3 Août 2012
Occupé par les intégristes, disputé par la rebéllion touareg, investi de trafics criminels, le nord du Mali est une poudrière. C'est l'occasion pour les milices d'autodéfense de réinvestir le terrain. Le quotidien malien L'Essor a rencontré les combattants de la plus célèbre de ces milices.
Ganda Koy, "Les maîtres de la terre" ou encore "Les propriétaires terriens" en songhaï, est une milice d’autodéfense créée dans les années
1990.
A l’époque, elle avait largement bénéficié du soutien de populations très diverses : riziculteurs songhaïs, éleveurs peuls, pêcheurs bozos,
ouvriers bellas et même de quelques pasteurs touaregs. Très rapidement , Ganda Koy s’était dotée d’un comité des sages à Gao [deuxième ville du nord] et d’un comité d’appui à Bamako, la capitale.
Elle bénéficiait également du soutien indirect de l’armée, des services de sécurité ainsi que du ralliement de jeunes Songhaïs issus de pays voisins (Ghana, Nigeria, Bénin, Togo,
etc.).
Aujourd’hui, face aux séparatistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et à leurs ex-alliés islamistes, une nouvelle
version de Ganda Koy est née et a pris ses quartiers à Mopti [ville sur le fleuve Niger au sud-ouest de Gao]. Ses combattants volontaires sont en pleine formation pour participer à la reconquête
des territoires occupés.
Elle est dirigée par Abdoulaye Nadjim Maïga, qui fait partie des 12 membres fondateurs de la milice. Il est chef d'état-major adjoint et chef
des opérations de Ganda Koy.
"Dans les années 1990, j'étais le plus jeune, explique Abdoulaye Maïga. "Aujourd’hui, ceux de ma génération ne sont que des colonels-majors
dans l’armée malienne. L’intégration au sein de l’armée nous a été refusée tant qu’on ne passait pas par le recrutement. Mais au même moment, les ex-combattants touaregs [de la rébellion des
années 1990] ont été intégrés par centaines sans passer par la voie du recrutement. Et pourtant, la majorité de ces intégrés se sont retournés contre l’Etat avec les moyens logistiques de
l’armée."
Assis sur un tapis, les jambes croisées, il est entouré de ses lieutenants les plus proches. Il assure que sa troupe est forte de plus de "2
000 hommes" et compte 37 femmes. "La rébellion de cette année est la conséquence de l’injustice des autorités d’alors", accuse-t-il. "La majorité sont des jeunes. Mais on croise aussi des
quadragénaires et même des quinquagénaires. Tous n’ont qu’un seul objectif : libérer les terres ancestrales aujourd’hui occupées."
La plupart de ces combattants savaient déjà manier une arme automatique. Ils comptent sur le soutien logistique de sympathisants pour
renforcer le peu de moyens dont ils disposent. A l’heure du rassemblement, ils se mettent en rang dans une discipline toute militaire. Pourtant seuls quelques-uns arborent le treillis et les
rangers réglementaires. La plupart sont en tenue civile. Quelques-uns, dont des femmes, arborent fièrement des kalachnikovs. Ces combattants volontaires ne viennent pas que des régions nord du
Mali. "Il n'est pas question de nordistes ou de sudistes, mais seulement de Maliens, car c’est le Mali, notre pays, qui est menacé et coupé en deux par des envahisseurs, confie l'un d'entre
eux. Je suis élève-enseignant mais j’ai toujours rêvé du métier des armes, et c’est la bonne occasion pour moi?”
Comme lui, la plupart des combattants volontaires escomptent intégrer les rangs de l’armée après la guerre de libération des régions
occupées. "La plupart de ces jeunes se voient déjà militaires, mais reste à savoir si les recruteurs ont abordé cette question avec les autorités de l'état-major. Mieux vaudrait trouver la
réponse dès maintenant pour éviter une situation compliquée plus tard, s'inquiète avec raison un haut fonctionnaire de Mopti dont les locaux sont devenus l'un des camps d'entraînement de Ganday
Koy. "Un jeune qui sait manipuler les armes et se retrouve au chômage risque d’être tenté par la vie facile”, prévient-il.
courrier international