23 Juin 2010
La police jamaïcaine a annoncé l'arrestation de Christopher "Dudus" Coke, accusé d'être un baron de la drogue mais considéré par les habitants de Kingston comme un "Robin des Bois".
Le baron présumé de la drogue, le Jamaïcain Christopher Coke, surnommé "Dudus", dont les États-Unis réclament l'extradition afin de le juger pour trafic de drogue, a été arrêté mardi 22 juin sur l'île caribéenne. Sa traque avait provoqué de violents affrontements, fin mai à Kingston, entre police et armée d'un côté, et affidés de "Dudus" de l'autre, qui avaient fait au moins 73 morts civils, obligeant le gouvernement à proclamer l'état d'urgence. "Les forces de police souhaitent confirmer l'information selon laquelle Christopher Lloyd Coke, qui était sous le coup d'un mandat d'arrêt pour être extradé, a été arrêté dans l'après-midi", a déclaré en soirée le chef de la police de Kingston, le commissaire Owen Ellington. Depuis des semaines, le gouvernement du Premier ministre Bruce Golding cherchait à mettre la main sur "Dudus" pour l'extrader vers les États-Unis.
À la tête du principal gang de trafiquants de drogue de Jamaïque, les Shower Posse, Coke est considéré comme un marchand de mort ultra-violent par Washington, mais aussi comme un bienfaiteur et un "parrain" dans les bidonvilles de Kingston, réputée l'une des capitales les plus violentes du monde. Fils de Jim Brown, autre "parrain" légendaire de l'île, disparu tragiquement en 1992, Coke, qui avait un mode de vie plutôt discret, a bâti un empire avec son gang en jouant aussi de la politique et des affaires. Le Premier ministre Bruce Golding est lui-même député de Tivoli Gardens, le fief du Shower Posse qui apportait son soutien au parti au pouvoir, le Jamaica Labour Party.
Crack, cocaïne et marijuana
La justice américaine accuse Coke d'approvisionner New York et les autres villes de la côte Est en crack, cocaïne et marijuana, causant au passage de sanglantes guerres de gangs. Les enquêteurs
en évaluent le bilan à plusieurs milliers de morts depuis les années 90. Coke risque la prison à vie s'il est extradé et reconnu coupable aux États-Unis. Le révérend jamaïcain Al Miller a annoncé
en soirée mardi que "Dudus" avait été arrêté dans la journée, précisant qu'il avait lui-même "aidé au processus de remise (à la justice) de Coke". L'ecclésiastique avait déjà participé aux
négociations qui ont permis un relatif apaisement à Kingston.
L'annonce du mandat d'arrêt contre Coke avait déclenché de véritables combats de rue durant près d'une semaine à Kingston, affectant durement l'image de paradis touristique de l'île Caraïbe, où
les estivants ne s'attardent guère dans la capitale. Soutenus par des unités de l'armée, la police de Kingston avait donné l'assaut à "son" quartier, le bidonville de Tivoli Gardens, rencontrant
une vive résistance des hommes de main de "Dudus". Coke était parvenu à s'échapper, mais 73 personnes avaient trouvé la mort dans les échanges de tirs.
"J'appelle les familles, les amis et les symphatisants de Christopher Coke à garder leur calme et à laisser la loi s'appliquer", a déclaré le commissaire Ellington. "Nous tenons aussi à réassurer
au pays que nous poursuivrons nos efforts pour vaincre le crime organisé et rétablir la loi dans ce pays", a ajouté le chef de la police, qui s'était juré d'arrêter le chef de gang. L'offensive
du gouvernement contre Coke, après des mois d'hésitation, a suscité l'espoir en Jamaïque d'une rupture des liens entre les gangs et les hommes politiques.