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La Guinée nouvelle

Les grands Espoirs des bas-fonds de Conakry

Des petites rues pauvres de la capitale de la Guinée aux grandes scènes mondiales, les Espoirs de Coronthie réveillent la musique traditionnelle guinéenne.

 

C’est l’histoire d’une bande de copains de quartier, d’amis d’école qui aimaient jouer au foot mais surtout faire de la musique ensemble. Et qui sont devenus un des groupes phares de la Guinée, en faisant groover la musique traditionnelle. Les Espoirs de Coronthie n’ont pas choisi leur nom, mais il leur va bien.

Poliment, ils se présentent tous, l’un après l’autre, saluent et déclinent leur prénom. Quand l'un d’entre eux parle en«français débrouillé», un français hésitant, les autres pouffent de rire. Ils parlent tous en même temps, à tel point qu’il faut réfréner les ardeurs quand il s’agit d’énumérer les festivals où ils se sont produits, comme empressés de montrer que les Espoirs sont devenus des «confirmés».

«On se connaît depuis qu’on est gamins, on était des amis à l’école, sur les terrains de football et les week-ends, on allait avec nos mamans au marché pour vendre des condiments», résume Ali Sylla, l’un des chanteurs du groupe.

Sécher les cours pour jouer de la musique

Celui qui se fait surnommer «Sang Chaud» garde toujours un air sérieux avec ses petites dreads, même lorsqu’il raconte la rencontre du groupe. Toute simple. Une histoire de gamins qui font les 400 coups juste pour aller jouer de la musique, alors qu’ils n’avaient même pas 10 ans.

Les débuts n’ont pas été faciles. Pas forcément à cause du succès qui se faisait attendre, mais plutôt à cause des parents. Au lieu d’aller à l’école, ils se rejoignaient en cachette pour faire de la musique et fabriquer des instruments. Quand ils se faisaient prendre, les parents les «chicotaient», les battaient. La musique au lieu de l’école, quelle drôle d’idée!

Mais les jeunes se sont accrochés et avec des bambous, des boîtes de sardines, de beurre, tout ce qui leur tombait entre les mains, ils ont commencé la musique. Des années plus tard, on comprend pourquoi la musique traditionnelle et les harmonies vocales constituent les points forts du groupe.

«Tout le monde s’est débrouillé à sa manière», raconte Boubacar Camara, le chef du groupe, qui ne quitte pas ses lunettes de soleil et son chapeau noir.

Lui imitait les vedettes qu’il écoutait en boucle sur des cassettes: le Guinéen Sekouka Kandia, l’Ivoirien Alpha Blondy, le Sénégalais Youssou Ndour… A l’école, il poussait aussi la chansonnette. Ibrahima Touré, le troisième chanteur, qui se fait appeler Machété, ne jurait lui que par le Sénégalais Baaba Maal. Ali, Boubacar et Ibrahima sont les trois superbes voix de ce groupe de 14 copains.

Les Espoirs sont nés

L’année 1992 marque un tournant pour le groupe. C’est l’année de leur premier grand show, celle où ils ont trouvé leur nom. Baba, le propriétaire du bar Castille à Conakry, la capitale guinéenne, invite alors le groupe à se produire en première de… Baaba Maal.

Machété, tant d’années plus tard, est encore tout ému quand il se remémore ce concert:

«Ça a été un moment terrible, quand il chante en acoustique, ça m’inspire».

Le cachet obtenu leur permet d’acheter leurs premiers vrais instruments. Pour le nom, c’est un journaliste, désormais décédé, qui l’a trouvé. Ali Bader Diakhité leur a dit: «Vous êtes très jeunes, je vous donne le nom "Espoirs"». Coronthie, c’est leur quartier pauvre de Conakry. Les Espoirs de Coronthie naissent. Face à la «pauvreté et aux difficultés de l’Afrique», ils choisissent la musique pour s’en sortir.

Des petites rues de Coronthie aux grandes scènes mondiales

Quelques années plus tard, un musicien français, Antoine Amigues, en vacances en Guinée, les repère.

«On sortait faire les ninjas dans les petites boîtes», explique Ali. «Faire les ninjas, c’est aller dans les petits maquis [des restaus-bars installés chez des particuliers, ndlr], chanter puis passer le chapeau pour gagner un peu d’argent qu’on se partageait».

Antoine leur laisse une guitare, eux qui ne juraient que par les balafons, koras, djembés, gongomas… Machété, entre autres, apprend à s’en servir.

En 2002, les Espoirs de Coronthie autoproduisent un premier album intitulé Patriote. Deux ans plus tard, avec leur ami Antoine Amigues, ils sortent Dounya igiri (Le chemin de la vie), vendu à 70.000 exemplaires. En 2007, c’est leur première tournée en France. Puis, à partir de 2008, ils partent à l’assaut de l’Europe avant de découvrir le continent américain en 2011. Entre-temps, ils sortent un troisième album, Tinkhiyi, en 2009.

Sur scène, ça décoiffe! L’énergie scénique et musicale ne laisse pas indifférent. La musique traditionnelle est bien là mais plus rythmée, entraînante, groovy… comme les pas que Machété aligne pour faire danser les spectateurs ou comme le jeu de jambes endiablé de Boubacar, qui manie en même temps des maracas colorées. Les Espoirs de Coronthie s’amusent sur scène, on se prend à les imaginer lorsqu’ils étaient hauts comme trois pommes et on se dit qu’ils n’ont pas dû tant changer que ça…

Des petites rues de Coronthie aux grandes scènes mondiales, leur rêve d’enfant s’est réalisé. Et pour aider les autres gamins de Coronthie ou d’ailleurs à réaliser le leur, en 2009 ils ont fait naîtrel’espace culturel Fougou Fougou Faga Faga, à Conakry. Un studio d’enregistrement, une scène pour se produire et l’objectif de créer des ponts entre l’Afrique et l’Europe, via la culture. Quant au quatrième album du groupe, ils le promettent pour 2012.

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