13 Octobre 2010
Le président bissau-guinéen Malam Bacai Sanha a investi, mercredi à Bissau, l'amiral José Américo Bubo Na Tchuto comme chef d'état-major de la Marine, tout en lui demandant de "prouver" lui-même son innocence face à ceux qui l'accusent d'être un trafiquant de drogues.
Au même moment, dans un communiqué publié à Dakar, l'ambassade des Etats-Unis a "regretté" cette nomination, en réaffirmant que ce "baron de la drogue" joue un "rôle important dans le trafic international des stupéfiants".
En pleine cérémonie d'investiture, le chef de l'Etat a déclaré à l'officier des plus controversés, qu'il avait lui-même nommé la semaine précédente par décret: "Vous devez prouver à ceux qui vous accusent de tremper dans des activités illicites que ce qu'ils disent ne correspond pas à la vérité. Prouvez-le vous-même".
L'amiral a alors baissé les yeux avant d'afficher un air grave.
"Je m'adresse à vous, amiral Na Tchuto!", a poursuivi le président. "En vous nommant à ce poste, je n'ai fait qu'appliquer un devoir que la Constitution nous confère. La justice militaire vous a blanchi. Il reste à la communauté internationale de l'apprécier. Vous devez, de votre côté, prouver que vous êtes un combattant de la libération et un officier modèle", a-t-il dit.
"Mais si des preuves irréfutables surgissent, je prends le chef d'état-major général des forces armées (Antonio Indjai, ndlr) et le gouvernement à témoin, nous allons appliquer les mesures qui s'imposent", a-t-il dit.
Le président n'a cependant pas évoqué explicitement le trafic de drogue, alors que le petit pays ouest-africain a été considéré ces dernières années comme un important point de transit de la cocaïne sud-américaine destinée à l'Europe, avec la complicité de l'armée.
José Américo Bubo Na Tchuto dit Bubo, en tenue d'apparat soigneusement blanchie, a ensuite déclaré à des journalistes: "Il n'y aucune preuve pour toutes les accusations portées contre ma personne".
"J'ai toujours demandé qu'on présente des preuves. Personne ne l'a fait!", a-t-il assuré, en affichant un grand sourire.
Accusé par la direction de l'armée de tentative de putsch et de trafic de drogues, en août 2008, il avait dû fuir clandestinement le pays et trouver refuge en Gambie.
Puis, en mars 2009, le chef des armées, Batista Tagmé Na Waie - son ennemi - avait été tué dans un attentat à la bombe suivi, quelques heures plus tard, de l'assassinat du président Joao Bernardo Vieira par des militaires.
Fin 2009, Bubo était rentré clandestinement à Bissau, après avoir passé plus d'un an en exil en Gambie.
Il n'est revenu sur le devant de la scène que le 1er avril quand son ami, le général Indjai, a renversé le chef des armées José Zamora Induta.
Dans la foulée, en juin, le tribunal militaire a classé "définitivement" le dossier des accusations portées contre Bubo.
A Bissau, sa nomination par le président de la République, élu l'an dernier, est perçue comme une manière de ménager l'armée qui ne cesse de s'immiscer dans la vie politique de l'ex-colonie portugaise.
"Je promets de travailler, beaucoup travailler. J'ai une grande vision, celle de changer la Marine", a lancé mercredi Bubo.
L'officier, réputé s'être enrichi rapidement quand il gérait la Marine, reste populaire parmi les troupes qu'il favorisait matériellement.
Dans ce pays pauvre, la Marine est quasiment dépourvue de bateaux mais compte environ 600 soldats.