionner compte tenu de certaines pesanteurs», regrette Youssouf Sylla, un juriste basé à Conakry.
«Toutes les fois que les Etats n'ont pas exprimé la volonté politique de coopérer, la CPI n'a pu mener à bien ses actions. La loi de la compétence universelle est dans ce cas compromise. C'est pourquoi une réforme est nécessaire», explique-t-il à IPS.
Pour l'heure, plusieurs organisations de la société civile africaine et organisations internationales ont invité les gouvernements du monde entier à réviser le Statut de Rome de la CPI, à l'occasion de la conférence qui se tient à Kampala, en Ouganda, du 31 mai au 11 juin.
Quelques jours après le massacre au stade de Conakry, une première commission d'enquête nationale avait été mise en place sous l'impulsion des autorités politiques guinéennes.
«Les conclusions de cette commission composée, entre autres de magistrats, étaient peu crédibles. On a logé dans la même enseigne, bourreaux et victimes. Ce n'était pas sérieux», déplore Bah.
Les victimes de la répression du 28 septembre ne comptent, dans leur majorité, que sur la justice internationale pour dire le droit dans ce dossier qualifié de crime contre l'humanité par la CPI.
Cependant, tempère Diallo de l'OGDH, la CPI n'intervient dans une affaire que si, entre autres, l'incapacité des juridictions locales à juger l'affaire est avérée. «Nous ne pouvons pas brûler les étapes. Il faut franchir tous ces obstacles un à un avant d'arriver là-bas (à la CPI)», dit-il à IPS.
«Pour qui connaît la justice guinéenne, on ne doit non seulement pas s'attendre à grand-chose, mais aussi la procédure risque de s'éterniser», estime Bah qui souligne que la CPI est la juridiction qui inspire le plus confiance aux victimes.
Selon Barry, la CPI doit se montrer plus juste dans sa manière de se saisir des dossiers de son ressort pour engager des poursuites. «Il faut dans le Statut de la CPI obliger les Etats à coopérer, engager leur responsabilité lorsque leurs citoyens sont incriminés», souligne-t-il à IPS.
«En plus, il faut souhaiter que le protocole additionnel - sur les privilèges et immunité - qui permet aux juges de poursuivre certains citoyens, soit ratifié par tous les Etats... déjà soumis au Statut de la CPI ou non», recommande Diallo de l'OGDH.