2 Avril 2011
La bataille d'Abidjan faisait toujours rage vendredi, les troupes d'élite du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, qui s'accroche désespérément au pouvoir, opposant une résistance acharnée aux combattants de son rival Alassane Ouattara autour de sa résidence et du palais présidentiel.
Loin de céder à la pression des armes, M. Gbagbo aurait quitté sa résidence pour regagner le palais, coeur du pouvoir situé dans le quartier du Plateau, en plein centre d'Abidjan, tandis qu'un de ses porte-parole répétait inlassablement qu'il n'"abdiquerait" pas.
Au Plateau, les rafales de kalachnikov et les tirs d'arme lourde se succédaient à un rythme soutenu, dont certains d'une très forte intensité faisaient trembler les murs des immeubles, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les rues étaient désertes, les habitants restaient terrés chez eux.
Même intensité des combats dans le quartier chic de Cocody (nord), dans un large périmètre proche de la résidence présidentielle et de la télévision d'Etat RTI et près du camp militaire d'Agban, dans le quartier voisin d'Adjamé.
"On est terrifié", a témoigné Sylvie, une habitante de Cocody. "Si ça continue encore des jours, ca va être chaud".
Alors que la ville avait été livrée à la violence et aux pillages, quelque 150 ressortissants français et 350 étrangers d'autres nationalités ont été accueillis depuis jeudi soir sur le camp de Port-Bouët de la force française Licorne à Abidjan, selon l'état-major des armées françaises à Paris.
La France déconseille "formellement" les voyages en Côte d'Ivoire, où vivent 12. 200 de ses ressortissants, dont 11. 800 à Abidjan. Sur les 12. 200, 7. 300 ont la double nationalité.
Une Suédoise employée de l'ONU a été tuée par balle jeudi soir à Abidjan, selon le ministère suédois des Affaires étrangères.
La Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) a de son côté affirmé que son siège avait été "l'objet de tirs nourris jeudi après-midi, de la part des forces spéciales du président Gbagbo. Les troupes de l'Onuci ont riposté aux tirs dans un échange de feu de près de trois heures", selon un communiqué transmis vendredi. .
Les combats très intenses entre les militaires fidèles au président sortant et les Forces républicaines d'Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, ont débuté jeudi soir à Abidjan, la métropole ivoirienne constituant l'ultime objectif des forces pro-Ouattara.
Lundi, les Forces républicaines, qui contrôlaient le nord du pays depuis 2002, ont lancé une vaste et foudroyante offensive vers le Sud, pour mettre un terme à la crise née du scrutin présidentiel contesté du 28 novembre ayant fait, selon l'ONU, près de 500 morts, essentiellement des civils.
Au cinquième jour de l'offensive, Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, ne s'est pas exprimé publiquement depuis des semaines. Son discours à la Nation, maintes fois annoncé, n'est jamais arrivé.
Les forces pro-Ouattara ont dit avoir pris au début des combats la télévision d'Etat, symbole du régime, le privant ainsi d'un moyen de communication essentiel. Le signal était interrompu depuis jeudi soir. Vendredi, la plus grande confusion régnait sur les forces contrôlant ce média.
Mais, si la fin de son régime n'a jamais paru aussi proche, un porte-parole, Toussaint Alain, restait catégorique vendredi: "le président Laurent Gbagbo n'a pas l'intention d'abdiquer ou de se rendre à un quelconque rebelle que ce soit".
Il "ne démissionnera" pas et "il n'en sortira pas vivant", a même assuré un de ses amis les plus proches, l'ancien responsable socialiste français Guy Labertit.
Va-t-il se réfugier dans une ambassade étrangère, comme l'a affirmé la rumeur? Son chef d'état-major, le général Philippe Mangou, a fait défection mercredi soir et a trouvé refuge à l'ambassade sud-africaine à Abidjan. Mais Pretoria a déjà démenti les rumeurs sur un exil sud-africain de M. Gbagbo.
"Nous avons de bonnes raisons de penser que le président Gbagbo a rejoint le palais présidentiel" jeudi après-midi à bord d'un bateau, sur la lagune, depuis sa résidence de Cocody, a pour sa part assuré à l'AFP l'ambassadeur de France Jean-Marc Simon, dont la résidence jouxte celle de M. Gbagbo.
"Il faut que Laurent Gbagbo se rende pour éviter un bain de sang. On espère qu'il le fera, sinon on viendra le chercher là où il est. S'il démissionne, c'est bien, sinon il sera traduit devant la justice internationale", avait averti jeudi soir Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.
Mais le camp Ouattara n'est pas exempt de critiques: l'ONU craint de "graves violations des droits de l'homme" commises par les forces pro-Ouattara, en particulier dans l'ouest du pays.