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La Guinée nouvelle

Me Mohamed Sampil dénonce "le péril de l'État de droit en Guinée"



Le Premier Président de la Cour suprême de Guinée M. Mamadou "Syma" Sylla a été installé dans ses fonctions le 16 mars à la Cour Suprême sous la présidence du Premier ministre, Jean-Marie Doré qui a promis de mettre des moyens à la disposition de l'administration judiciaire pour son indépendance financière. Alors qu'au même moment, le Conseil de l'ordre des avocats de Guinée, tenait une conférence de presse au siège du Barreau de Guinée. Les avocats n'ont pas été invités à cette cérémonie d'installation du Président de la Cour Suprême.



En effet depuis une semaine, les avocats de Guinée observaient une grève en boycottant les Assises des cours et tribunaux de l'ensemble du pays pour protester contre l'immixtion du pouvoir Exécutif sur celui judiciaire. Ces Assises ne reprendraient qu'au 29 mars prochain.



Au cours de la conférence de presse, Me Mohamed Sampil, le Bâtonnier de l'ordre des avocats a dénoncé "le péril de l'État de droit en Guinée". Selon lui, leur conférence est une suite de leur grève déclenchée le 11 mars dernier pour protester contre 'l'immixtion de l'exécutif dans le judiciaire. Autrement dit, déclare Me Sampil, les avocats sont contre "les atteintes répétées à l'indépendance de la magistrature, la politisation des dossiers des présumés narcotrafiquants et des détournements de deniers publics par les services du Lieutenant-colonel Moussa Tiegboro Camara, ministre d'État chargé des services spéciaux de la lutte anti-drogue et du grand banditisme."



Ils ont suspendu leur mouvement ce mercredi mais, ont fait savoir à l'opinion nationale de tenir prochainement une assemblée générale au cours de laquelle d'autres décisions seront prises. Notamment écrire au Président de la République par intérim, le Général Sékouba Konaté pour lui demander "la suppression" du ministère d'État chargé des services spéciaux, lui dire que "la justice est bloquée et d'appeler à son arbitrage."



Mais malgré leur grève, les hommes en robe noire affirment constater "des agressions quotidiennes de l'État de droit en Guinée".

Me Mohamed Traoré, ancien avocat de Ahmed Kanté, rappelle que lorsqu'il a senti une volonté de règlement de compte dans le dossier de son client, il a démissionné. Parce que dit-il, il n'y avait pas de raisons qu'Ahmed Kanté soit le seul à comparaître. Me Traoré pense et en moralisateur, qu'il faut défendre "les principes puisqu'ils sont communs à tous les avocats quelques soient leurs positions dans un procès. Le respect de la loi ne se fait pas dans l'intérêt d'une personne. Parce que si ces personnes-là, étaient hier invulnérables, intouchables, aujourd'hui elles sont à la prison centrale. Les gens qui sont en train de s'agiter aujourd'hui, par-ci, par-là, parfois à tort, doivent savoir que la route de l'histoire tourne. Il y a même parmi eux des candidats à la CPI. Il n'est pas exclu qu'ils puissent avoir besoin des avocats Guinéens pour assurer leur défense. C'est pourquoi, chacun doit se battre pour le respect des principes. Seuls les principes nous protègent. Personne n'est assez fort, pour être toujours le plus fort."



"Dans le dossier Ahmed Kanté, on a tout fait pour faire comparaître à l'époque M. Alhassane Onipogui, ministre du Contrôle économique et financier. Le procureur qui a insisté pour sa comparution, Yaya Kairaba Kaba, a été muté à l'intérieur du pays", rapporte Me Traoré. Pour Me Sampil, quand la politique et le judiciaire se croisent, le judiciaire est fragilisé. Alors qu'il faut cette séparation de pouvoir enseignée par Montesquieu."



Me Traoré de préciser: "Dans le dossier des présumés narcotrafiquants, depuis les enquêtes au Camp Alpha Yaya jusqu'à leur transfèrement à la maison centrale de Coronthie, le Code de procédure pénale a été méconnue."



Rappelons que ces présumés auteurs sont emprisonnés depuis le 12 février 2009. Me Traoré pense que leurs avocats ont essayé, tant bien que mal, "à les défendre. Certains ont bénéficié d'un non lieu qui, malheureusement, n'a jamais été respecté. Parce que dit-il, le ministre Tiegboro ne veut pas qu'il ait arrêté des personnes et qu'elles soient libérées par la magistrature. Si ça ne tenait qu'à lui, elles doivent croupir en prison. Là ce ne sont plus des dossiers judiciaires, estime-t-il." Pourant le Ministre Tiegboro, n'est "qu'un officier de police judiciaire" à qui la loi ne confère pas le pouvoir de juger quelque présumé auteur de quoi que ce soit.




Me Sampil s'indigne du fait qu'on dit dans tous les textes de loi qu'il y a une indépendance de la magistrature en Guinée alors que "la triste réalité, est que la magistrature est l'otage de certains cercles qui ne veulent nullement voir son indépendance. Le Barreau, en tant que sentinelle de l'État de droit, ne l'acceptera pas". Selon lui, les avocats ont enterré leurs querelles intestines qui les opposent pour "faire respecter les principes du Code de procédure pénale et du Code pénale". Me Sampil a rappelé que la caractéristique principale de l'État de droit, est la soumission de tous au droit y compris ceux qui gouvernent. Une différence de l'État de police, dit-il, où règne le bon vouloir du prince. "Les pays de grande démocratie ont acquis leur notoriété par le respect de la loi et de leur patrie, " a dit le Bâtonnier. Mais en Guinée regrette-t-il, l'influence du ministre Moussa Tiegboro Camara dans les dossiers de présumés narcotrafiquants et détournements de deniers publics est telle "qu'on a l'impression que ces personnes n'ont pas droit à une liberté provisoire même quand elles sont malades".




Or, déclare Me Barry, avocat de Capitaine Ousmane Conté, qui avoue que son client est malade, comme M. Bakary Thermite Mara, M. Victor Traoré, au procès de Nuremberg, ceux qui avaient commis des crimes contre l'humanité avaient des droits. Certains auraient même bénéficié d'une liberté provisoire sous contrôle judiciaire puisqu'ils étaient malades. Mais selon lui, dans le dossier de ces présumés auteurs Guinéens, "il y a deux poids deux mesures. Le Général Jacques Touré est actuellement dans un hôpital privé de la place," cite-t-il en exemple.



Me Sampil a repris le micro pour défendre le Conseil de l'ordre des avocats en ces termes: "Loin de nous une volonté de dédouaner quelqu'un de quelques infractions que ce soient. Nous ne sommes pas en train de dédouaner des présumés auteurs de trafic de drogue. Le trafic de drogue était connu sous le régime du Général Conté. Mais nous voulons que la procédure soit respectée, c'est une nécessité."



Me Fadiga, un des doyen des avocats invité à la cérémonie, a critiqué le ton de Me Sampil qu'il a conseillé de peser ses mots devant les journalistes. Peu après la sortie du dit doyen, Me Sampil a regretté qu'un doyen de son âge ne se positionne pas pour défendre l'Etat de droit en Guinée puisqu'en ce domaine, aucun Guinéen n'a subi "des coups plus que le barreau et la presse dans leurs noble combat pour éclairer l'opinion".

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