31 Mars 2012
Tout s'accélère dans le Nord du Mali. Ce matin, l'attaque de Gao (1200 km de Bamako) a commencé, on s'y bat encore. Mais plus à l'ouest, la grande ville de Tombouctou (900 km de la capitale) est sur le point de tomber.
Vendredi, les forces régulières de Nyafunke, à une centaine de kilomètres de
Tombouctou, avaient abandonné leur camp pour se replier sur Tombouctou. Cela ressemblait déjà à une défaite, car Nyafunke est un camp important. Puis, dans la foulée, de nouvelles négociations
(celles des semaines passées avaient échoué) ont eu lieu entre des dignitaires de cette ville de et des responsables du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).
Les grands commerçants des groupes dits "arabes", très influents dans Tombouctou,
veulent obtenir des garanties pour leurs propriétés si la ville venait à être prise par les rebelles. En substance, pas de pillages. En échange : tombouctou serait "ville
ouverte".
Ces négociations, qui ont duré jusqu'à quatre du matin, mais ont à nouveau échoué, et
la ville va donc être attaquée. Quel sera le niveau de résistance ? Les rebelles ont-ils les moyens de l'emporter ?
Un habitant de la ville, joint au téléphone dans son jardin tout proche du camp
militaire donne la réponse : "tout ce qui porte uniforme est en train de quitter la ville, de même que les familles. Tout le monde essaye de fuir en direction de Douentza".
Cette dernière localité se trouve sur la route qui mène vers Mopti, puis Ségou, et
enfin Bamako. Cette constatation amène cet habitant a conclure : "d'un moment à l'autre les rebelles vont entrer dans la ville".
L'offensive rebele est bel et bien foudroyante. Hier, les forces combinées d'Ansar
Dine, le mouvement d'Iyad Ag Ghali alliées au MNLA prenaient Kidal, ce qui représente une grosse prise et un choc psychologique important pour la junte au pouvoir à Bamako comme pour le pays tout
entier.
A présent, les rebelles semblent progresser en profitant de l'état de désorganisation
de l'armée encore accentuée par le coup d'état. Des officiers supérieurs ont été mis à l'écart lors du putsch, parfois arrêtés. D'autres, à qui il arrivait d'avoir trempé dans des projets
concurrents de renversement du régime, hésitent à associer leur nom au groupe de jeunes officiers subalternes qui a réussi à s'emparer du pouvoir le 22 mars.
Dans ce contexte, la rébellion bénéficie d'un terrain favorable. La classe politique,
à Bamako, tente à présent de réaliser une "union sacrée", pro et anti-putsch de toutes tendances confondues, pour essayer de prendre part à un sursaut national. Mais personne n'est en mesure de
dire à présent jusqu'où iront les rebelles, même s'ils n'avaient jusqu'ici jamais parlé d'opérer au delà de leur "région", l'Azawad, au Nord du Mali.
Est-ce qu'à la faveur du désordre, leurs plans auraient changé ? A Bamako, les
putschistes espèrent tirer parti de cette situation pour convaincre l'organisation des états de la région, la Cédéao, de suspendre leur ultimatum exigeant de rétablir la constitution et un
pouvoir civil d'ici lundi, faute de quoi le pays serait victime de sévères sanctions de ses voisins qui l'enfermeraient pratiquement dans ses frontières.
La junte du capitaine Sanogo peut espérer gagner du temps sur le terrain diplomatique,
trois de ses envoyés se trouvent du reste à Ouagadougou (au Burkina Faso, dont le président est désigné comme médiateur par la Cédéao) pour tenter de négocier un répit sur le terrain des
éventuelles sanctions. Mais ce n'est pas ce qui, à ce stade, sauvera une armée en plein naufrage sur le terrain du nord, même si à Bamako, des responsables politiques feignent de croire qu'il
suffirait que la Cédéao oublie ses sanctions, laisse les capitaines au pouvoir, et donne du matériel aux forces régulières pour permettre de renverser la vapeur militaire face aux rebelles. En
réalité, la situation est bel et bien d'une extrême gravité, l'armée donne l'impression de s'effondrer, et seules des pressions internationales sur certains acteurs peuvent éventuellement bloquer
l'effet boule de neige de l'avance rebelle.