2 Novembre 2010
Monsieur Kourouma,
ALPHA CONDÉ POUVAIT GAGNER SANS PROBLÈME, MAIS...
Nous avons eu des échanges téléphoniques en 2009, autour de vos articles sur Capitaine Dadis Camara et la Guinée. Je le dis tout simplement pour le souligner aux lecteurs.
Comme vous, j'estimais que les élections en Guinée étaient prématurées et qu'il aurait fallu commencer par les législatives, qui auraient pu être jumelées aux communales, avant d'arriver à la présidentielle. Sans le CNDD et Dadis Camara ; après les audits...
Des analyses pertinentes peuvent aider votre candidat ; mais lorsqu'elles sont bâties sur des arguments ethniques, réligieux, etc., elles nuisent à votre candidat.
Si 1000 personnes sont regroupées devant Alpha Condé, je suis certain qu'il saura me reconnaître dans le lot. Nous nous connaissons depuis mai 1986, à Dakar (Sénégal). Nous avons communiqué la dernière fois en mai dernier, lorsqu'il partait en Guinée pour la campagne du 1er tour. Avec lui, j'ai eu des discussions sur la situation sociopolitique guinéenne plus qu'avec n'importe quel autre leader politique.
Cellou Dalein Diallo est mon lointain cousin côté maternel et par alliance, un beau frère. Il m'a reçu 2 fois : la première en Guinée et l'autre ici à Montréal. Si vous mettez devant lui 5 personnes, dont 3 peulhs, je ne suis pas sûr qu'il me reconnaîtrait.
Dans ma famille, il y a des gens de l'alliance formée autour du RPG et les autres de celle de l'UFDG. Certains ont voté Sidya Touré, d'autres Cellou Dalein Diallo, d'autres encore Alpha Condé... et Ibrahima Abé Sylla. Mais pas pour Lansana Kouyaté (qui a saboté les acquis des luttes populaires contre Lansana Conté), encore moins pour Mamadou Sylla (qui a ruiné les finances publiques guinéennes) et les autres nouveau venus, grâce au CNDD et à Moussa Dadis Camara.
A la veille du 2ème tour, il y a bien des choses à déplorer : l'ethnicisation du débat politique, notamment de la part de ceux qui soutiennent que Cellou n'a jamais dénoncé le "maintenant c'est notre tour" ; les tensions à Siguiri, Kouroussa, Kissidougou, N'Zérékoré, etc. ; les cas d'hospitalisation, le fait que les listes électorales officielles n'aient pas été affichées.
Changer de stratégie
Alpha Condé pouvait gagner sans problème mais le fait de n'avoir pas su se mettre au dessus de la mêlée au lendemain des résultats du 1er tour et d'avoir battu campagne plus en Forêt et en Haute Guinée, qui ne totalisent que 30 pour cent de l'électorat pourrait constituer le handicap à sa victoire.
Après le premier tour, même si Alpha Condé n'avait pu rallier Sidya Touré et Abé Sylla, plutôt que de constituer une alliance de partis insignifiants, animés par des personnes identifiées au nombre de celles qui ont le pays à terre, il aurait chercher à ratisser large en disant par exemple : Moi Alpha Condé, si je suis élu président de la République, je nommerais Sidya Touré premier ministre, charger de définir un programme socio-économique devant mettre le pays sur les rails. Je lui donnerais carte blanche pour nommer un gouvernement d'union nationale pour le développement et la justice, comprenant entre autres membres MM. Abé Sylla, président de la NGR, vu son expertise dans les affaires et ses succès aux USA et Bah Amadou Oury, vice-président et fondateur de l'UFDG, qui est un des pères du multipartisme en Guinée et qui a été un des dirigeants de ma campagne lors de l'élection présidentielle de 1998. Ce message aurait porté partout, de Kassa à Yomou.
C'est en partie ce que j'ai expliqué, en septembre dernier, lors d'une réunion de l'Alliance arc-en-ciel à Montréal. A cette occasion, j'ai dit que Alpha Condé devrait battre campagne au Foutah et en Basse côte où se trouvent 70 pour cent de l'électorat. C'est donc là qu'il devrait concentrer ses efforts, notamment à Conakry où l'UFDG domine. Bien des événements l'ont démontré depuis plus d'un an.
Si la liste des électeurs est la même que celle du 1er tour, avec les nouveaux bureaux de vote, et que l'Alliance Cellou Dalein Diallo obtienne seulement 65 pour cent des voix de cette région et qu'elle n'ait que 20 pour cent Haute Guinée et en Guinée Forestière, la victoire lui sera incontestablement acquise. Et ce même si les déplacés de Haute Guinée et de la Forêt n'exerçaient pas leurs droits.
Alpha Condé avait raison de ne pas se rendre à l'intérieur pour la tournée de sensibilisation. C'était au Général Sékouba Konaté et à lui seul de le faire, pour notamment, sur place, relever de leurs fonctions les autorités militaires et civiles qui n'ont pas su assumer leurs responsabilités : protéger les populations et leurs biens. Et démontrer ainsi sa neutralité et sa détermination d'organiser un 2ème tour dans la paix et l'équité.
En démocratie, il faut souhaiter le respect du verdict des urnes. C'est pourquoi je souhaite que ceux qui ont fabriqué les listes électorales distribuées par l'Alliance arc-en-ciel les retirent car elles nuisent au candidat Alpha Condé. Ces listes donnent l'impression que le candidat de l'arc-en-ciel ne pourrait gagner que si l'élection n'est ni libre (la chasse à l'électorat de l'UFDG), ni transparente (les fausses listes distribuées). De tous les 24 candidats de l'élection présidentielle en Guinée, Alpha Condé, comme je l'ai déjà écrit et dit publiquement, est le plus méritant. Mais pour gagner il n'a pas besoin de ces coups tordus. Va-t-il rectifier le tir avant le 5 novembre prochain ?
En tout cas, qu'il gagne ou qu'il perde que nul ne soit châtié. Trop de personnes et leurs familles ont déjà pleuré des enfants, des pères et des mères pour que la liberté, la justice et la paix soient une réalité en Guinée. Combien sont-elles ces personnes detenues et torturées encore dans les prisons, notamment à Conakry ?
Ibrahima Sory Baldé
Journaliste - Ancien Editeur du périodique Courrier D'Afrique
Canafnews.ca