11 Avril 2010
Avec près de 1 160 000 000 (un milliard 160 millions) d’adeptes à travers le monde,
l’islam est la deuxième religion de l’humanité après le christianisme. Il y a moins de dix
ans, les musulmans étaient moins nombreux que les catholiques (837 308 700
musulmans pour 886 698 600 catholiques en 1986). Aujourd’hui, la situation s’est
inversée, mais le christianisme, avec ses différentes églises, reste la première religion du
monde avec près de 1,4 milliard d’adeptes.
I — DIVERSITE DES PEUPLES ET DES CULTURES
1 ARABES ET MUSULMANS
Hormis les spécialistes, il existe une tendance commune aux Français et aux
Maghrébins, à confondre Arabe(s) et musulman(s), arabité et islam.
Cette confusion est fondée sur des raccourcis qui sont le produit de I’histoire des
rapports entre la France et l’Afrique du Nord. Des deux côtés, on a pris l’habitude de
s’identifier par rapport à une dichotomie opposant l’arabo-musulman, avec comme
prototype le maghrébin, à l’européo-chrétien dont le Français serait l’archétype. Cette
opposition a été à l’origine des mythes identitaires qui ont fini par occulter la réalité
pluriconfessionnelle, pluriculturelle, pluriethnico-linguistique de l’Afrique du Nord au profit
du mythe d’une identité homogène arabo-musulmane. C’était plus simple et tout le monde
croyait y trouver son compte. Les minorités — parfois majoritaires — qui ne se
reconnaissaient pas dans cette opposition, trouvaient dans les avantages que leur assurait
l’assimilation à un camp ou à un autre des raisons suffisantes pour taire leur insatisfaction.
Il en fut ainsi, à titre d’exemple, pour les juifs arabes et berbères d’un côté, et pour les
berbères de i’autre. Ce qui importait — et importe encore pour beaucoup — ce n’est plus
ce qu’on est réellement, mais la position qu’on a — ou qu’on estime intéressante d’avoir
— par rapport à la dichotomie principale opposant les arabo-musulmans aux européochrétiens.
Il a fallu les crimes nazis pour faire découvrir à l’Europe le complément juif de son
identité.
De même, il a fallu le jacobinisme du F.L.N. et l’intégrisme du F.I.S. pour rappeler
la dimension berbère de l’identité algérienne et nord-africaine. Que faudra-t-il pour que
l’Europe prenne conscience des autres dimensions de son identité dont celle qu’elle doit à
I’islam et à l’autre rive de la Méditerranée ? Quelles autres catastrophes devra-t-on subir
pour que les mondes arabe et musulman reconnaissent de leur côté, les composantes
juive, africano-animiste, gréco-romaine, occidentale... de leur identité ? Peut-on espérer y
parvenir, d’un côté comme de l’autre, sans revoir de nouveaux crimes de même nature
que l’épisode nazi ? Il faut l’espérer en sachant qu’aucun peuple n’est à l’abri de la
tentation de succomber aux démons que l’Allemagne a connus ! Ce qui se passe
aujourd’hui dans divers points de notre planète, et auquel on assiste avec I’impuissance et
les hésitations que le monde a connu dans l’entre-deux guerres est là pour nous le
rappeler.
Outre les raccourcis liés à l’opposition entre une Europe chrétienne et un monde
arabo-musulman, subsiste la confusion entre Arabe(s) et musulman(s) par des facteurs
liés à I’origine de la religion musulmane : l’islam est apparu en Arabie, son prophète est
arabe, ses textes fondateurs, dont le Coran, sont d’abord des textes arabes. Pendant lestrois premiers siècles de son existence, le fait islamique était principalement tributaire de
I’hégémonie politique et culturelle des arabes. Durant des siècles, l’arabe était à l’islam ce
que le latin fut au christianisme occidental. Cela explique que l’arabe reste la langue
liturgique de la quasi totalité du monde musulman.
Cependant si ces raisons permettent de comprendre l’origine de la confusion entre
arabe(s) et musulman(s), elles sont loin de pouvoir en excuser l’absurdité.
Le premier indicateur de cette absurdité est la diversité confessionnelle qui a
toujours caractérisé la composante arabe des pays à dominante islamique.
Sur les quelques 250 à 260 millions d’habitants que comptent les pays membres de
la Ligue Arabe, plus de 20 millions ne sont pas musulmans. L’essentiel des Arabes non
musulmans est rattaché aux différentes églises chrétiennes du Proche-Orient. Le nombre
des juifs arabes ou des pays de la Ligue Arabe, a diminué sous l’effet de la décolonisation,
de la création de l’Etat d’Israël et des conflits qui I’ont opposé à ses voisins arabes. De
même pour les Bahâ’î dont le nombre a diminué du fait de la menace et des pressions des
mouvements islamistes. Par ailleurs, il est important de remarquer que les différentes
statistiques ne tiennent jamais compte des intellectuels arabes qui sont athées ou
agnostiques. Même les états officiellement laïques, comme la Syrie et l’Irak, refusent de
reconnaître le statut de sans religion.
2. LES GRANDES COMPOSANTES DU MONDE MUSULMAN
Un autre indicateur de I’absurdité de la confusion entre Arabe(s) et musulman(s) est
le poids démographique des arabes dans le monde musulman. Les musulmans arabes ne
représentent que quelques 15 à 20 % du nombre total des musulmans à travers le monde
: quelques 230 millions sur près d’un milliard 160 millions. Cette proportion diminue si l’on
retranche la population non arabophone des pays membres de la Ligue Arabe : les
Berbères de l’Afrique du Nord, les Kurdes d’Irak et de Syrie, les Noirs non arabophones du
Soudan, de Djibouti et de Somalie, les minorités assyro-chaldéennes, arméniennes, etc.,
du Proche-Orient.
La composante arabe du monde musulman vient derrière le premier grand ensemble
que constituent les musulmans du sous continent indien : près de 350 millions entre le
Bengladesh (111 millions), le Pakistan (130 millions) et l’Inde (112 millions). Le reste des
musulmans se répartit de la manière suivante :
- le Sud-Est asiatique où l’on dénombre près de 200 millions de musulmans avec
principalement l’Indonésie (175,3 millions), la Malaisie (10,2 millions), les Philippines (3,5
millions), le Sri Lanka (1,6 millions);
- l’aire turco-iranienne où l’on compte également près de 200 millions de musulmans
répartis entre I’Iran (près de 65 millions), La Turquie (61 millions), l’Afghanistan (23
millions), les ex-républiques soviétiques (51 millions);
- les pays d’Afrique, non membres de la Ligue Arabe où le nombre de musulmans
s’élève à près de 145 millions de personnes (principalement au Nigeria, en Ethiopie, en
Tanzanie, au Mali, au Sénégal, au Tchad, au Niger, en Guinée, au Ghana, au Burkina
Faso, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, etc.).
En dehors de ces ensembles, et même dans plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne,
de l’Asie centrale et du Sud-Est, il existe des minorités musulmanes dont le
nombre et le poids sont de plus en plus importants. C’est le cas des musulmans de Chine
dont le nombre estimé est de quelques 15 à 20 millions. On y distingue les Ouïgours, qui
sont de même origine que les peuples turcs d’Asie centrale et de l’Asie Mineure, et les Huis qui sont de souche chinoise. Les musulmanes de Chine se distinguent de leurs
consoeurs par la construction de mosquées où les imams sont, fait rare, de sexe féminin.
L’Europe centrale et l’Europe orientale ont également leurs minorités musulmanes
dont la présence remonte à l’Empire ottoman au xve siècle. On en trouve en Albanie avec
près de 1 million de personnes, dans l’ex-Yougoslavie, plus particulièrement en Bosnie où
I’on comptait quelques 2,3 millions de musulmans, en Bulgarie (près d’un million), ainsi
qu’en Grèce, en Roumanie, à Chypre, etc..
L’Europe occidentale a vu se constituer, avec les flux migratoires, des minorités
musulmanes d’importance inégale. Ainsi, l’islam est devenu la deuxième religion de
France avec une population estimée, selon les sources, entre 3,5 et 4,3 millions de
musulmans. L’Allemagne compte également une importante minorité musulmane dont le
nombre est estimé à quelques 2 à 2,5 millions. Il en est de même pour la Grande-
Bretagne : entre 1 et 2,5 millions selon les sources. Des minorités moins importantes
existent en Italie, en Espagne, en Suisse, en Autriche, aux Pays-Bas, en Belgique et dans
les pays scandinaves. Le nombre total des musulmans en Europe occidentale se situe
entre 7 et 10 millions.
Dans le continent américain, on dénombre une population musulmane de 6 à 7
millions de personnes. Les Etats-Unis comptent à eux seuls plus de 4 millions de
musulmans : une partie provient d’une immigration dont les débuts remontent au siècle
dernier; l’autre partie est constituée par les Black-Muslims, de conversion récente.
En Amérique latine, le nombre de musulmans dépasse les deux millions avec près
d’un million dans les Caraïbes, quelques 750 000 en Argentine, environ 450 000 au Brésil.
La présence de l’islam dans cette partie du monde est liée à l’immigration en provenance
des provinces arabes de l’Empire ottoman au Proche-Orient avant la première guerre
mondiale ; un grand nombre de Syriens, de Libanais et de Palestiniens fut obligé de partir
pour fuir la persécution engendrée par la politique de turquification qui a marqué la fin de
l’Empire ottoman après l’échec de la politique des Tanzimat. Il existe des musulmans en
nombre moins important dans d’autres pays d’Amérique latine.
La politique du Canada favorable à l’immigration est à l’origine de la présence de
près de 150 000 musulmans dans ce pays.