16 Novembre 2010
V comme victoire et violences. Hier soir, Alpha Condé, l’opposant historique est sorti vainqueur, à 72 ans, des élections du second tour de la présidentielle guinéenne. L’annonce officielle a été immédiatement suivie de coups de feu, entendus dans plusieurs quartiers de Conakry où des violences meurtrières avaient déjà éclaté au cours de la journée.
Une grande tension avait précédé la nouvelle, les deux candidats en lice ayant revendiqué la victoire. Le candidat malinké Alpha Condé avait annoncé dans la matinée : «Moi, je sais que j’ai gagné», provoquant la colère des partisans de son rival, Cellou Dalein Diallo. Des jeunes ont monté des barricades dans plusieurs quartiers de Conakry. Quatre d’entre eux sont morts dans des affrontements avec les forces de l’ordre.
Dans l’après-midi, c’était au tour de Cellou Dalein Diallo, 58 ans, d’origine peule, ancien cadre de la Banque centrale et ex-Premier ministre, de se déclarer «vainqueur», affirmant se baser sur ses propres calculs, «purgés de fraudes». Il avait demandé un report de l’annonce des résultats, pour donner le temps à la Commission nationale électorale indépendante (Ceni) d’examiner ses nombreuses plaintes pour fraudes. Mais le général malien Siaka Sangaré, président de la Ceni, a respecté, comme il l’avait promis, les délais légaux, annonçant les résultats du dépouillement tard dans la soirée, avant examen des recours.
La question des fraudes est au cœur de cette première élection libre depuis l’indépendance de la Guinée, en 1958. Le Rassemblement du peuple de Guinée d’Alpha Condé est accusé par son rival d’avoir dressé de faux procès-verbaux, à l’aide de 17 ordinateurs volés à la Ceni en septembre. Aliou Barry, président de l’Observatoire national des droits de l’homme, soupçonne l’administration de complaisance envers Alpha Condé : «Les reports successifs ont ouvert la porte au trucage du processus électoral», dénonce-t-il, avec l’aval d’une armée «recrutant à 90% parmi l’ethnie malinké». Il redoute une «partition ethnique» de la Guinée, le pays s’étant profondément divisé avec le scrutin entre ses deux grands groupes ethniques, Peuls et Malinkés, qui représentent respectivement 40 % et 38 % de la population. Reporté cinq fois, le second tour devait initialement avoir lieu le 19 juillet.