3 Février 2010
Accord de Ouagadougou, organisation de la présidentielle, formation du gouvernement, rôles de Sékouba Konaté et de Dadis Camara... Le nouveau porte-parole des Forces vives guinéennes et ancien Premier ministre François Lonsény Fall livre ses impressions sur le déroulement de la transition dans son pays. Entretien.
François Lonsény Fall est pressé. Le nouveau porte-parole des Forces vives (opposition, syndicats, société civile) - largement élu à l'applaudimètre le 28 janvier face à trois autres candidats - espère que les Guinéens pourront choisir leur président au plus tard en juillet. En attendant le scrutin, le successeur de Jean-Marie Doré, également ancien Premier ministre et actuel leader du Front uni pour le changement démocratique (Fudec), livre à Jeuneafrique.com ses impressions sur les premiers pas de la transition.
Jeuneafrique.com : La transition va durer six mois. N’est-ce pas un peu court pour organiser la présidentielle ?
François Lonsény Fall : Non. On attend depuis longtemps ces élections. On en parle depuis des années et on n’a jamais eu cette possibilité. Maintenant qu’il y a une opportunité, nous voulons donner un délai court. Je crois que ce délai est raisonnable. Il faut qu’on le tienne en demandant à la Ceni [Commission nationale électorale indépendante, NDLR], au gouvernement, à tout le monde de se mettre à la tâche. Vu la situation actuelle de la Guinée, il faut aller vite et faire ces élections.
Au risque de les faire vite et mal ?
Vite et bien... (rires). C'est-à-dire que (...) nous mettrons vraiment les bouchées doubles pour qu’on puisse avoir des élections. En principe, le recensement est fait à hauteur de 85% ou 90% et le toilettage de la Constitution ne prendra pas plus de deux mois. En principe, on devrait faire des élections entre juin et juillet.
Avant qu’il soit nommé Premier ministre, Jean-Marie Doré laissait planer le doute concernant une éventuelle candidature à la présidentielle…
Jean-Marie est un pur produit des Forces vives. Il sait pourquoi nous nous sommes battus et les raisons pour lesquelles nous nous sommes retrouvés au stade du 28 Septembre : le mot d’ordre était que Dadis ne devait pas être candidat. Par ailleurs, la première mouture [de l’accord] présenté par le président Compaoré indiquait que le chef de la transition devait se démettre quatre mois avant les élections – ce que nous avons rejeté. Jean-Marie était notre porte-parole, donc je n’ai pas de raison de douter qu’il tiendra compte de ces éléments et sait que les Forces vives n’accepteront pas que celui qui conduise la transition soit candidat. Cet élément sera rappelé et souligné dans l’accord de politique globale que nous allons soumettre très vite à la signature.
Nommer le gouvernement de transition prend du temps. Qu’est-ce qui bloque ?
Je ne suis pas personnellement impliqué, mais je sais qu’il y a des problèmes. Certains critères que nous avons donnés ne sont pas tout à fait pris en compte. Nous ne voulons pas voir ceux qui sont sous le coup de sanctions sur la liste du gouvernement ni ceux qui ont participé au massacre du 28 septembre. C’est donc du côté des militaires que cela traîne un peu, mais on est en train de trouver une solution.
Les Forces vives étaient remontées contre le président burkinabè et médiateur de la Cedeao Blaise Compaoré. Elles dénoncaient un accord trop favorable à la junte. La confiance est-elle restaurée ?
Oui, grâce à la déclaration de Ouagadougou. D’ailleurs, nous préparons un accord inter-guinéen de politique globale que nous allons soumettre très rapidement au facilitateur. C’est ce qui avait été recommandé puisque nous n’avons pas été signataires de la déclaration de Ouagadougou. Je pense qu’il (le médiateur, NDLR) a déjà envoyé un émissaire spécial.
Après le premier discours en public du président Moussa Dadis Camara depuis la tentative d’assassinat qui l’a visé, vous avez salué sa « déclaration sincère ». Avez-vous le sentiment qu’il a changé, qu’il reconnaît ses erreurs ?
On peut considérer que l’état dans lequel il est l’a changé. Il a reconnu qu’il avait été trompé par des extrémistes de son entourage qui ne lui ont pas dit la vérité. Il l’a reconnu et nous en avons pris acte.
Faites-vous confiance à Sékouba Konaté qui assure la présidence intérimaire ?
Les premiers actes qu’il a posés sont positifs, très encourageants. Nous souhaitons qu’il continue sur cette lancée. Pour le moment, tout se passe très bien, il est irréprochable. Il a exprimé à plusieurs reprises son souci de restaurer l’ordre au sein de l’armée et d’organiser rapidement des élections. (…) Nous l’encourageons et le soutenons.
Si Jean-Marie Doré ne peut pas se présenter à la présidentielle, rien ne vous en empêche… L'envisagez-vous ?
Absolument, rien ne m’en empêche. Mais pour le moment j’essaie de réorganiser les Forces vives et nous sommes en train de préparer l’accord de politique globale, de mettre en place les instruments qui peuvent faciliter la transition et la formation du gouvernement. Je me consacre uniquement à cela et après on verra. Le moment venu, je ferai connaître ma position sur la présidentielle.
Vous y pensez sérieusement ?
Quand on crée un parti politique, on pense toujours à la conquête du pouvoir, c’est évident. Mais je ne peux pas dire si je suis candidat ou non. C’est à mon parti de décider.