26 Mai 2010
La pêche illégale endémique est en train de toucher plus durement certains des pays les plus pauvres d'Afrique occidentale puisque cette pratique est globalement la plus répandue dans la région du centre-est de l'océan Atlantique.
Cette région couvre les eaux territoriales d'environ 15 pays africains, du Maroc et la Mauritanie au nord en Angola au sud.
La pêche illicite se fait essentiellement dans la région du centre-est de l'Atlantique et elle a augmenté au cours des 10 dernières années, selon le Centre technique européen pour la coopération agricole et rurale (CTA), une agence de l'UE mise en place pour aider les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique en fournissant des informations sur le développement.
En général, les pertes totales actuelles causées par la pêche illégale à travers le monde se situent entre neuf et 24 milliards de dollars par an. La plupart des estimations des prises issues de la pêche illégale sont entre 11 et 26 millions de tonnes de poissons, ou entre 10 et 22 pour cent de la production totale de la pêche.
Ces estimations ne prennent pas en compte les dommages environnementaux causés par la surexploitation des fonds de pêche qui a décimé plusieurs espèces de poissons, du thon à la morue.
Les pays en développement sont les plus exposés au danger de la pêche illégale, "avec une estimation totale des prises (illégales) en Afrique de l'ouest de 40 pour cent supérieures aux prises déclarées", selon MRAG, un cabinet-conseils basé à Londres, qui se décrit comme "faisant la promotion de l'utilisation durable des ressources naturelles à travers des politiques de gestion et de pratiques intégrées".
Les eaux relevant d'une juridiction nationale, appelées zones économiques exclusives (ZEE), sont composées d'une zone maritime sur laquelle un Etat a des droits d'exploration et d'exploitation spéciaux.
La pêche illégale peut être également effectuée par des navires arborant le drapeau des Etats qui ont ratifié les accords internationaux sur la pêche, mais qui opèrent en violation des mesures de conservation et de gestion adoptées dans de tels accords.
Déjà dans un autre rapport, le ministère britannique pour le Développement international (DFID) a estimé en 2009 que la perte annuelle due à la pêche illégale seule dans la ZEE de la Guinée est évaluée à 110 millions de dollars.
La Fondation pour la justice environnementale (EJF), basée à Londres, qualifie cette pêche illégale dans les eaux territoriales guinéennes de "la pire en Afrique", ce qui signifie qu'elle est la pire au monde.
Le rapport du DFID a également estimé que la Guinée perd plus de 34.000 tonnes de poissons chaque année du fait de la pêche illégale, y compris environ 10.000 tonnes de "prises accessoires". Les prises accessoires constituent l'euphémisme pour désigner la partie indésirable d'une prise jetée à la mer par les pêcheurs.
Officiellement, les pêcheurs guinéens attrapent légalement environ 54.000 tonnes de poissons par an. Cela signifie que la pêche illégale représente les deux tiers des prises légales enregistrées du pays.
Au cours du Sommet mondial sur le développement durable en 2002, les dirigeants du monde ont convenu d'appliquer d'urgence des plans d'action nationaux et régionaux afin de mettre en oeuvre le plan d'action international de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture "pour prévenir, décourager et éliminer la pêche illégale, non déclarée et non réglementée au plus tard en 2004".
Richartz a dit que les pertes économiques causées par la pêche illégale pour les pays d'Afrique subsaharienne "s'élèvent à au moins un milliard de dollars par an", mais l'application du droit international contre la pêche illégale est "inexistante".
"Il est facile de blanchir les prises de la pêche illégale et d'éviter les sanctions parce que les contrôles portuaires sont faibles et irréguliers", a ajouté Richartz. "Il y a aussi un manque de traçabilité des navires, le manque de contrôle sur les navires qui ne font pas la pêche, et l'absence de coercition à l'égard des usufruitiers/entreprises".
Chaque année, Greenpeace dresse une liste noire à partir des registres officiels publiquement disponibles sur les navires et entreprises soupçonnés d'être impliqués dans la pêche illégale.
Alors que d'autres listes noires ne comprennent que les navires et compagnies en provenance de la Chine, de la Russie, du Panama, de la Tunisie, de l'Indonésie et d'autres pays sans aucun navire et compagnie en provenance de l'Europe occidentale et d'autres nations industrialisées, la liste personnelle de Greenpeace cite des navires en provenance du Portugal, de l'Italie et du Japon.
Dans certaines pêcheries européennes, on pense que la pêche illégale représente entre un tiers et la moitié de toutes les prises, a confié à IPS, Heike Baumueller, chercheur sur l'environnement et la gouvernance des ressources à Chatham House, un groupe de réflexion indépendant à Londres.
"Cela représentera plus de 15 milliards de dollars de prises perdues et plus de 27.000 emplois perdus dans les industries de pêche et de transformation d'ici à 2020", a expliqué Baumueller à IPS.
Dans un communiqué de presse du 27 octobre 2009, la Commission européenne a estimé qu'environ 10 pour cent des importations de fruits de mer de la région (environ 1,7 milliard de dollars) pourraient être d'origine illégale.
Certaines autorités portuaires dans les pays européens ont donné libre cours aux navires et entreprises qui figurent sur des listes noires. Par exemple, l'EJF qualifie le port espagnol de Las Palmas de Gran Canaria du "port le plus tristement célèbre en matière de complaisance", puisqu'il offre des services aux flottes de pêche pirates qui opèrent au large des côtes de l'Afrique de l'ouest.
A cause du statut de ce port comme une zone économique franche, les entreprises situées à Las Palmas "ont une variété d'avantages fiscaux et douaniers, dont un bon nombre facilite la manipulation illégale, le transport et la vente de poissons capturés illégalement", a dit à IPS, Duncan Copeland de l'EJF.
Las Palmas a été un faible point d'entrée sur l'énorme marché de fruits de mer européens, et la plaque tournante majeure pour le transport de poissons illégaux qui sont envoyés vers d'autres grands marchés de fruits de mer, tels que ceux d'Asie de l'est.