La Guinée nouvelle
3 Février 2010
Second fait, l’arrestation du colonel Moussa Keita, secrétaire permanent du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) , présente une fissure de plus dans le corps de ce qui reste de la junte guinéenne. Mais à vrai dire, on pouvait quelque part s’y attendre un peu. L’homme que l’on a écarté (temporairement ?) aux motifs d’indiscipline visant à déstabiliser la transition s’était déjà singulièrement distingué par deux fois à Ouagadougou. La première fois lorsqu’il conduisit la délégation du CNDD pour une rencontre avec le médiateur Blaise Compaoré, peu de temps après le drame du 28 septembre, et la seconde fois, quelque temps après le débarquement impromptu de Dadis dans la capitale du Burkina Faso, lorsqu’il fut question de négocier les accords de Ouagadougou.
Dans les deux cas, Moussa Keita se sera fait remarquer par son intransigeance. Partisan de Dadis jusqu’au suivisme, son radicalisme lui fit dire que le départ de
Dadis reclamé par les Forces vives était non négociable, et plus tard il tint coûte que coûte à ramener le capitaine-président à Conakry. Envers et contre tous d’ailleurs, puisque c’est Dadis
lui-même qui déclara qu’il resterait à Ouaga pour terminer sa convalescence, et appela ses partisans à adhérer au processus nouveau qui, désormais, devait se faire sans lui. Keita, par son
obstination, se montre sans doute plus royaliste que le roi. Au risque de faire croire qu’il se sert du "pion" Dadis pour rouler pour son propre compte et prêcher pour sa propre chapelle.
En tout état de cause, les autorités guinéennes ont fait preuve de bon sens en réduisant au minimum le temps d’arrestation de Moussa Keita. L’homme a certainement ses partisans, et nul ne sait
jusqu’où ils seraient allés si d’aventure leur chef avait été embastillé. C’est peu de dire que la Guinée n’est pas encore sortie de l’auberge. Et il faut sans doute que chacun des protagonistes
du processus de sortie de crise déploie des trésors d’ingéniosité pour que se dissipent certains sombres nuages qui pèsent sur cette transition. Sinon, il faudrait reculer les échéances, d’abord
une fois, puis une seconde fois, et pourquoi pas une troisième ? Se mettraient alors en place tous les ingrédients nécessaires à un certain syndrome, bien connu dans l’Ouest africain, mais
en même temps fort redouté. Il leur revient de l’éviter à tout prix.