15 Janvier 2013
Même si, selon les diplomates, l'heure est à la «consultation permanente» entre les deux rives de l'Atlantique sur le dossier malien, les Américains se retrouvent pris à contre-pied par l'intervention rapide et dénuée d'hésitations de la France pour arrêter l'insurrection islamiste dans le nord du Mali. «Il y a certainement à Washington un soutien et un vrai soulagement de voir les Français prendre l'initiative, vu l'urgence d'agir», note la directrice du programme Afrique au Centre pour les études stratégiques et internationales, Jennifer Cooke.
S'exprime même, notamment chez les néoconservateurs, un coup de chapeau à ces Français qui savent encore se comporter en «gendarmes de crise» et y aller (contrairement à l'Administration Obama, sous-entendent-ils). Mais l'action rapide de la France et les derniers développements sur le terrain jettent a contrario une lumière crue sur les naïvetés, les mauvais calculs et les échecs récents des Américains dans une région sahélienne où ils avaient massivement investi ces dernières années.
Depuis des mois, les États-Unis freinaient activement le déploiement des troupes de la Cédéao réclamées par le gouvernement malien, au motif que l'opération n'était pas suffisamment préparée. L'ambassadrice américaine à l'ONU, Susan Rice, avait carrément affirmé à l'automne que le plan soutenu par la France au Conseil de sécurité était «de la m…»
Un consensus avait finalement été trouvé à l'arraché en décembre pour voter une résolution autorisant le déploiement d'une force africaine. Mais Washington persistait à préconiser la lenteur, appelant à des élections préalables, le gouvernement malien étant issu d'un putsch… Ils s'inquiétaient d'une intervention trop ostentatoire, susceptible d'attirer vers le Mali les djihadistes du monde entier et de susciter une recrudescence d'actes terroristes en Occident. «Ces inquiétudes restent valides, mais le terrain a dicté d'agir différemment», reconnaît Jennifer Cooke, qui ne serait pas étonnée de voir les Français «forcés de jouer un rôle de premier plan plus longtemps que prévu».
Les Américains avaient fortement investi dans la formation de l'armée malienne, dans le cadre d'une ambitieuse politique de contre-terrorisme dans la région Sahel. Près de 600 millions de dollars avaient été consacrés par Washington à entraîner les militaires locaux, recrutés notamment dans les tribus touarègues. Mais cet effort de formation a été réduit à néant par la défection massive d'unités ralliées à l'insurrection islamiste. Un officier formé par les militaires américains a organisé un putsch contre le pouvoir civil, à la stupéfaction des États-Unis qui n'avaient apparemment rien vu venir, notait lundi le New York Times. L'été dernier, le général Carter Ham, en charge du commandement Afrique, avait évoqué «sa déception amère».
À la demande des Français, les Américains fournissent maintenant une aide logistique et se préparent à envoyer des drones de renseignements sur le terrain. Mais Washington, qui s'apprête à sortir plus vite que prévu de la longue campagne afghane et rumine encore ses faux pas maliens, exclut pour l'instant toute participation directe à l'opération de la France, forcée à un solo impromptu et risqué.