18 Août 2010
Quelqu'un a écrit récemment dans un média en ligne: <c'est Alpha Condé qui a introduit l'ethnie dans le débat politique guinéen...>.
Cette affirmation n'est pas tout à fait exacte. En effet la tendance au repli ethnique électoral constaté lors du scrutin du 27/6/10 n'est pas le résultat de la campagne menée par l'un des candidats, mais celui de l'exercice du Pouvoir d'Etat pratiqué en République de Guinée depuis le départ des colons en 58.
Au début la première République avait été mise en route par une équipe collégiale dirigée principalement par Sékou Touré (ST) Président de la République et Saïfoulaye Diallo (SD) Président
de l'Assemblée Nationale. Leurs deux photos ornaient tous les bureaux des grands services d'Etat. Mais dès 63 les photos de SD sont retirées sur ordre de ST, laissant seule celle de ST. Le
bi-céphalisme à la tête de la Guinée était ainsi terminé.
Pourtant en 68, au Congrès du PDG tenu à Foulaya, c'est SD qui gagne l'élection au poste de Secrétaire Général du parti; mais il renonce à sa victoire en faveur de son ami ST qui garde ainsi le
monopole de l'Etat et du parti, ce qui sera institutionnalisé par la suite sous le nom de parti-Etat.
Alors s'en suit l'accélération de la transformation progressive qui finit par réduire le noyau central du Pouvoir au clan familial de ST; d'ou la qualification du régime de malinké; à tort en fait car telle n'était pas la décision concertée de cette communauté, mais celle de l'individu ST dont l'horizon tribal apparaissait ainsi malgré ses interminables élucubrations sur des thèmes universels. Par exemple, l'autre fondateur et dirigeant du PDG, Mamadou Traoré dit Ray Autra, n'aurait probablement pas eu le même comportement.
Lansana Conté pour sa part, après l'élimination du groupe de Diarra Traoré, s'est rapidement entouré du CRA (Comité de Réflexion et d'Action), véritable lobby soussou autoproclamé; qui s'est effectivement emparé des principaux leviers de l'Etat, de façon méthodique et systèmatique, et qui a porté le pillage à un niveau inégalé jusque là. Mais là aussi l'escroquerie intellectuelle est évidente: le CRA est non une émanation de la communauté soussou, mais celle d'un petit groupe maffieux créé par cooptation en excluant tout non soussou et tout soussou ne partageant pas leur projet maléfique; pour utiliser de manière malhonnête le manteau ethnique afin de tirer le maximum de profits de l'Etat; notamment de favoriser la création rapide d'une centaine de milliardaires parmi eux, non par le travail créateur, mais exclusivement par le pillage des impôts, droits de douane, aides étrangères, etc.; condamnant du même coup l'écrasante majorité des guinéens, soussous compris, à galérer pour survivre, malgré les immenses potentialités du pays
Quant à Moussa Dadis Camara (MDC), il a engagé dès janvier 2009 une véritable course contre la montre pour rattraper en quelques mois ce qu'il considérait comme le retard des guerzés dans les FDS (Forces de Défense et Sécurité) et l'Administration guinéenne; avec les mêmes méthodes et objectifs que ses prédécesseurs; tout en fustigeant avec rage le soi-disant ethnocentrisme des Peuls qu'il considérait en fait comme les principaux obstacles à son droit reçu de ses prédécesseurs pour des décennies de règne.
Je dis soi-disant ethnocentrisme des Peuls parce qu'en effet ceux-ci, héritiers de la culture pastorale de leurs ancêtres marquée par un individualisme farouche, ont surtout montré pendant ce premier demi-siècle de l'indépendance guinéenne leur incapacité structurelle à s'atteler à un objectif tribal au sein de la Nation guinéenne. En vertu de quoi aucun des leurs qui se sont retrouvés dans la haute hiérarchie de l'Etat ne pouvait se considérer comme leur représentant; pas même SD dont la disgrâce évoquée plus haut avait passé comme une lettre à la poste. Même en 76, lorsque ST a sorti officiellement tout l'arsenal de l'Etat pour canarder sans gêne cette grosse partie de la population, il n'a pas été possible d'obtenir une réaction collective des intéressés. Cette opération avait cependant échoué lamentablement parce que les appels au meurtre de ST étaient restés lettre morte à l'unanimité des autres ethnies guinéennes, habituées qu'elles sont à vivre en harmonie et dans le respect mutuel avec les Peuls depuis des siècles.
Depuis le début donc, l'ethnie a été mise au centre de la vie publique guinéenne: les recrutements pour l'Etat à tous les niveaux s'effectuent par copinage et magouille, à l'exclusion de tout souci de compétence, de justice, et d'équilibre; selon qu'on est ou pas de l'ethnie du Potentat, on a des facilités ou des blocages arbitraires. C'est une véritable maladie qui a généré des milliers de carriéristes ennemis de l'intérêt général, prêts à tout pour leurs intérêts égoïstes, et impitoyables pour leurs prochains. Ce sont eux qui ont mis et maintenu à genou le pays et l'écrasante majorité de la population. Ils constituent malheureusement une proportion trop importante de la classe politique guinéenne actuelle.
Le 19 septembre prochain nous serons donc de nouveau à la croisée des chemins: il y aura à choisir entre la poursuite de ce qu'on a déjà subi, et le démarrage de la remontée du trou ou nous végétons depuis si longtemps.
L'examen des profils des deux candidats à la lumière de ces deux perspectives est vite concluant:
D'un côté Cellou Dalein Diallo et ses alliés: pour instaurer dans l'ensemble de la communauté nationale la culture de l'effort efficace et du partage équitable dans le respect mutuel, seuls à même de sortir nos compatriotes de la misère actuelle; au moyen d'un Etat de droit fondé sur le principe de compétence, le respect des personnes, et l'équilibre entre les régions.
De l'autre côté Alpha Condé et ses alliés: en faisant sien l'héritage intégral de ST (son fils Mohamed Touré et son parti le PDG), il a mis bas les masques et, du même coup, s'est disqualifié définitivement dans la course à la relance de notre pays. Peut-on en effet imaginer un parti de l'Allemagne actuelle se mettre à réhabiliter Hitler et faire alliance avec les néo-nazis?
C'est désormais une bataille politique sans merci qu'il faut livrer au RPG et ses alliés, pour éviter absolument le retour aux affaires de ceux-là mêmes qui ont organisé méthodiquement le déclin de la Guinée et l'ont transformé en pays d'émigration massive pour fuir les crimes politiques et la misère. L'écrasante majorité des émigrés et leurs familles restées au pays sont directement concernées par ce combat.
En tout état de cause, tout le monde doit savoir que les guinéens sont debouts et que les blocages subis jusqu'ici ne se répéteront plus jamais.
Alors, chers compatriotes, à vos urnes pour le bon choix.
Amadou Sadio Bah