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La Guinée nouvelle

Jean Marie Doré et les institutions de la transition.

 

Quelle solution pour les carences du premier tour?

Quand la culture juridique est nuancée par des intérêts politiques, la vérité ???

Le patron de l´UPG, l´actuel Premier ministre du gouvernement de la transition guinéenne veut provoquer un penalty dans sa surface de réparation en voulant trop défendre un camp déjà battu par un grand meneur de jeu.

 

 

 


En effet, la nouvelle constitution et le nouveau code électoral guinéen sont rédigés á l´image de la stratégie électorale des forces vives, dont M.Jean Marie Doré était le Porte parole. Ces forces sont aujourd´hui reparties entre le gouvernement, le Conseil National de Transition (CNT) et la Commission Electorale Nationale Indépendante (la CENI).


Dans l´illusion d´organiser les premières élections libres et transparentes en terre guinéenne, les stratèges des Forces Vives avaient décidé de confier tout le processus électoral á la CENI.


De cette façon, on éviterait l´implication du gouvernement en place et surtout les manipulations frauduleuses de certains commis du MATAP en faveur d´un candidat, par affinité.


Ce principe a laissé sans effet celui de la cogestion entre le Ministère de l´Administration du Territoire et les Affaires Politiques (MATAP) et la CENI. L´article 2 de la nouvelle Constitution, dans son alinéa 4, soutien cette affirmation en ces termes : « Les élections sont organisées et supervisées par une Commission Electorale Nationale Indépendante ». L´alinéa 6 du même article précise que :


Toute loi, tout texte règlementaire et acte administratif contraires á ses dispositions sont nuls et de nul effet.


Alors, objectivement nous nous demandons les raisons et les fondements des innovations proposées par Monsieur le Premier ministre, considéré par beaucoup, comme une référence dans le domaine juridique.


Ces dispositions constitutionnelles sont complétées par l´article 2 du Code Electoral, comme suit : « La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est l´Institution chargée de l´organisation de toutes les élections politiques et du referendum en République de Guinée.

Elle est techniquement aidée par les départements ministériels concernés par le processus électoral notamment le ministère en charge de l´administration du territoire… »

L´interprétation de ce dernier alinéa est aujourd´hui le grand obstacle qui risque de compromettre dangereusement le bon déroulement du second tour des présidentielles en République de Guinée.


Après avoir échoué dans sa tentative de modification d´un article de la constitution par décret présidentiel, Monsieur Jean Marie propose encore un acte présidentiel qui doit déterminer la nature d´aide technique du MATAP auprès de la CENI. Juridiquement, toutes ces démarches sont contraires á la bonne marche de notre processus électoral. Elles violent le principe d´indépendance de la CENI et créé un nouveau foyer de tension, juste pour retarder le second tour des présidentielles du 27 juin 2010, prévu pour le 19 septembre prochain.


En principe, l´aide technique devrait être expliquée dans une loi organique pour éviter toute interprétation extensive et surtout les conflits de compétence. L´institution chargée d´élaborer cette loi est le CNT.


A défaut de cette loi organique, la CENI fonctionne conformément á la Loi L/ 2007/ 013 du 29 octobre 2007, portant création, attributions, compositions, organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante. Conformément á cette loi, la CENI collabore avec le ministère chargé de l´intérieur á l´organisation des consultations électorales et référendaires.


A ce titre, l´alinéa 2 de l´article 2 de cette loi précise que : « la CENI prend part á la conception, l´organisation, la prise de décision et l´exécution, depuis l´inscription sur les listes électorales, jusqu´á la proclamation des résultats provisoires ».


Pour des questions de précisions l´article 3 de ladite loi définit les attributions de la CENI :


« La CENI contrôle tout le processus d´établissement et de gestion du fichier électoral… »


«Examine les questions liées aux élections qui lui sont soumises par les partis politiques ou toute personne y ayant intérêt en vue d´une solution. Organise les concertations entre les acteurs politiques en vue d´harmoniser les positions sur les questions électorales ».

Cela explique avec aisance que c´est réellement cette institution qui doit entreprendre des démarches pour résoudre ou corriger les irrégularités constatées durant le premier tour des présidentielles du 27 juin dernier, en accord avec les
Cours et tribunaux, tel que prévu dans l´article 2 du Code Electoral dans son alinéa 3.


Selon Mgr Albert Gomez, le Premier Vice Président du Conseil National de Transition, la CENI n´a jamais travaillé seule. Elle a travaillé en harmonie avec le MATAP du début á la fin du Premier tour.


Par rapport aux dérapages, du premier tour, Mgr Albert Gomez a encore indiqué que :


« la Commission ad hoc sur les carences du premier tour et le renforcement de la CENI pour le second tour a déposé son rapport comportant 24 points. Tous les acteurs se sont impliqués pour que ces points soient résolus avant le 19 septembre ». Pourquoi remettre en cause tous ces acquis, en exigeant un autre texte d´application sous forme de décret présidentiel ?


Même, le nº 1 du MATAP, le Ministre Nawa Damey a reconnu qu´effectivement la CENI  a bel et bien été assistée techniquement par le MATAP au premier tour. Alors laissons les discutions ou propositions inutiles. La forme de l´assistance technique ne doit pas être un acte de coercition, mais plutôt une entente entre les acteurs. Le vrai problème, c´est comment corriger les carences du premier tour et garantir un second tour transparent et libre de fraude.

L´article 4 de la loi L/ 2007/ 013 stipule que :


« La CENI veille á ce que la loi électorale soit appliquée et respectée aussi bien par les Autorités Administratives que par les partis politiques, les candidats et les électeurs.


En cas de non respect des dispositions légales et règlementaires relatives aux élections par une Autorité Administrative, la CENI lui enjoint de prendre les mesures de correction appropriées… »


Cette disposition légale ne doit pas être contournée, la CENI est indépendante et surtout libre de déterminer la forme et les termes de l´aide technique qu´elle a besoin pour son bon fonctionnement.


La CENI est véritablement la principale institution chargée de toutes les questions électorales en Guinée. C´est elle qui propose et non un Premier ministre qui n´est cité dans aucun texte réglementaire en matière électorale. L´article 5 de la loi L/2007/013 du 29 octobre 2007, est très clair et précis : La CENI peut se saisir et statuer sur toute question électorale chaque fois qu´elle l´estime nécessaire.

Après lecture de toutes ses dispositions, l´interprétation technico-juridique qui en découle est que le Premier ministre est loin d´être un acteur principal du processus électoral et moins encore un décideur de référence dans l´organisation et
la gestion des élections.


Certes les propositions du Premier ministre Jean Marie Doré seront signées par le Président de la République par intérim, donc, un acte présidentiel. Cette démarche serait aussi une violation flagrante de notre Constitution, dans son article 156- alinéa 2, qui précise sans équivoque : « Le Président de la République par intérim assumant la transition ne peut, en aucune façon et sous quelque forme que ce soit, modifier la Constitution, le Code électoral, la loi relative aux Partis politiques et la loi fixant le régime des associations et de la presse ».

Devant cette disposition constitutionnelle, les bonnes intentions de notre tout puissant Premier ministre ne sont qu´une illusion politicienne, synonyme de tripatouillage constitutionnelle en cette période de transition. Juridiquement, l´unique possibilité de modification devrait venir d´une initiative du Président Titulaire de la République ; car, l´article cité plus haut, limite impérativement le Président par intérim. Seul le titulaire n´est pas concerné de façon expresse par l´interdiction annoncée dans cette disposition constitutionnelle.


Comme tel ne sera pas le cas, alors le Dr Jean Marie Doré doit garder ces belles initiatives pour ses prochaines conférences de presse. Les vrais acteurs et les institutions concernées, tous représentés dans la Commission ad hoc, ont déjà trouvé le chemin droit qui doit démasquer l´épineuse question d´aide ou d´assistance technique du MATAP auprès de la CENI. Les 24 points de la commission ad hoc sont plus réalistes qu´un décret ou un acte présidentiel
anticonstitutionnel.


L´article 2 de l´ancien code électoral qui faisait du MATAP l´autorité administrative chargée d´organiser les élections, n´est plus en vigueur, monsieur le PM, et de surcroît, votre lettre de mission n´est pas au dessus de la constitution.
Gardons les décrets pour l´après 19 septembre.

Conakry, une analyse de Cécé Théa Victorien Junior


Docteur en sciences juridiques.


Spécialiste en Droit International Public.
Linguiste.
Junior_thea@yahoo.fr

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