6 Mai 2010
Amir, ancien combattant islamiste aujourd'hui "repenti", a raconté jeudi à Reuters la vie menée dans ces camps des zones tribales à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan.
"La journée commençait avant l'aube. Après les prières du matin, nous nous rassemblions dans la cour pour faire de l'exercice, du jogging, parfois pour suivre des cours de karaté ou d'escalade", dit-il.
"A sept heures, rassemblement dans l'une des salles de cours pour entendre des exposés de toute nature, comme sur les tactiques de défense et d'attaque, les premiers secours et la reconnaissance du terrain."
Les apprentis djihadistes apprennent aussi à manier les armes.
"Ils nous ont entraînés au maniement de toutes sortes d'armes - fusils d'assaut Kalachnikov, fusils-mitrailleurs, canons anti-aériens, lance-roquettes", se rappelle-t-il. On apprenait aussi à fabriquer des bombes.
"Nous devions escalader des pics, chargés comme des mulets, avec le fusil et des tas de munitions. On se nourrissait uniquement de dattes et de chocolat. Mais au camp on avait d'excellents repas."
"Le soir, on regardait des vidéos d'attaques menées par les taliban, ou bien des films sur les mauvais traitements infligés aux musulmans à travers le monde. Durant les séances d'endoctrinement du soir, on chantait la gloire des taliban et on vouait à l'enfer les infidèles, l'Amérique et l'Occident, forces sataniques rendues responsables de toutes les misères des musulmans."
La plupart des camps d'entraînement islamistes se trouvent dans les zones tribales pachtounes près de la frontière afghane, dans le nord-ouest du Pakistan. A la suite des offensives de l'armée gouvernementale ces derniers mois, certains ont probablement été déplacés dans des secteurs encore plus reculés.
DES CAMPS POUR ENFANTS
Certains camps sont situés dans d'autres régions du pays. Le Jaish-e-Mohammad, un groupe lié à Al Qaïda, est basé à Bahawalpur, au Pendjab, mais ses militants assurent ne mener aucune activité illégale.
Les recrues reçoivent 5.000 roupies (environ 60 dollars) par mois. Pour ne pas trop attirer l'attention des autorités, chaque camp ne reçoit pas plus d'une vingtaine de volontaires, selon les services de sécurité pakistanais.
On ignore le nombre exact de ces camps, ainsi que leur localisation précise. L'Inde, qui reproche à Islamabad de ne pas agir suffisamment contre le terrorisme, affirme qu'il y a actuellement 42 camps au Pakistan.
"Ils se trouvent dans des secteurs sûrs comme certaines zones de l'Orakzaï, de Khyber, de Kurram et du Nord-Waziristan", dit un agent des services pakistanais. La plupart ne comptent que deux salles de cours, l'une servant à former les recrues à la fabrication d'engins explosifs.
"Ils s'entraînent pendant dix jours dans un camp, puis déménagent dans un autre. Les déplacements se font en petits groupes, surtout dans le Nord-Waziristan en raison des attaques de missiles menées par des drones", explique-t-il.
Le recrutement se fait surtout dans les mosquées des villages, où les appels au djihad, la "guerre sainte", sont fréquents. Dans les zones tribales, la participation à la prière est une obligation. En cas d'absence, la punition est connue - cinq coups de fouet.
Certains parents, sans argent, livrent leurs enfants aux islamistes. Ces enfants sont regroupés dans des camps spéciaux, à l'écart des adultes.
"D'après nos informations, on les entraîne à des missions suicides", dit un membre des services de sécurité pakistanais.
Un journaliste pakistanais, qui refuse de donner son nom, se rappelle une visite dans un camp pour enfants il y a deux ans. On lui avait interdit d'entrer dans les classes et de parler aux enfants. "Ils avaient 12 ou 13 ans. Ils étaient incroyablement calmes, ils ne souriaient pas et hésitaient à s'exprimer."