En
Guinée, des experts en nutrition étudient des solutions pour traiter les enfants souffrant de malnutrition modérée, à l’heure où des pénuries de financements perturbent les programmes habituels
utilisant de la farine enrichie.
Au cours des derniers mois, des centres de santé locaux ont dû adresser à des installations éloignées les familles ayant besoin de mélange maïs-soja (MMS), une préparation utilisée pour le
traitement de la malnutrition aiguë modérée et fournie par les donateurs via le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.
Le PAM recherche des fonds pour maintenir les stocks de MMS en Guinée. « Nous avons récemment reçu des MMS, mais les besoins dépassent toujours l’offre », a dit à IRIN Foday Turay, responsable de
programme au PAM. Si les récents bouleversements qu’a connus le pays ont conduit certains bailleurs à se retirer, les programmes nutritionnels du PAM étaient déjà confrontés à un manque de
financement avant l’instabilité de ces derniers mois.
Des travailleurs humanitaires ont dit à IRIN que la situation actuelle reflétait le fait qu’il est globalement difficile d’attirer des financements humanitaires en Guinée, et soulignait la
nécessité de trouver des solutions alternatives de long terme.
« La rupture d’approvisionnement du PAM est représentative des problèmes auxquels sont confrontés tous ceux qui essaient de lever des fonds [humanitaires] pour la Guinée », a dit à IRIN Reza
Kasraï, chef de mission d’Action contre la Faim Espagne (ACF-E) en Guinée.
« Nous sommes dans un no-man's land entre un pays politiquement stable, auquel les bailleurs voudraient accorder des fonds de développement, et une situation d’urgence pure et dure, où les
bailleurs humanitaires donneraient sans tenir compte de la situation politique. »
Solutions provisoires
Les ruptures de financement et d’approvisionnement forcent les organisations humanitaires et le ministère de la Santé à se tourner vers des solutions temporaires – par exemple, utiliser des
aliments thérapeutiques destinés à traiter la malnutrition aiguë sévère – mais une stratégie plus durable est nécessaire, disent les experts en nutrition.
Lorsque les stocks de MMS ont été épuisés, ACF a utilisé du Plumpy'nut pour certains cas de malnutrition modérée, a dit M. Kasraï.
« Il y a des solutions provisoires. Utiliser du Plumpy'nut pour [des cas de] malnutrition aiguë modérée n’est pas prévu par le protocole national [de traitement de la malnutrition], et le fait que
le produit soit disponible ne signifie pas que c’est une solution à long terme. » Ce produit est plus cher que les aliments utilisés pour traiter la malnutrition aiguë modérée, a-t-il dit.
Les travailleurs de la nutrition en Guinée débattent de la viabilité de l’utilisation du Plumpy'nut pour les cas de malnutrition modérée lorsque le besoin s’en fait sentir ; une autre solution
discutée serait d’utiliser des aliments locaux, préparés spécialement pour les besoins nutritionnels des enfants.
« Les solutions provisoires sont sans doute mieux que rien, mais un plan est nécessaire pour garantir des financements adaptés pour l’approvisionnement en MMS, ainsi que l’accès aux fonds de
contingence pour atténuer l’impact des pénuries de MMS », a dit à IRIN Sheryl Martin, d’Helen Keller International (HKI) en Guinée.
« Nous sommes tous frustrés par le manque de financements, et nous faisons du mieux que nous pouvons à court terme. »
Approche intégrée
M. Kasraï, d’ACF-E, a dit qu’il était important d’adopter une approche intégrée – en ayant recours non seulement à des aliments thérapeutiques, mais aussi à des programmes visant à répondre aux
principales causes de sous-nutrition en Guinée, en renforçant les moyens de subsistance de la population, en encourageant les bonnes pratiques en matière d’allaitement et de sevrage, et en
améliorant l’hygiène domestique et l’accès aux services de santé, à l’assainissement et à l’eau potable.
D’après lui, il existe une tendance de plus en plus forte à la prise en charge de la malnutrition aiguë modérée au niveau de la communauté ou même du foyer, ce qui pourrait réduire la forte
sollicitation des centres de santé. « Le défi est de trouver un moyen fiable de garantir que les enfants souffrant de malnutrition modérée [bénéficient] chez eux d’une alimentation enrichie [en
vitamines et autres micronutriments] et à forte teneur en calories. »
D’après une enquête nutritionnelle menée en janvier 2010 par ACF-E dans la commune de Matoto à Conakry, le taux de malnutrition aiguë global est de 7,3 pour cent, et le taux de malnutrition aiguë
sévère d’1,6 pour cent, a-t-il dit.
« Ces pourcentages ne sont pas alarmants, mais si on regarde les valeurs absolues, on parle d’environ 10 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë – et cela ne concerne qu’une seule des cinq
communes de Conakry. »
Dans la commune de Dixinn à Conakry, des travailleurs humanitaires menant une enquête nutritionnelle au mois de janvier ont rencontré une petite fille de quatre ans malnutrie. Son père est sans
emploi, et sa mère, qui tient un petit commerce, peine à joindre les deux bouts.
« Parfois, il se passe plusieurs jours sans que je prépare un vrai repas », a dit Fatoumata Keita, la mère, à IRIN. Elle a dit qu’elle donnait souvent de la quinine à sa fille pour soulager ses
douleurs d’estomac.
Selon la dernière
enquêtenutritionnelle mensuelle à Conakry – menée par HKI et le ministère de la Santé –, la malnutrition aiguë modérée chez les enfants de moins de cinq ans est
passée de 3,8 pour cent en janvier à 5,5 pour cent en février.