21 Mai 2011
Tous les coups sont permis. Soupçonnée par certains médias américains d’être séropositive au motif qu’elle vit dans un immeuble où sont effectivement logés des malades du sida, Nafissatou Diallo, 32 ans, est soumise à forte pression. Cependant, la victime présumée de DSK est davantage une femme humiliée. Hier, ses voisins du 1040 Gerald Avenue, dans le quartier populaire du sud du Bronx, ont pris sa défense pour dénoncer cet amalgame.
A cette adresse, un immeuble traditionnel new-yorkais, les habitants décrivent « une très jolie jeune femme agréable à regarder » comme le souligne Tony, un jeune Portoricain qui tient la porte du hall d’entrée avec trois autres comparses récitant du rap. « Tous les occupants de cet immeuble ne sont pas des malades du sida! Ici sont placés des gens bénéficiant de l’aide sociale au logement, d’anciens toxicomanes ou des femmes comme moi, victimes de violences conjugales », explique Tanya, une résidante au visage fatigué, clouée dans un fauteuil roulant électrique.
« D’autres locataires bénéficient d’appartements à loyer modéré », ajoute-t-elle. La société propriétaire de l’immeuble, Chain Gross, met des appartements à la disposition de différents
organismes d’aide sociale, comme Harlem United qui prend en charge les malades du sida, mais aussi l’association Bridge qui gère tous ceux qui ont besoin d’un logement d’urgence après avoir
souffert d’addictions à la drogue.
Toujours souriante et
aimable
A quelques pâtés de maisons plus à l’est, la révélation de l’agression endurée par Nafi a mis sens dessus dessous la communauté guinéenne de l’ethnie Foula installée dans le sud du Bronx. « Je suis persuadé que si cela ne dépendait que d’elle, cette histoire ne serait jamais sortie », jure Mamadou Diallo, l’un des responsables de la communauté guinéenne. « Nafi et moi venons de la même petite ville, Lélouma, à peine 5000 habitants dans une région montagneuse. Elle n’a pas beaucoup d’éducation, c’est une femme simple », continue cet homme avant de décrypter l’impact de cette agression sur la jeune femme à la culture africaine.
« Elle a dû avoir honte d’être victime de ce genre d’agression, déduit-il. Pour elle et sa famille, c’est une véritable humiliation. Ils auraient sans aucun doute préféré que personne ne soit jamais au courant de ce drame. Ce sont des collègues de travail qui ont dû la persuader de porter plainte. » Les yeux de Mamadou Diallo se remplissent de larmes alors qu’il raconte quand et comment il a rencontré sa compatriote : « C’était il y a trois ans, Nafi était serveuse dans un restaurant gambien. Toujours souriante et aimable .»
Le propriétaire gambien de l’établissement, une petite cantine africaine située sur l’une des grandes artères du Bronx, se souvient parfaitement de « cette employée modèle et
charmante » qui a travaillé pour lui « pendant trois ans ». « Puis elle a obtenu ses papiers (NDLR : la fameuse carte verte permettant de travailler légalement aux Etats-Unis) et elle est partie.
Elle revenait de temps en temps acheter à manger. » Pour protéger cette femme placée sous les feux des projecteurs bien malgré elle, l’imam de la mosquée que Nafi fréquente avec sa grande
sœur dans le Bronx a insisté auprès de ses fidèles. Ils ne doivent dévoiler aucune information la concernant.