18 Septembre 2010
Depuis plusieurs années, nous observons tous l’évolution de la situation politique dans notre
pays. Une évolution en dents de scie que nous avons gérée, ensemble, pour finalement aboutir aux premières élections libres et transparentes en Guinée le 27 juin dernier.
S’il y a encore lieu de le rappeler, ses élections étaient pleines d’espoir et devaient nous emmener sur
le chemin de la démocratie et du développement prôné par le CNDD. Pour le courage avec lequel il conduit cette transition, j’adresse mes sincères félicitations au Président de la République, le
Général d’armée Sékouba Konaté. Puisse Le Tout Puissant l’aider à rester au dessus de la mêlée et inscrire son nom en lettres d’or au fronton de l’histoire de la Guinée.
Certes, de nombreuses contestations se sont élevées après les résultats du premier tour, mais il faut
reconnaitre que nous étions à notre première élection démocratique et il était bien difficile pour la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) d’exceller dans l’organisation de ce
scrutin : il faudra donc penser au renforcement de ses capacités pour le second tour et les autres élections à venir.
Un autre enjeu de cette élection était bien l’unité nationale que nous devions impérativement consolider
et qui est aujourd’hui menacée. Pour cette raison, j’ai objectivement voté pour Lansana Kouyaté que j’aime pour le rêve qu’il a pour notre chère patrie et son côté rassembleur. C’est un homme
plein d’idées et d’imagination qui aurait pu faire beaucoup de choses si on lui avait confié la conduite de notre pays.
Cette page est désormais tournée. Il faut maintenant regarder vers l’avenir. Les Guinéens ont porté leurs
choix sur Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Pour ce second tour, c’est entre eux qui il va falloir choisir en tenant compte des alliances qu’ils ont nouées, mais aussi de leurs personnalités,
de leurs compétences et de leurs expériences.
D’entrée de jeu, je voudrais donc préciser que le critère ethnique que certains considèrent comme étant fondamental n’a rien d’objectif. Il vise plutôt à détourner l’électorat de l’essentiel. Les
ethnies sont les branches d’un même arbre, et dans le cas d’espèce, cet arbre s’appelle Guinée. Lorsque nous sommes à l’extérieur et que nous nous rencontrons, nous disons que nous sommes
Guinéens tout court. Il faut que les uns et les autres arrêtent d’ethniciser le débat politique pour faire place à un exposé clair et net des programmes de chacun des candidats pour que la Guinée
sorte enfin de la misère. Lorsqu’il n’y a pas d’eau ou d’électricité, on ne cherche pas à savoir s’il y en a chez un peul ou un malinké ou encore chez un guerzé…
Aussi, voudrais-je ajouter qu’aucune règle n’écarte une ethnie de la gestion du pays. Chacune des ethnies vivant en Guinée a ses défauts et ses qualités. Et c’est cette différence qui fait notre
richesse ; nous devons en profiter. Nous les futurs leaders, nous ne pourrons réussir la succession de nos ainés que si nous arrivons à transcender les clivages ethniques et régionalistes.
Relativement aux coalitions en présence, l’Alliance Cellou Dalein Président est à mon avis plus homogène. On y retrouve des hommes qui partagent une vision similaire du développement de la Guinée
et dont la transversalité ne fait l’ombre d’aucun doute. C’est une Alliance riche en expériences et en compétences.
De l’autre côté, comme le disait si bien Monsieur Ansoumane Doré (cf. LA LANCE n°710 du 15 septembre 2010), on constate que c’est plutôt « une réunion d’éléments hétéroclites qui composent
l’Alliance Arc-en-ciel autour du RPG d’Alpha Condé ».
C’est d’abord une série d’alliances contre-natures puisqu’on y retrouve des libéraux qui, pour des raisons non avouées, ont fait alliance avec un socialiste (de sources concordantes, mon leader,
Lansana Kouyaté, aurait été forcé à signer avec son körö Alpha Condé).
C’est ensuite une alliance de circonstance qui n’aboutira à rien puisque personne n’ignore l’agressivité qui a toujours prévalu dans les relations entre Lansana Kouyaté et Alpha Condé On se
rappelle encore de ce meeting à Kissidougou où Lansana Kouyaté s’en est sérieusement pris à Alpha Condé et a clairement dit ce qu’il pensait de lui. Il en est de même pour François Lonceny Fall
que des hommes comme Mamadou Sylla ont chassé. Que dire de Fodé Bangoura qui avait mis Mamadou Sylla et Fodé Soumah au gnouf ou encore du grand amour entre Kassory Fofana et Dr Ousmane Kaba… Bref
! Il serait difficile de voir cette alliance impulser le développement durable tant souhaité par les Guinéens puisque la cacophonie et les règlements de comptes seront inévitables et ils
empêcheraient une vision claire dans le programme de Gouvernement. Ces hommes n’ont en commun que la volonté de barrer la route à un homme, en l’occurrence Cellou Dalein Diallo, pour ses
origines.
Lorsque nous nous intéressons à la personnalité et à l’expérience de ces deux candidats, il ya des choses assez intéressantes chez chacun d’eux.
Cellou Dalein Diallo a commencé sa carrière professionnelle très jeune comme inspecteur du commerce. Il gravît petit à petit les échelons pour se retrouver à la Banque Centrale, puis à
l’Administration des Grands Projets, et enfin dans le Gouvernement Sidya Touré en 1996 avant d’être lui-même nommé Premier Ministre en décembre 2004.
Contrairement à son adversaire, Cellou est un libéral et un technocrate aguerri à la gestion de la chose publique. Il a une parfaite maîtrise des dossiers guinéens doublée de la confiance des
partenaires au développement. Son expérience et sa compétence ne font l’ombre d’aucun doute. D’aucuns me diront qu’il a travaillé sous l’ancien régime, mais moi je considère que c’est un argument
léger puisqu’il a été de loin plus performant que de nombreux autres qui meublent aujourd’hui l’Alliance arc-en-ciel.
A la différence de nombre de cadres de l’Alliance arc-en-ciel, Cellou Dalein Diallo n’a été éclaboussé par aucun scandale financier. Les résultats des audits le prouvent à suffisance : Dr Ousmane
Kaba ne me dira pas le contraire. Et puis, l’environnement ayant changé, je ne vois pas pourquoi lui Cellou échouerait là où Ali Bongo du Gabon et Faure Gnassimgbé du Togo, en hommes
expérimentés, sont en train de réussir le pari du changement après avoir succédé à leurs propres pères.
Sur le plan social, Cellou Dalein Diallo est marié et père de quatre enfants. C’est aussi un homme vertueux, poli, modéré et conciliant. Ouvert au débat, Cellou Dalein Diallo est un démocrate
capable d’accepter la contradiction à laquelle le future Président de la République de Guinée sera confronté tant les Guinéens sont devenus exigeants. Il est donc à même de rassembler tous les
Guinéens et les conduire sans distinction aucune vers le développement.
Le cas de Alpha Condé est lui particulièrement très intéressant et soulève quelques interrogations auxquelles je n’ai pas trouvé de réponses.
Comme l’a dit Etienne Soropogui, Président par intérim du parti NFD, lors d’un meeting tenu à Kissidougou le 08 septembre 2010 (cf. L’OBSERVATEUR n°509 du 13 septembre 2010), à 73 ans, Alpha
Condé n’a pas pu construire une famille (la plus petite cellule de base de la société) : ça m’étonnerait bien qu’il réussisse à rassembler des Guinéens aussi divisés aujourd’hui. Surtout que, au
moment où le syndrome de l’ivoirité nous interpelle encore, lui-même n’a pas hésité à traiter des Guinéens « d’étrangers » lors de son passage dans l’émission FACE AU PUBLIC de la RTG présentée
par Yamoussa Sidibé.
L’unité nationale n’est pas un vain mot, mais un comportement. Pendant que le pays a plus que besoin de paix, contrairement à son adversaire, Alpha Condé passe le plus clair de son temps à tenir
des propos va-t-en-guerre et incitant à la violence.
Sur le plan professionnel, Alpha Condé n’est pas un modèle pour la jeunesse guinéenne car il n’a jamais rien fait de concret pour cette Guinée qui lui a pourtant tout donné. Professeur comme il
le prétend, a-t-il enseigné un seul jour dans un amphithéâtre guinéen ? Il n’a en aucune manière participé à la formation de ses frères et fils de Guinée. Contrairement à lui, des leaders comme
Lansana Kouyaté, Abé Sylla ou Sidya Touré n’ont pas attendu de rentrer au pays ou d’occuper des postes gouvernementaux pour s’invertir dans la construction d’infrastructures, d’hôpitaux ou la
formation de la jeunesse guinéenne : les plantations de Lansana Kouyaté, le complexe scolaire Victor Hugo de Sidya Touré à Matoto et les hôpitaux construits par Abé Sylla à Forécariah, Kindia et
Kissidougou en sont l’illustration.
Tant sous l’angle de l’initiative privée que sous celui de l’expérience de la gestion des affaires publiques, Alpha Condé n’a aucune référence professionnelle à partir de laquelle on peut évaluer
ses compétences et croire en sa capacité de réaliser le changement dont il parle tant. On me dira qu’il menait son combat politique, mais moi je réponds que des hommes politiques comme Aboulaye
Wade du Sénégal et Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire ont mené de longs combats politiques mais ils ont toujours eu une vie de famille et un CV. Et lui Alpha Condé, où sont les siens ?
Le candidat du RPG a fait du ‘’changement’’ le leitmotiv de sa campagne mais le changement est un idéal qui ne peut être opéré que par des hommes ; et je ne vois pas avec qui il va changer la
Guinée. Pour reprendre un vieux proverbe du pays guerzé, « on ne fait pas une bonne lessive avec de l’eau sale ».
Et par-dessus tout, Alpha Condé est un homme fermé au débat d’idées. Il refuse tout débat contradictoire avec son adversaire. Or, cela est l’essence même de la démocratie. En France comme
ailleurs, ce sont les débats contradictoires qui ont toujours permis aux électeurs indécis de faire leurs choix. Comment veut-il que les Guinéens surpassent les considérations ethniques et
sachent pertinemment à qui vont-ils confié les destinées de leur pays pour les cinq années à venir ?
Moi par exemple je suis jeune (j’ai 28 ans) et la problématique de l’emploi des jeunes est une question qui me tient à coeur. Alpha Condé étant socialiste, va-t-il nous ramener à un système où
l’Etat sera le pourvoyeur d’emplois pour tous ou encourager la libre entreprise ? Voilà une des questions nationales qui devraient être débattues pour éclairer la lanterne des uns et des autres
pour déterminer objectivement les choix.
J’ai fièrement voté pour Lansana Kouyaté au premier tour. Pour une Guinée nouvelle, j’ai fondé mes espoirs sur lui mais il n’a pas été compris. Pour le second tour, j’ai failli succomber à
l’argumentaire de la peur de confier le pays à un peulh (je m’excuse mais c’est ce qui se dit). Mais l’évolution du débat politique dans notre pays m’a permis de comprendre qu’au dessus de
l’ethnie, il y a la patrie que nous devons sauver.
La situation politique et socio-économique du pays est trop précaire pour que nous confiions le pays à quelqu’un qui vient s’y essayer ou pour régler de vieux comptes. Notre pays a besoin d’un
Président opérationnel dès son élection. Un Président qui saura par où commencer puisqu’il a une réelle maîtrise des problèmes du pays et dispose d’une équipe compétente et expérimentée à même de
trouver tout de suites des solutions adéquates.
Entre les deux candidats en lice pour le second tour, je me suis décidé à voter pour Cellou Dalein Diallo. J’appelle mes compatriotes à dépasser les considérations ethniques et à voter
massivement pour cet homme. Avec des experts de la trempe de Sidya Touré, Abé Sylla et autres à ses côtés, je suis sûr que le rêve de l’unité nationale, du développement durable et du rayonnement
international de notre chère Guinée deviendra rapidement une réalité.
Que Dieu Bénisse la Guinée et les Guinéens !
Frederick Loua