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La Guinée nouvelle

Guinée : Quelques mots encore avant le 24 octobre 2010

Un de nos compatriotes avait judicieusement écrit que si vous voulez cacher quelque secret aux Guinéens, mettez-le par écrit dans un livre. Autrement dit, et j'extrapole peut-être, ceux qui en retiendront quelque chose, s'en tiendront à un ou deux mots.

A observer le cours des choses, on se dit: voici, un compatriote fin connaisseur de notre peuple. On peut vérifier sa remarque à tout instant: discussions, réactions à des textes écrits, etc. C'est peut-être cet état d'esprit qui a fait des Guinéens, durant 52 années, contrairement aux apparences, un peuple taillable et corvéable à merci. Toujours prêt à suivre, sans méfiance, n'importe quels boniments de de bateleurs, leur promettant la lune pour demain. Mais il faut que quelques uns continuent d'écrire pour ouvrir les yeux à un plus grand nombre.

Pour le 2e tour de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 24 octobre, s'il n'y a pas à nouveau de report, il me reste à dire quelques mots que je crois devoir dire si nous, Guinéens, voulons vraiment des changements en Guinéens, non pas dans les mots, mais dans les faits.

Le changement dont tout le monde se gargarise ne peut se réaliser que par une rupture avec les méthodes de gouvernance passées fondée sur la manigance et le mensonge et ce n'est pas parce qu'on n'y a pas participé qu'on peut échapper à la culture politique ambiante.

Aux méthodes et au comportement que j'observe depuis quelque temps de cette campagne électorale (et même avant), il ne me paraît pas que le changement, celui que le peuple souhaite, viendra de l'Association de l'Arc-en-Ciel d'Alpha Condé. Les comportements seigneuriaux s'y observent; semble-t-il, plus qu'ailleurs. Je vais m'expliquer là-dessus. Mais auparavant des observations s'imposent.

Chacune des deux alliances en compétition (celle d'Alpha Condé et celle de Cellou Dalein Diallo) a établi un projet de société sur une énumération de nombreux thèmes conduisant à un catalogue qui ne donne satisfaction qu'à ses concepteurs. La situation morale et matérielle de la Guinée d'aujourd'hui n'avait pas besoin de projets-modèles de société que des spécialistes vendent de l'Amérique latine-Caraïbes à l'Asie en passant par l'Afrique. Les modèles présentés seront rarement réalisés à 30% en Guinée, dans l'hypothèse optimiste. Telle est la critique d'ensemble.

Comme toujours, tous ceux ou presque, qui grouilleront autour du pouvoir nouvellement constitué seront, comme d'habitude, en général happés par l'hédonisme, c'est-à-dire par la doctrine qui fait de la recherche du plaisir (personnel) le fondement de la morale donc de l'ensemble des valeurs de la vie sociale. Et plus le Président aura mis du temps pour accéder au pouvoir, plus il aura tendance à « couvrir » les méfaits de son entourage pour se maintenir en place.

En outre, sa longue période d'opposition politique qui apparaît toujours, aux yeux de certains comme un titre de gloire, constitue psychologiquement pour lui, une justification de s'accrocher et de s'approprier le pouvoir par diverses manœuvres. Cela est encore une réalité sur notre continent où des instruments juridiques de paille arrêtent rarement les abus. Sur ce point Alpha Condé présente plus de risque que Cellou Dalein Diallo.

Un exemple de ce type d'évolution est donné en Afrique de l'Ouest par M. Abdoulaye Wade, actuel Président d'un pays présenté longtemps comme un modèle de démocratie en Afrique: le Sénégal. Après une très longue opposition politique, M. Wade accède au pouvoir à 74 ans en 2000. Depuis cette date, il a nommé cinq Premiers Ministres, quatre Présidents d'Assemblée nationale, plus d'une centaine de ministres dont certains ne sont restés que quelques mois. Il a promu dans l'armée, plus de généraux pendant sept ans que ses deux prédécesseurs Senghor et Abdou Diouf, pendant 40 ans de 1960 à 2000. Il a bouleversé des traditions de l'armée la plus républicaine de l'Afrique de l'Ouest en nommant un commandant des pompiers au grade de général, un chef d'état major particulier du Président de la République, issu de la gendarmerie, un général nommé à l'intendance. Depuis son arrivée au pouvoir, le Président a plusieurs fois modifié la constitution, sans consultation ni validation des chambres parlementaires. L'univers politique est devenu instable avec des allées et venues entre partis politiques. L'économie se dégrade d'année en année. Au début de son deuxième mandat, à partir de 2007, le vieux Président de 80 ans avait annoncé qu'il ne briguerait pas un troisième mandat en 2012. Mais comme cette date approche, Il vient d'annoncer qu'il sera candidat. Des spéculations laissent entendre que son fils Karim Wade pourrait être candidat après avoir été battu à l'élection de la Mairie de Dakar en mars 2009. Il a tout de même été consolé par le poste de Ministre d'Etat (coopération internationale, aménagement du territoire, transports aériens et infrastructures) auxquels s'est ajoutée l'énergie à la formation du nouveau gouvernement du 6 octobre 2010 (voir Wikipédia).

Ce type d'abus ne pouvait arriver qu'à un homme qui avait longtemps trimé dans l'opposition pour se remettre de ses ressentiments. Cela est tout simplement affaire d'homme, qu'il soit militaire ou intellectuel.

Alpha Condé n'est pas Abdoulaye Wade, mais ce rappel d'un homme longtemps assoiffé de pouvoir peut faire réfléchir quelques-uns. Les Guinéens ont, du reste déjà eu des exemples d'hommes assoiffés de pouvoir et qui l'ont abusé jusqu'aux limites imaginables. Sékou Touré avait mené une longue opposition difficile et courageuse contre le colonisateur français pour la liberté et la dignité des Guinéens. A part une minorité de profiteurs nostalgiques, on sait quel mal il a causé à la Guinée, une fois au pouvoir, pendant 26 ans (1958-1984). Ce fut ensuite, le long tour d'attente d'une opposition silencieuse: celle de l'Armée guinéenne maintenue dans la misère de casernes délabrées, dans la résignation et l'envi de tant de choses. L'aboutissement en fut la prise du pouvoir pour en abuser et en profiter comme un propriétaire, encore 26 ans (1984-2010).

Ce que l'on ne devrait plus accepter en Guinée pour accéder au pouvoir, c'est la force des armes (dès que Dadis est arrivé, tout le monde ou presque, l'a appelé M. le Président ou le Père de la Nation) ou encore la glorification de leaders politiques ne se réclamant que leur longue opposition aux pouvoirs en place. C'est le sentiment qu'ils peuvent donner aux citoyens qu'ils sont les meilleurs pour la gestion du pays qui doit prévaloir. Les Guinéens qui manquaient d'expérience au départ des 52 années écoulées, semblent toujours se complaire avec le même engouement, à suivre certains leaders qui n'ont rien prouvé de concret. Les mots d'ordre mobilisateurs qu'ils reçoivent, leur suffisent de « sésame ouvre-toi! » pour des lendemains qui vont chanter. Et c'est souvent le contraire qu'on a constaté.

Il faut que je rappelle ici une expérience qu'était venue à se faire, avec amertume, une ancienne communiste française militante ardente, après les invasions soviétiques de la Hongrie en 1956, de Tchécoslovaquie en 1968 et d'autres faits. Elle écrit : « Comment on s'obstine, comment on s'accroche au confort moral que donne une vision du monde (à venir), où chaque évènement trouve sa place, son étiquette, entre la contradiction principale et les contradictions secondaires...Comment, à chaque tournant de l'Histoire, à chaque échec des prévisions (?), on retrouve l'espoir du changement fondamental, ligne d'horizon qui se déplace à mesure qu'on avance. Et comment tout peut s'effondrer sous le coup du réel, vous acculant au dilemme: accepter de continuer, cette fois les yeux ouverts (et sachant tout), ou s'arracher à ce qui était ? votre vie. »( cf Dominique Desanti ? Les Staliniens, une expérience politique, 1944-1956 ; Fayard, Paris 1975)

Je ne compare pas des Guinéens d'aujourd'hui à des marxistes des années passées. Mais sans aucun appel au bon sens, un grand nombre croit à des affirmations d'activistes sans foi ni loi.

Après la longue opposition du leader de RPG, Alpha Condé, je ne crois plus qu'il soit, présent, le leader idoine pour les changements à réaliser en Guinée. A part Lansana Kouyaté, son entourage de l'Arc-en-Ciel me paraît inconsistant. Et dans le passé, tous ceux de quelque trempe exceptionnelle, semble-t-il, qui ont voulu relever la tête au sein du RPG, ont fini par prendre la porte. Si c'est ce qu'ils ont appelé de l'autoritarisme. Ce n'est pas un bon signe pour une Guinée à reconstruire. Il ne faut pas non plus oublier le fait primordial que j'ai cité en rappelant l'exemple d'Abdoulaye Wade, à savoir que la longue quête du pouvoir et son obtention donne psychologiquement le profond sentiment d'un objet pour soi et de se l'approprier aussi longtemps possible par tous les moyens dont un chef d'Etat africain peut disposer. C'est comme un dû qu'on devait recevoir. Un juriste de haut niveau tel que Maître Wade, Président du Sénégal se joue de la Constitution comme il veut.

Après une longue attente du pouvoir et les frustrations qui en ont résulté, Alpha Condé plus que Cellou Dalein peut avoir le sentiment d'appropriation sur la Guinée. Ce sentiment, il peut le juger légitime, le pouvoir découlant des efforts qu'il a déployés pendant de longues années;

Voilà où réside le danger pour les Guinéens. Cellou Dalein Diallo ne peut, de toute évidence, pas se réclamer de l'itinéraire de son concurrent pour rêver à un schéma de pouvoir bâti sur les mêmes faits d'armes (de lutte politique, puisque nous ne sommes pas en guerre) du vieux combattant et c'est plus rassurant. De toutes les façons, une équipe aussi compacte que celle qu'il constitue avec Sidya Touré, Abé Sylla, Fodé Mohamed Soumah, Mamadou Baadikho Bah, Charles Pascal Tolno et d'autres, ne peut pas admettre une dérive autoritaire du Président Cellou Dalein dont ils constituent l'Alliance.

Les choses étant ce qu'elles sont, c'est cette Alliance Cellou Dalein Diallo qu'il faudra que les Guinéennes et les Guinéens élisent massivement dans toute la Guinée. C'est elle qui conduira sur la voie du changement.

N'est-ce pas le souhait ardent de chaque Guinéenne et chaque Guinéen, aujourd'hui? Et pourtant la rumeur court qu'en relation avec l'imbroglio de la Présidence de la CENI, l'Alliance Cellou Dalein Président pourrait boycotter le rendez-vous du 24 octobre. Cela constituerait une erreur monumentale.

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