27 Juillet 2010
Des hommes d’affaires s’activent en coulisses avant la finale de l’élection présidentielle entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé.
Les deux vainqueurs du premier tour divergent sensiblement sur les questions économiques : Alpha Condé, du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), opposant de toujours formé à l’école socialiste, prône un développement basé d’abord sur l’agriculture, avec une forte intervention de l’État. Cellou Dalein Diallo, de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), opte pour un régime plus libéral et une large ouverture aux investissements étrangers, notamment dans les mines.
Mais le soutien des chefs d’entreprise aux candidats découle rarement d’une analyse approfondie des programmes. Plus déterminants sont les liens tissés dans les milieux politiques sous Lansana Conté et Dadis Camara, voire l’appartenance ethnique. « Les opérateurs économiques ne se sentent rassurés que par un fils de leur terroir », regrette un membre du Conseil national de transition.
À Conakry, Cellou Dalein a le soutien de la plupart des Peuls, qui contrôlent une bonne partie du commerce. Parmi eux, les plus zélés promoteurs du candidat natif du Fouta-Djalon sont les importateurs Sadakadji Diallo (qui a été de tous les meetings de l’UFDG), Alsény Barry et Alpha Amadou Diallo – qui l’ont accueilli avec faste dans leurs fiefs de Labé et Mamou. « Ils ont acquis une position privilégiée sous Conté en obtenant les contrats avantageux de l’armée et de l’État, analyse un commerçant libanais de Conakry. Ils les ont conservés sous la junte. Ils connaissent Cellou Dalein Diallo, qui était Premier ministre de 2004 à 2006, et se disent qu’il sera plus arrangeant que le “professeur”, qu’ils ont peu croisé et qui a la réputation d’être intransigeant ».
Ces trois barons de l’ère Conté sont régulièrement décriés par les supporteurs des autres partis. Quitte à colporter de fausses nouvelles à leur sujet : le 2 juillet, des sites internet hostiles à l’UFDG annonçaient l’arrestation de Sadakadji Diallo pour « fabrication d’un million de fausses cartes d’électeurs »… Une information démentie le lendemain par le gouvernement de transition.
Des personnalités à la fortune plus récente soutiennent également Cellou Dalein. Parmi elles, le grossiste de cigarettes Lamine Baldé, surnommé « Parisien », et l’importateur de véhicules Djouldé Diallo, dont les affaires ont prospéré sous la junte.
Les Libanais restent neutres
Le camp d’Alpha Condé est plus clairsemé. L’importateur de motos Kabiné Sylla, alias « Bill Gates », a ainsi financé le siège de la campagne du RPG à Conakry. « Alpha Condé est le seul qui n’ait jamais accepté la compromission. C’est d’abord un homme de principes », plaide l’homme d’affaires, malinké comme son candidat, rejetant l’accusation d’ethnocentrisme. Un négociant en pierres précieuses indique pour sa part que « les diamantaires [en majorité malinkés, NDLR] soutiennent presque tous Alpha Condé ».
Le candidat du RPG pourrait aussi se rapprocher de l’ancien patron des patrons, Mamadou Sylla, candidat malheureux au premier tour, en froid avec Cellou Dalein dont il avait favorisé l’éviction de la primature en 2006.
Enfin, il peut compter sur le soutien d’opérateurs économiques de la diaspora et d’amis politiques à l’étranger, qu’il a côtoyés à la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, ou dans ses fonctions de représentant en Afrique de la société Sucres et Denrées : c’est notamment le cas de Tierno Barry, industriel guinéen installé à Luanda.
Malgré la bipolarisation des soutiens, les Libanais, qui jouent un rôle majeur dans l’immobilier et l’import-export, mais aussi un grand nombre d’autres patrons, préfèrent ne pas afficher leurs préférences. Kerfala Person Camara, alias « KPC », proche du président Konaté et PDG de l’entreprise de BTP Guicopres, que la rumeur disait partisan d’Alpha Condé, s’est ainsi fendu d’un communiqué proclamant sa neutralité. En période d’élection, mieux vaut rester prudent… et ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.