25 Juillet 2011
La femme de chambre guinéenne qui accuse Dominique Strauss-Kahn de l’avoir agressée sexuellement a lancé dimanche une offensive médiatique pour faire emprisonner l’ancien directeur du FMI et laver son honneur après que sa crédibilité eut été mise en cause.
Après avoir strictement fui les médias depuis plus de deux mois, la victime présumée a livré au magazine Newsweek sa version de l’agression qu’elle dit avoir subie à New York. «A cause de lui, on me traite de prostituée», a déclaré cette femme qui depuis le 14 mai s’était cachée avec sa fille de 15 ans dans un hôtel tenu secret.
«Je veux qu’il aille en prison. Je veux qu’il sache qu’il y a des endroits où on ne peut pas utiliser son pouvoir, où on ne peut pas utiliser son argent», a ajouté la jeune femme guinéenne.
La femme de chambre guinéenne est apparue lundi matin à la télévision pour la première fois depuis sa rencontre avec Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI, dans une suite du Sofitel le 14 mai, dans des extraits d’une interview à la chaîne ABC.
C’est une femme grande, robuste, avec un visage tout en rondeurs qui est apparue sur les écrans. La femme de 32 ans témoigne d’une voix douce, avec un léger accent africain, n’hésitant pas à mimer, en se prenant les seins ou en mettant un genou à terre, ce qui s’est passé selon elle, dans la chambre du Sofitel.
«Je n’ai aucune envie de me montrer en public mais je n’ai pas le choix. Maintenant je dois apparaître. Il le faut, pour moi. Je dois dire la vérité», déclare-t-elle.
Elle revient sur les quelques minutes passées avec Dominique Strauss-Kahn dans la suite 2806. La défense de l’ancien chef du FMI fait valoir une relation consentie quand Nafissatou Diallo décrit une tentative de viol.
«J’ai tourné ma tête. Il est venu vers moi et m’a attrapé les seins», dit-elle en touchant sa poitrine. «J’ai dit +arrêtez, arrêtez, je ne veux pas perdre mon emploi. Mais il a continué à me pousser. J’avais tellement peur», ajoute-t-elle.
Elle confie avoir découvert le lendemain des faits présumés, aux informations, qui était l’homme de la suite 2806. "Et alors, ils ont dit qu’il allait être le prochain président français. Je me suis dit +oh mon Dieu" et j’ai pleuré. Je me suis dit +ils vont me tuer+", raconte-t-elle.
Cette apparition aura eu lieu exactement une semaine avant l’audience du 1er août au cours de laquelle DSK, inculpé de sept chefs d’accusation dont agression sexuelle et tentative de viol, doit de nouveau comparaître devant un tribunal de New York.
La justice américaine a décidé le 1er juillet de libérer Dominique Strauss-Kahn sur parole, mais sans abandonner les poursuites pour crimes sexuels contre l’ancien chef du FMI, faisant état de «récit erroné» de la femme de chambre.
Des allégations selon lesquelles cette dernière entretiendrait des liens avec le milieu criminel ont également porté préjudice à sa crédibilité. Elle a discuté, quelques heures après les faits, avec un trafiquant détenu, de l’intérêt de poursuivre les accusations contre l’ancien ministre français, conversation qui a été enregistrée, selon les médias.
«J’ai dit (aux enquêteurs) ce que cet homme m’a fait. Ca n’a jamais changé. Je sais ce que cet homme m’a fait», a-t-elle déclaré à Newsweek.
«Je veux la justice. Je veux qu’il aille en prison», a-t-elle déclaré à ABC, selon des extraits diffusés en avance par la chaîne. «Dieu m’est témoin: je dis la vérité. Avec mon coeur. Dieu le sait. Et (DSK) le sait», a dit la femme de 32 ans.
Elle a reconnu sur ABC avoir commis «des erreurs», tout en assurant que sa version des faits n’avait jamais changé depuis le 14 mai et son agression présumée dans une suite présidentielle de l’hôtel Sofitel de New York.
Elle a raconté qu’en entrant dans la suite, elle avait dit: «Bonjour, service de chambre». Un «homme fou», nu et à la chevelure grise est alors apparu, a-t-elle dit.
Alors qu’elle se confondait en excuses, et voulait quitter la chambre, DSK lui aurait dit «Vous n’avez pas à être désolé», a-t-elle affirmé à Newsweek.
L’ex-patron du FMI aurait alors agrippé sa poitrine et claqué la porte de la suite. La femme de ménage livre ensuite au magazine un récit en termes crus de ce qui se serait passé, selon elle, dans la chambre luxueuse.
Une conversation téléphonique enregistrée le lendemain des faits présumés avec un détenu en Arizona a aussi fait lever des doutes sur ses motivations. «Ne t’inquiète pas. Ce type a beaucoup d’argent, je sais ce que je fais», aurait dit la Guinéenne.
Ces rebondissements ont amené la plupart des analystes et experts en droit pénal américain à estimer que l’affaire n’irait pas jusqu’au procès et que le procureur serait obligé d’abandonner les poursuites ou d’en réduire la portée.
Sur ABC, le chroniqueur judiciaire Dan Abrams a estimé, en ce sens, que l’interview constituait une tentative de la dernière chance: «Ses avocats ont sans doute pensé qu’ils n’avaient pas d’autres choix que de mettre une énorme pression médiatique sur le procureur pour que l’affaire ne soit pas enterrée».
Les révélations sur le récit erroné de la jeune femme et sur ses fréquentations avaient amené un tabloïde new yorkais à la présenter comme une prostituée. «Etes-vous une prostituée?», lui a demandé la journaliste d’ABC Robin Roberts. «Non, et on ne m’a jamais appelée ainsi de toute ma vie», a-t-elle répondu en larmes.
Immédiatement, les avocats de M. Strauss-Kahn sont montés au créneau, déclarant que l’accusatrice cherchait à «enflammer l’opinion publique»; La partie adverse dénonçant pour sa part une «campagne de diffamation».
«Ce comportement de la part d’avocats est non-professionnel et viole les règles fondamentales du comportement professionnel des avocats», ont affirmé dans un communiqué les défenseurs de DSK, William Taylor et Benjamin Brafman.
Selon eux, «le but évident de ce comportement est d’enflammer l’opinion publique contre un accusé dans une affaire criminelle en cours».
Mes Taylor et Brafman ont accusé les conseils de la femme de chambre d’avoir «orchestré un nombre sans précédent d’événements médiatiques et de rassemblements pour exercer une pression sur les services du procureur».
«Ses avocats savent que les demandes d’argent (de la femme de chambre dans un futur procès au civil) subiront un coup fatal lorsque les charges criminelles (contre Dominique Strauss-Kahn) seront abandonnées comme elles doivent l’être», affirment encore Mes Taylor et Brafman.
L’ancien favori de l’élection présidentielle française plaide non coupable.
L’avocat de la plaignante, Kenneth Thompson, a de son côté accusé dimanche soir les défenseurs de DSK «d’avoir mené une campagne de diffamation sans précédent contre la victime d’une agressions sexuelle violente».
«La campagne de diffamation a comporté des fuites de l’équipe de la défense qui a qualifié (la Guinéenne) --sans aucune preuve-- de prostituée», a-t-il asséné dans un communiqué, estimant que les défenseurs de DSK «devraient avoir honte de leur comportement».
L’offensive de la femme de chambre guinéenne intervient alors que le New York Times rapportait samedi que le procureur qui poursuit DSK aux Etats-Unis allait probablement demander aux autorités françaises l’autorisation d’interroger Tristane Banon. Cette jeune femme française a porté plainte en France contre l’ex-ministre socialiste pour une tentative de viol qui aurait eu lieu en 2003.
L’avocat de cette dernière, Me David Koubbi, a rencontré mardi à New York le défenseur de la femme de chambre et le procureur chargé de l’affaire, Cyrus Vance.