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La Guinée nouvelle

L'Afrique noire, nouvel eldorado des cartels de drogue latinos

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Barack Obama l'a dit en juin : le fils de l'ancien président guinéen, Lansana Conté, est un « baron de la drogue ». Exactement comme les chefs des cartels mexicains ou colombiens. Comment l'Afrique de l'Ouest a-t-elle basculé entre les mains des narcotrafiquants ? Pourquoi l'Europe a-t-elle tardé à réagir ?

A première vue, il n'y a rien à voir mais tout à compter : en 2010, 39% de la cocaïne produite dans le monde est consommée en Europe, comme aux Etats-Unis.

En une décennie, les cartels sud-américains sont parvenus à inonder le marché du Vieux continent en baissant les prix par l'augmentation de l'offre. Résultat : le gramme de coke coupée se négocie entre 30 et 70 euros. La drogue est devenue accessible au plus grand nombre.

 

En Afrique, l'Etat faible, une plate-forme idéale pour la drogue


Pour réussir ce tour de force, il fallait fluidifier les voies du transit, en multipliant les routes empruntées par la marchandise. D'un schéma classique -route maritime directe-, la logistique des cartels s'est beaucoup développée en Afrique. Par camions, par bateaux, par avions… tous les moyens sont bons. Pourquoi l'Afrique ? Parce que l'Etat y est faible selon Christophe Champin, journaliste à RFI, auteur d'une longue enquête sur le trafic de cocaïne en Afrique :

« L'Afrique de l'Ouest est alors apparue comme une plate-forme idéale : elle est proche de l'Europe, les Etats y sont fragiles avec des structures faibles et une corruption forte. C'était donc facile de s'implanter pour en faire une plate-forme de stockage et de redistribution. »


Plusieurs Etats sont en première ligne, à commencer par les Etats côtiers :

« Il y avait le Cap-Vert au début des années 2000. Puis la Guinée-Bissau est apparue comme une possibilité, car c'est un pays où l'Etat est très faible. Une forme de zone grise, avec une façade maritime intéressante grâce à un chapelet d'îles sur lesquelles il y a des pistes d'atterrissages de fortune, construites par les Portugais pendant la guerre d'indépendance.

Aujourd'hui, les élites bissau-guinéennes -l'Etat et les militaires- sont complètement impliquées dans le trafic. »

 

Des infra-réseaux animés par les petits caïds des quartiers


Au cœur de ce business, il y a aussi le réseau intarissable des « mules », les passeurs qui ingèrent de la cocaïne dans des petits sachets plastiques ou la transportent dans un double fond. De plus en plus souvent, ces jeunes issus des banlieues, vont passer des vacances en Afrique pour 3 000 euros le voyage.

Christophe Champin raconte le périple d'Hassania, jeune femme désargentée qui s'est fait prendre à l'aéroport de Bamako (Mali) sur le chemin du retour avec 15 kilos de poudre dans le double fond de sa valise. Ces nouveaux réseaux sont multiples et difficiles à mettre en échec :

« Des petits caïds voient là l'occasion de se fournir facilement en Afrique, en montant des réseaux relativement importants, mais qui ne sont pas des organisations criminelles en tant que telles.

C'est le cas de cette filière entre Bamako et Paris : un groupe de jeunes gens, souvent issus des mêmes quartiers, mais pas toujours, certains étant originaires des pays où ils vont se fournir.

C'est plus facile d'aller dans un pays dont on parle la langue, où on connaît le terrain, que d'aller jusqu'en Colombie où l'on est confronté à d'autres dangers. Là, on parle de 100 à 200 kilos de cocaïne. »


Comment contourner la corruption des élites politiques ?


Ultime défi : comment lutter efficacement contre ce déferlement de cocaïne ? Pour Christophe Champin, la principale difficulté est de contourner la corruption des élites, policière, judiciaire ou politique. En clair, il est compliqué de mettre en place des structures de lutte antidrogue centralisée, lorsque l'entourage d'un chef d'Etat est mêlé à ce trafic :

« La réaction a été tardive, dans les pays africains et les pays occidentaux. En 2007, un organisme de coordination de la lutte contre le trafic dans l'océan Atlantique a été créé : le MAOC.

Il y a une mise en commun des moyens maritimes et de renseignements, pour mener des opérations communes. Il y a de plus en plus d'officiers de liaison.

Il y a aussi de la formation des services antidrogue africains. Maintenant, tout ne peut pas être fait par les Occidentaux, sachant que ces trafiquants s'adaptent très facilement face à la répression. »


L'exemple d'Ousmane Conté, fils du défunt président guinéen, est symbolique. Ce commandant de l'armée a finalement reconnu, un an après son arrestation en 2009, son implication dans le trafic de coke. Avec une notoriété inédite : Barack Obama l'a récemment placé, dans une lettre au Congrès, dans la même catégorie que les barons des cartels sud-américains.

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