18 Octobre 2010
La date du second tour de l’élection présidentielle en Guinée risque à nouveau d’être reportée, si la
crise qui secoue la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’est pas réglée d’ici là. Le Premier ministre, Jean-Marie Doré, convoque pour ce lundi, à Conakry, les membres de
l’institution pour tenter d’y trouver une solution sans beaucoup d’espoir.
A une semaine de la date du second tour de l’élection présidentielle officiellement annoncée pour dimanche prochain, les
incertitudes planent toujours sur l’organisation du scrutin. Les partisans de Cellou Dalein Diallo maintiennent leur menace de boycott du scrutin si le président de la Commission électorale
nationale indépendante (Ceni), Loncény Camara, n’est pas remplacé d’ici là par ‘une personnalité neutre, crédible et consensuelle’. Ce que récuse l’alliance ‘arc-en-ciel’ qui soutient la
candidature d’Alpha Condé. La Ceni, qui est censée organiser le second tour de l’élection présidentielle, est plongée depuis des mois dans une profonde crise interne aggravée par l’élection
contestée de M. Camara à la tête de l’institution.
Le Premier ministre, Jean-Marie Doré, a convoqué une réunion d’urgence avec les membres de la Ceni, pour ce lundi, pour tenter de débloquer le processus électoral en panne depuis le mois de juin dernier. ‘Le Premier ministre va essayer d’arrondir les angles entre les membres de la Ceni pour permettre l’organisation du second tour de l’élection présidentielle le 24 octobre prochain. Comme vous les savez, tout est bloqué en ce moment au niveau de la Ceni. Et cette crise interne va inéluctablement affecter la tenue du second tour de l’élection présidentielle’, a déclaré dimanche un responsable de l’Union des forces républicaines (Ufr) de l’ancien Premier ministre, Sidya Touré, contacté à Conakry. Notre interlocuteur reconnaît, toutefois, que la marge de manœuvre du chef du gouvernement, qui a publiquement affiché sa préférence pour un des candidats au second tour de l’élection présidentielle, est très étroite. C’est dire qu’à moins d’un miracle, personne ne s’attend réellement à un déblocage de la situation, à l’issue de cette rencontre convoquée par Jean-Marie Doré. D’autant plus que le président de la transition, le général Sékouba Konaté, n’a pas encore donné suite aux exigences de l’alliance ‘Cellou Dalein Diallo président’ qui réclame la tête du président de la Ceni, jugé trop proche d’Alpha Condé.
Outre le problème de légitimité, Loncény Camara a visiblement d’autres soucis à se faire. Il devra, en effet, répondre le 21 octobre prochain devant un juge d’un tribunal de Conakry de ‘fraude électorale et de rétention de procès-verbaux’. Il est accusé par le camp de l’ancien Premier ministre du général Lansana Conté d’avoir subtilisé des documents électoraux qui étaient destinés à la Moyenne Guinée, fief de Cellou Dalein Diallo et de la Guinée maritime acquise à Sidya Touré, son principal allié pour le second tour. Loncény Camara, qui est contesté par une partie des membres de la Ceni, vient par ailleurs d’essuyer un autre revers. Treize des vingt-quatre membres de l’Institution ont procédé, jeudi dernier, à l’élection d’un nouveau président de la Ceni en la personne d’El Hadj Foumba Kourouma en remplacement de Ben Sékou Sylla, décédé il y a quelques semaines à Paris des suites d’une longue maladie.
Ils ont renvoyé dos-à-dos Loncény Camara, contesté par l’alliance ‘Cellou Dalein Diallo président’, et Hadja Aminata Mame Camara, jugée trop proche de Sidya Touré par la coalition ‘arc-en-ciel’. Le nouveau président de la Ceni a été choisi de manière démocratique par ses pairs pour son profil. ‘Il est reconnu par tous, pour sa probité intellectuelle, sa neutralité politique, sa crédibilité et surtout son honnêteté. Il a été choisi en toute indépendance à cause de ses qualités intrinsèques qui font de lui un homme consensuel, capable de présider la Ceni’, déclare à ce propos notre interlocuteur.
CRISE A LA CENI : La Banque centrale de Guinée ferme le robinet
Loncény Camara finira-t-il un jour par jeter l’éponge ? C’est la question qui se pose après la décision de la Banque centrale de Guinée (Bcg) de bloquer les fonds de la Ceni. Malgré sa volonté de rester contre vents et marées à la tête de l’institution, Camara est aujourd’hui confronté à de nombreuses difficultés, notamment d’ordre financier. Il ne pourra plus, en effet, avoir accès aux fonds de la Ceni dont les 80 % sont domiciliés à la (Bcg) pour des raisons non encore élucidées. Il accuse le ministre des Finances, Kerfalla Yansané, et le Gouverneur de la Bcg, Alhassane Barry, d’être responsables de cette situation. ‘Si les élections n’ont pas lieu le 24, c’est MM. Alhassane Barry et Kerfalla Yansané qui n’ont pas accepté que la Ceni ait accès à ses fonds, domiciliés à la Banque centrale de la République de Guinée’, a-t-il déclaré vendredi dernier à Conakry lors d’un point de presse, selon un confrère guinéen joint par téléphone.
La direction de la banque centrale n’a pas encore réagi à ces accusations. Pour sa part, le ministre des Finances effectue depuis quelques jours une mission aux Etats-unis d’Amérique et ne peut donc pas être joint pour le moment. Le blocage de ces fonds pourrait, selon Loncény Camara, compromettre la tenue du second tour le 24 octobre prochain. Il demande l’intervention des autorités de la transition, avec notamment le Premier ministre pour l’aider à débloquer la situation. ‘Face à ce blocage, j’ai rencontré le Premier ministre, chef du gouvernement de la transition, pour attirer son attention sur le fait que ce blocage dans l’exécution du chronogramme du second tour. Et que s’il ne prenait pas ses responsabilités, demain ils assumeront tous la responsabilité du retard’, a-t-il ainsi expliqué aux journalistes.